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26/11/2015 | FRANCE | N°14DA01659

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 26 novembre 2015, 14DA01659


Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2014, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2015, la société par actions simplifiée Immochan France, représentée par la SELAS Wilhelm et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de l'autoriser à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 27 255 m² sur le territoire de la commune de Grande-Synthe ; 2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aména

gement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de quatre moi...

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2014, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2015, la société par actions simplifiée Immochan France, représentée par la SELAS Wilhelm et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de l'autoriser à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 27 255 m² sur le territoire de la commune de Grande-Synthe ; 2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral et de la société Liaki chacun la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision est insuffisamment motivée ; - le projet ne porte pas atteinte à l'environnement au regard de la consommation foncière, de l'étalement urbain ou de la consommation inutile d'espaces naturels ; - l'augmentation des flux de circulation ne provoquera pas de saturation des axes routiers ; - l'insertion paysagère est assurée ; - le projet participera à l'animation de la vie urbaine et à la protection du consommateur ; - il aura des effets positifs en matière de développement durable compte tenu de sa qualité environnementale et de son insertion dans le réseau de transport collectif ; - il ne comporte pas d'incompatibilité avec les documents de planification. Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 février 2015, la commune de Grande-Synthe, représentée par la SCP D...et associés, s'associe aux conclusions de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le projet répond à un intérêt collectif ; - la décision est insuffisamment motivée ; - le projet ne nuit pas à l'environnement ; - il ne procèdera pas à une consommation inutile d'espaces naturels ; - les aménagements routiers sont suffisants pour absorber l'augmentation du trafic routier ; - le projet participera à l'animation de la vie urbaine en proposant une offre commerciale complémentaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2015, la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral, représentée par Me E...G..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Immochan France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens ne sont pas fondés ; - la Commission nationale aurait également pu fonder son refus sur les effets négatifs du projet en termes d'animation de la vie urbaine, de la méconnaissance de l'objectif de protection du consommateur et de la méconnaissance du SCOT Littoral Flandres. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2015, la société Liaki, représentée par Me I...(société d'avocats Simon associés) conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Immochan France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la Commission nationale aurait dû, sur le fondement de l'article L. 752-21 du code de commerce, rejeter une demande identique à celle introduite moins d'un an auparavant ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015, la société Cora, représentée par la SELARL Letang avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Immochan France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier. Une note en délibéré présentée pour la société Liaki a été enregistrée le 13 novembre 2015. Vu :- le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me F...H..., représentant la société Immochan France, de Me A...D..., représentant la commune de Grande-Synthe, de Me E...G..., représentant la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral, de MeI..., représentant la société Liaki, et de Me C...B..., représentant la société Cora. Sur les interventions : 1. Considérant que la commune de Grande-Synthe a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; que son intervention peut être admise ; Sur la légalité de la décision : 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, issu de la loi du 4 août 2008, applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ; 3. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Immochan France a acquis, en vue d'y aménager une galerie marchande, un ensemble de parcelles sur lesquelles avaient été installés dans le passé divers équipements sportifs communaux, qui, devenus vétustes, ont été abandonnés puis détruits ; que le projet de cette société se situe dans le prolongement immédiat d'un ensemble commercial Flandres Littoral lui appartenant situé dans l'agglomération de Grande-Synthe à 3,5 km du centre-ville et en périphérie ouest de la commune de Dunkerque ; que, dans le cadre d'un projet de revitalisation de ces parcelles en déshérence, le plan local d'urbanisme a prévu l'affectation de ces espaces à des activités commerciales ; que si le terrain est également situé aux abords du parc du Puythouck constituant une vaste réserve naturelle, il en est séparé par un lac et n'empiète pas sur la zone préservée ; qu'ainsi, compte tenu de l'environnement urbain et commercial existant, de la présence du parc naturel qui marque la limite de l'urbanisation telle qu'elle a été voulue par les auteurs du plan local d'urbanisme et de l'existence d'aménagements anciens qui ont fait perdre au site son caractère naturel même si l'état d'abandon de celui-ci a pu favoriser momentanément un certain retour de la végétation, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que la réalisation du projet d'extension des commerces et des espaces de stationnement marquera fortement l'environnement en terme d'étalement urbain ; 5. Considérant que l'opération comporte la création d'un parc de stationnement de 1 046 places de plain-pied, compensée par la suppression envisagée de 577 places, qui s'ajoutent aux places existantes au sein de l'ensemble commercial ; que si la Commission nationale a notamment motivé sa décision par la " consommation inutile d'espaces naturels ", les parcs de stationnement occuperont des espaces occupés par un vélodrome et des bâtiments sportifs désaffectés sans empiéter sur le site naturel du Puythouk qui borde l'aire commerciale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extension du parc de stationnement serait manifestement disproportionnée aux besoins qu'implique l'accueil de nouveaux clients, ni d'ailleurs que la réalisation d'un parc de stationnement en sous-sol ou en silo serait, dans le premier cas, techniquement appropriée compte tenu de la nature du terrain ou, dans le second cas, le serait également compte tenu de l'atteinte visuelle aux abords du site naturel ; qu'en outre, des aires de stationnement engazonnés et de nombreux espaces végétalisés sont prévus pour réduire les phénomènes d'imperméabilisation des sols ; que la société requérante est donc fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale a estimé que l'emprise foncière excessive portait atteinte à l'environnement ; 6. Considérant que la Commission nationale a estimé que l'augmentation des flux de circulation générée par le projet était susceptible de provoquer des phénomènes de saturation sur les axes de desserte ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général a donné son accord le 27 mai 2014 aux travaux destinés à rendre plus fluide l'accès routier au centre commercial et la société a prévu de prendre en charge financièrement ces travaux d'accès ; qu'en outre, la direction départementale des territoires et de la mer, dans son rapport du 12 février 2014, a estimé que l'impact du projet serait convenablement géré par un réaménagement des accès au centre commercial ; que les ministres chargés de l'environnement et de l'urbanisme ont également estimé dans un rapport commun du 2 juillet 2014 que les propositions d'aménagement proposées par le demandeur et acceptées par le département devraient pallier l'accroissement de la circulation, tandis que l'avis du ministre du commerce du 27 juin 2014 ne comporte pas d'appréciation négative sur les aménagements envisagés ; qu'ainsi, en l'absence d'éléments au dossier conduisant à penser que la réalisation des aménagements destinés à y remédier serait insuffisante, c'est à tort que la Commission nationale s'est fondée sur l'augmentation des flux de circulation pour refuser l'autorisation sollicitée ;

