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12/11/2015 | FRANCE | N°14DA00909

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 novembre 2015, 14DA00909


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2014, la SARL Bruaymond, représentée par Me B...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 février 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique a autorisé la SAS Etoile Cinémas Développement à créer un établissement cinématographique composé de neuf salles et mille sept cent vingt six places sur le territoire de la commune de Béthune (Pas-de-Calais) ;

2°) de mettre à la charge de la SAS

Etoile Cinémas Développement le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2014, la SARL Bruaymond, représentée par Me B...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 février 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique a autorisé la SAS Etoile Cinémas Développement à créer un établissement cinématographique composé de neuf salles et mille sept cent vingt six places sur le territoire de la commune de Béthune (Pas-de-Calais) ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Etoile Cinémas Développement le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la composition de la Commission est irrégulière ;

- les avis des ministres intéressés font défaut ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement ;

- les signataires des avis formulés par les ministres n'étaient pas compétents ;

- la décision compromet l'équilibre financier et l'existence de l'établissement qu'elle exploite ;

- l'engagement de programmation " Art et Essai " pris par le pétitionnaire ne pourra pas être tenu ;

- la décision attaquée méconnaît l'objectif de diversité de l'offre cinématographique ;

- les décisions du conseil municipal de la commune de Béthune autorisant le projet et accordant des subventions sont entachées d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2014, la SAS Etoile Cinémas Développement, représentée par Me C...A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Bruaymond de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de légalité ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le moyen reposant sur des critères économiques est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 24 octobre 2014, la SARL Bruaymond, représentée par la SCP Avocagir, conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que :

- le dossier de demande d'autorisation est insuffisant et méconnaît les dispositions du c) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions du d) du 2° de l'article L. 212-9 et de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée relatifs à l'insertion du projet dans son environnement ;

- le projet aura un impact économique sur les équipements cinématographiques existants dans la zone en violation du c) du 1° de l'article L. 212-9 du même code ;

- le projet de programmation de la demande d'autorisation contestée et celui figurant dans le protocole d'accord conclu entre la société Etoile Cinémas Développement et la commune de Béthune se contredisent.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2014 et 2 octobre 2015, la SAS Etoile Cinémas Développement confirme ses précédentes écritures et soutient, en outre, que :

- les nouveaux moyens de légalité interne développés par la requérante postérieurement au délai de recours sont irrecevables ;

- ils sont, en outre, infondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 24 décembre 2014 et 20 octobre 2015, la SARL Bruaymond confirme ses précédentes écritures et soutient, en outre, que ces moyens de légalité interne sont recevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...F..., représentant la SARL Bruaymond, et de Me E...H..., représentant la SAS Etoile Cinémas Développement.

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-49 du code de commerce, alors en vigueur : " (...) La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. (...) " ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce : " Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission. Il donne son avis sur les demandes examinées par la Commission nationale d'aménagement commercial au regard des auditions effectuées " ; que ces avis sont au nombre des actes dont la validité est subordonnée à la signature par une personne habilitée à engager le ministre concerné ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion du 13 février 2014 de la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique que le quorum exigé était atteint et que la décision attaquée a été prise au vu des avis formulés par les ministres de la culture et de l'économie et signés par des personnes habilitées à engager les ministres et après qu'ont été entendues les conclusions du commissaire du gouvernement ; qu'ainsi les moyens tirés de l'irrégularité de la composition de la Commission, de l'absence des avis des ministres intéressés et des conclusions du commissaire du gouvernement, ainsi que de l'incompétence des signataires des avis formulés par les ministres, doivent être écartés ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier déposé auprès de la Commission que celui-ci comportait le nombre et la localisation des places de parking existantes ou à créer, au regard des besoins, par le porteur de projet ou la commune de Béthune ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée, alors en vigueur : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée que la qualité des services offerts " ; qu'aux termes de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans le cadre des principes définis à l'article 30-1, la commission d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement contractés en application de l'article 90 de la loi n° 82-52 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet. " ;

5. Considérant que l'autorisation en litige de la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique concerne la création d'un établissement cinématographique de neuf salles et mille sept cent vingt-six places dans le centre-ville de Béthune ; qu'à la date de la décision attaquée, la création de quatre cent quatre-vingt places de stationnement par la commune était prévue à proximité du projet, venant compléter l'offre existante de six cent soixante-treize places ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre de places de parking était insuffisant eu égard aux flux de véhicules envisagés, y compris lors des séances à très forte audience, compte tenu, notamment, des horaires de fréquentation des cinémas, le plus souvent décalés par rapport à ceux des commerces avoisinants ; que la circonstance que, postérieurement à la décision attaquée, la commune ait prévu de modifier le nombre et surtout la répartition des places de stationnement à créer, ouverts à tout public et non exclusivement à la clientèle du cinéma, en fonction de l'évolution du projet de zone d'aménagement concerté dit " pôle gare ", est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'autorisation accordée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée compromettrait, faute d'un nombre de places de stationnement suffisant, l'objectif d'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme et les dispositions du c) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté ;

6. Considérant que les pièces du dossier qui comprennent notamment les avis du préfet, du ministre de l'écologie et de l'architecte des Bâtiments de France ont permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de contrôler la bonne insertion de l'ensemble du projet, y compris du parking envisagé, dans son environnement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée compromettrait l'objectif d'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme et les dispositions du d) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté ;

7. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure pas la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet ; que, par suite, le moyen tiré du risque que la création de nouvelles salles ferait peser sur la survie de l'établissement exploité par la société requérante, à le supposer établi, et celui d'une densité importante de salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet doivent être écartés comme inopérants ;

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces que, contrairement à ce qui est soutenu, la société pétitionnaire, qui ne s'était d'ailleurs pas engagée vis-à-vis de la commune de Béthune à ne programmer que des films " Art et Essais ", ne pourra pas respecter son engagement de programmation de tels films ; qu'au demeurant, la programmation généraliste envisagée par la SAS Etoile Cinémas Développement laisse une place importante aux films français et européens conformément à son engagement ; qu'en outre et en tout état de cause, il est seulement allégué que l'installation de ce nouvel équipement devrait nécessairement entraîner sur l'ensemble des établissements cinématographiques du secteur une réduction de la pluralité de l'offre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée compromettrait l'objectif de diversité de l'offre cinématographique et les dispositions du b) du 1° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté ;

9. Considérant que si la société soutient, sans au demeurant l'établir, que les délibérations du conseil municipal de Béthune accordant des subventions à la société Etoile Cinémas Développement seraient constitutives d'un détournement de pouvoir, ce moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Etoile Cinémas Développement aux moyens de légalité interne présentés par la société requérante, que celle-ci n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Etoile Cinémas Développement qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Bruaymond demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Bruaymond le versement à la société Etoile Cinémas Développement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Bruaymond est rejetée.

Article 2 : La SARL Bruaymond versera la somme de 1 500 euros à la SAS Etoile Cinémas Développement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bruaymond, à la société Etoile Cinémas Développement et à la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique.

Copie en sera transmise pour information au ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience publique du 29 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2015.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°14DA00909 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00909
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CHAMBONNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-12;14da00909 ?
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