La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2015 | FRANCE | N°15DA00867.doc

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 04 novembre 2015, 15DA00867.doc


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 9 février 2015 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501241 du 29 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2015, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le juge

ment du tribunal administratif de Lille du 29 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2015 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 9 février 2015 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501241 du 29 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2015, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2015 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me E...en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- sa demande d'asile formée auprès des autorités grecques, en application du règlement du 26 juin 2013 dit " Dublin III ", faisait obstacle à l'intervention d'une obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- le refus de délai de départ volontaire a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait en ce qu'il mentionne qu'il ne possède pas d'attache familiale en France alors qu'il a conclu un pacte civil de solidarité ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est fondé uniquement sur le a) du 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il justifie de garanties de représentation suffisantes ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2015, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant guinéen né le 1er décembre 1977, relève appel du jugement du 29 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 9 février 2015, du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 février 2015 a été signé par M. C...D..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration ; que ce dernier était titulaire d'une délégation de signature du 29 septembre 2014 du préfet du Nord, régulièrement publiée le même jour au recueil spécial n° 278 des actes administratifs de la préfecture du Nord, l'habilitant à signer en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général, du secrétaire général adjoint et de M. G...B..., directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, notamment les obligations de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ et le pays de destination ainsi que les placements en rétention administrative ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que le secrétaire général de la préfecture, le secrétaire général adjoint et le directeur de l'immigration et de l'intégration n'aient pas été absents ou empêchés à la date à laquelle a été signé l'arrêté du 9 février 2015 par lequel une obligation de quitter le territoire français a été prononcée à l'encontre du requérant ; que le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit dès lors être écarté ;

3. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M.A..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

4. Considérant que si le requérant fait valoir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il avait demandé l'asile lors d'un séjour antérieur en Grèce et que son éloignement ne pouvait dès lors être prononcé par le préfet du Nord que sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure de réadmission des demandeurs d'asile à destination du pays responsable de l'examen de cette demande, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le requérant a effectivement sollicité l'asile sur le territoire grec ; que si M. A... produit, pour la première fois en appel, une photocopie d'une autorisation provisoire de séjour qui lui aurait été délivrée par les autorités grecs à la suite de sa demande d'asile, il ressort toutefois des mentions portées sur ce document que ni la date de naissance ni le lieu de naissance ne correspondent avec la situation du requérant, dont le passeport indique qu'il est né le 1er décembre 1977 à Tougnifily Boffa en Guinée et non le 12 décembre 1982 ; que si cette autorisation de séjour mentionne son pays d'origine, elle ne précise pas son lieu de naissance alors qu'elle devrait le comporter ; qu'en outre, alors que le requérant prétend qu'il a sollicité l'asile dès son arrivée en Grèce en 2008 et qu'il a été titulaire d'autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois régulièrement renouvelées jusqu'à son départ du pays au mois de mars 2012, les mentions portées sur ce document, qui font tout au plus référence à un unique renouvellement pour 6 mois d'une autorisation de séjour parvenue à son terme le 4 octobre 2011, ne permettent pas de corroborer ses allégations ; qu'enfin, bien qu'interrogé lors de son audition par les services de police sur ses observations en cas de retour non seulement en Guinée mais aussi, contrairement à ce qu'il prétend, vers un pays dans lequel il serait également admissible, l'intéressé n'a nullement mentionné qu'il était légalement admissible en Grèce en raison d'une demande d'asile dont l'examen aurait été encore en cours à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, M.A..., qui ne démontre pas, par la seule pièce produite, avoir sollicité l'asile sur le territoire grec, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'entrée irrégulière sur le territoire national sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le requérant n'est pas davantage fondé à prétendre qu'en s'abstenant de recourir à la procédure de réadmission vers la Grèce, le préfet du Nord aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;

5. Considérant que si le requérant fait valoir qu'il est entré en France le 11 mars 2012 en provenance de Grèce et qu'il réside depuis cette date sur le territoire national avec une ressortissante française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du tribunal d'instance de Lille le 3 mars 2014, le caractère épars et lacunaire des pièces produites, constituées pour l'essentiel d'une facture d'électricité du 13 mai 2013, d'une lettre de relance du 28 juin 2014, de quelques relevés de la caisse d'allocations familiales émis au mois de mai 2014 et au mois de février 2015 et d'attestations dépourvues de valeur probante, ne permet pas de justifier de l'ancienneté des liens affectifs dont il se prévaut en France ; que le requérant n'établit pas non plus qu'il serait dépourvu de toute attache familiale en Guinée, où résident ses parents et les membres de sa fratrie et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressé, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prononcée par le préfet du Nord aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M.A... ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

7. Considérant que la décision attaquée vise le a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique les éléments de droit et de fait pour lesquels le préfet du Nord a estimé ne pas devoir accorder un délai de départ volontaire à M.A... ; que, par suite, elle est suffisamment motivée ;

8. Considérant que pour justifier son refus de faire bénéficier l'intéressé d'un délai de départ volontaire, le représentant de l'Etat s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas effectué de démarche en vue de régulariser sa situation administrative ; que, par suite le préfet pouvait, par ces seuls motifs et sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de fait, décider de priver le requérant d'un délai de départ volontaire ; que ni la circonstance que ce dernier disposait d'une adresse personnelle en France, ni celle qu'il disposerait d'un passeport, ne sont de nature à établir que le représentant de l'Etat aurait entaché sa décision de refus de délai de départ volontaire d'erreur d'appréciation quant au risque que le requérant envisage de se soustraire à une mesure d'éloignement ;

Sur le pays de renvoi :

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

10. Considérant, d'une part, que si M.A... fait valoir qu'il a quitté la Guinée en raison des risques qu'il y encourt suite à l'assassinat de son frère alors membre d'un parti d'opposition auquel M.A... appartient, il ne l'établit pas ; que, d'autre part, s'il soutient qu'il serait exposé à des menaces graves pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'épidémie de fièvre à virus Ebola qui sévit en Afrique de l'Ouest, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il peut craindre personnellement pour sa vie voire même que la région dont il est originaire serait particulièrement visée par la propagation de cette épidémie ; que, par suite, l'arrêté du préfet du Nord n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M.A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 23 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. F...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

2

N°15DA00867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00867.doc
Date de la décision : 04/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : LANCIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-04;15da00867.doc ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award