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23/04/2015 | FRANCE | N°14DA01001

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 avril 2015, 14DA01001


Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2014, présentée pour le PREFET DU NORD, par MeC..., qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402093 du 4 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 1er avril 2014 décidant la remise de M. B...aux autorités espagnoles et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la con...

Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2014, présentée pour le PREFET DU NORD, par MeC..., qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402093 du 4 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 1er avril 2014 décidant la remise de M. B...aux autorités espagnoles et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2004-226 du 9 mars 2004 portant publication de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Edouard Nowak, premier vice-président ;

1. Considérant que le PREFET DU NORD relève appel du jugement du 4 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 1er avril 2014 décidant la remise de M. B...aux autorités espagnoles et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) " ;

3. Considérant que pour décider la remise de M. B...aux autorités espagnoles, le PREFET DU NORD s'est fondé sur la circonstance qu'à la suite de l'interrogation du fichier " Eurodac ", l'intéressé avait été identifié comme demandeur d'asile en Espagne, pays dont les autorités étaient dès lors responsables de l'examen de cette demande ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel prévoit que peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités étrangères d'un Etat membre de l'Union, l'étranger en provenance directe d'un Etat membre ou qui s'y est vu autoriser à entrer ou à séjourner ; que dès lors, le PREFET DU NORD ne pouvait fonder sa décision ordonnant la remise de M. B...aux autorités espagnoles sur ces dispositions ;

4. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;

5. Considérant qu'en l'espèce, la décision contestée trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 531-1 de ce code dès lors, en premier lieu, qu'ayant été identifié à la borne " Eurodac " comme demandeur d'asile en Espagne, M. B... se trouvait dans la situation où, en application de l'article L. 531-2 et en dépit du fait qu'il n'avait pas sollicité l'asile en France, le préfet pouvait décider qu'il serait remis aux autorités espagnoles, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; qu'il y a ainsi lieu de procéder à la substitution de base légale sollicitée et, par suite, d'écarter le motif, retenu par le jugement attaqué, d'annulation de la décision de remise de l'intéressé aux autorités espagnoles ; que par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'a pas procédé à la substitution de base légale sollicitée et s'est fondé sur ce motif pour annuler sa décision du 1er avril 2014 décidant la remise de M. B...aux autorités espagnoles ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;

7. Considérant que l'arrêté contesté qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde est suffisamment motivé ;

Sur la décision de remise aux autorités espagnoles :

8. Considérant que par un arrêté du 16 juillet 2013 régulièrement publié le même jour au recueil spécial n° 148 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme D...A..., responsable de la section du contentieux à la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord et signataire des décisions attaquées, à fin de signer, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général, du secrétaire général adjoint et du directeur de l'immigration et de l'intégration, notamment les décisions contenues dans l'arrêté attaqué ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté ;

9. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... s'est vu notifier le 1er avril 2014 par le truchement d'un interprète en langue arabe, de la possibilité de présenter ses observations ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'exécution de la mesure de remise, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure ; qu'il n'invoque aucun autre élément de nature à constater que son droit à être entendu aurait été méconnu ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les garanties procédurales prévues à l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

10. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le PREFET DU NORD pouvait légalement décider la remise de M. B...aux autorités espagnole sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, la référence surabondante faite à l'article 5 du règlement CE 562/2006 du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes est sans incidence sur la légalité de la décision de remise aux autorités espagnoles ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'accord franco-espagnol relatif à la réadmission des personnes signé le 26 novembre 2002 : " L'obligation de réadmission prévue à l'article 5 n'existe pas à l'égard : / (...) / e) Des ressortissants des Etats tiers auxquels s'applique la convention relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes signée à Dublin le 15 juin 1990 ; / (...) / " ; que compte tenu de ce qui a été dit au point 5, l'intéressé qui fait légalement l'objet d'une mesure de réadmission en application des dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière qui ne lui sont dès lors pas applicables ;

Sur la mesure de placement en rétention administrative :

12. Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C-249/13 du 11 décembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. B...a été entendu par les services de police le 1er avril 2014, sur sa situation personnelle notamment en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 1er avril 2014 ; que, la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de cet arrêté doit être rejetée et, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 avril 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°14DA01001

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01001
Date de la décision : 23/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Edouard Nowak
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-04-23;14da01001 ?
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