7. Considérant qu'enfin, la Commission nationale a estimé que les efforts du demandeur en termes d'insertion paysagère ne seront pas de nature à atténuer l'impact du projet sur son environnement ; que, cependant, cette appréciation, d'ailleurs formulée en des termes très généraux, n'est pas confirmée par les pièces du dossier ; que le projet architectural et l'insertion paysagère, conçus par une équipe pluridisciplinaire composée d'architectes-urbanistes et de paysagistes sélectionnée sur concours, prévoit notamment la préservation et la réhabilitation de la ferme Codron située au sein du domaine en cause et d'importantes plantations d'arbres et a dessiné une galerie marchande présentant une qualité architecturale non sérieusement contestée ; que si la direction départementale des territoires et de la mer, dans son rapport du 12 février 2014, a regretté que la façade arrière longeant le plan d'eau n'ait pas fait l'objet d'une attention aussi poussée que les autres façades, elle n'en a pas moins conclu que, dans ses grandes lignes, le projet avait été conçu en sorte que le site ne soit pas enlaidi ; que le ministre du commerce a considéré, dans son avis du 27 juin 2014, que l'insertion paysagère est globalement de qualité ; que les ministres chargés de l'environnement et de l'urbanisme ont estimé dans un rapport commun du 2 juillet 2014 que le projet était compatible avec la trame verte de l'agglomération à proximité immédiate d'une zone dont le caractère naturel devait être préservé ou rétabli, qu'il comportait un accompagnement végétal et que, globalement, il améliorait l'agrément général du site ; que la commune de Grande-Synthe souligne que les nouveaux aménagements prévus pour remplacer des installations vétustes contribuent à améliorer l'apparence de l'entrée de ville ; que ces appréciations positives ne sont pas démenties par les montages photographiques joints au dossier ; que, par suite, et alors même que la galerie marchande est prévue en fond de parcelle à la limite du parc naturel, la société Immochan France est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale s'est fondée sur les insuffisances des efforts d'insertion paysagère pour refuser l'autorisation sollicitée ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial dans sa décision du 3 juillet 2014 sont entachés d'illégalité ; 9. Considérant que la société Liaki, défendeur à l'instance, demande qu'aux motifs erronés de la décision attaquée soit substitué celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce et la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral que lui soient substitués ceux tirés des effets négatifs du projet en termes d'animation de la vie urbaine, de l'absence de qualité environnementale du projet et de la méconnaissance de l'objectif de protection du consommateur ; que toutefois de telles substitutions ne peuvent être demandées au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée, laquelle s'est bornée à transmettre à la cour le dossier de la demande ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y procéder ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Immochan France est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; Sur l'injonction : 11. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Immochan France dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Immochan France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Grande-Synthe qui a la qualité d'intervenante et non de partie à l'instance ; que ces mêmes dispositions font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral, la société Liaki et la société Cora qui ont la qualité de parties perdantes dans la présente instance ; DECIDE : Article 1er : L'intervention de la commune de Grande-Synthe est admise. Article 2 : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 3 juillet 2014 est annulée. Article 3 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Immochan France dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Immochan France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Grande-Synthe, la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral, la société Liaki et la société Cora sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immochan France, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la commune de Grande-Synthe, à la Fédération des groupements commerciaux des Flandres et du littoral, à la société Liaki et à la société Cora. Délibéré après l'audience publique du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient : - M. Olivier Yeznikian, président de chambre, - M. Christian Bernier, président-assesseur, - M. Hadi Habchi, premier conseiller. Lu en audience publique le 26 novembre 2015. Le président-rapporteur,Signé : C. BERNIERLe président de chambre,Signé : O. YEZNIKIANLe greffier,Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.Pour expédition conforme,Le greffier en chef,Par délégation,Le greffier,Sylviane Dupuis''''''''N°14DA01659 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01659
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MEILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-26;14da01659 ?
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