La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2015 | FRANCE | N°15DA00372

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 01 décembre 2015, 15DA00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens par deux instances distinctes, d'une part, l'annulation de la décision du 23 mai 2014 par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de l'admettre provisoirement au séjour dans le cadre de sa demande d'asile et, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'o

rigine.

Après avoir joint les deux demandes, le tribunal administratif d'Amie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens par deux instances distinctes, d'une part, l'annulation de la décision du 23 mai 2014 par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de l'admettre provisoirement au séjour dans le cadre de sa demande d'asile et, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Après avoir joint les deux demandes, le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement nos 1402088,1404376 du 3 février 2015 annulé la décision de refus d'admission provisoire au séjour du préfet de l'Oise ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 27 octobre 2014.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 4 mars 2015 sous le n° 15DA00372, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 février 2015 en ce qu'il a fait droit aux conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission provisoire au séjour prise le 23 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D...devant le tribunal administratif d'Amiens.

Il soutient que :

- l'attestation de naissance produite par l'intéressée à l'appui de sa demande d'asile était un document falsifié ;

- cette tentative de fraude justifiait le refus de l'admission provisoire au séjour en vertu des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2015, MmeD..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat verse à son avocat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens du préfet ne sont pas fondés ;

- elle n'a jamais eu l'intention de frauder ;

- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2015.

II) Par une requête, enregistrée sous le n° 15DA00373 le 4 mars 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif d'Amiens.

Il soutient que :

- le refus d'admission provisoire au séjour du 23 mai 2014 était justifié ;

- le tribunal administratif ne pouvait dès lors prononcer l'annulation de son arrêté du 27 octobre 2014 par voie de conséquence de celle de la décision précitée ;

- l'arrêté du 27 octobre 2014 n'a pas méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, MmeD..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat verse à son avocat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens du préfet ne sont pas fondés ;

- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vinot, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes susvisées, enregistrées sous le n° 15DA00372 et le n° 15DA00373 présentées par le préfet de l'Oise sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le refus d'admission provisoire au séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée. (...) Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / (...) " et qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la demande d'asile repose sur une fraude délibérée lorsque les indications fournies ou les informations dissimulées ont pour but d'induire en erreur les autorités sur l'identité, la nationalité ou les modalités de l'entrée en France du demandeur d'asile ; que les dispositions précitées de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour satisfaire à l'obligation, prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de présenter, à l'appui de sa demande d'asile introduite le 15 mai 2014, les indications relatives à son état civil, MmeD..., ressortissante de la République démocratique du Congo, a produit une attestation de naissance datée du 17 juillet 2013 ; qu'il ressort du procès-verbal établi le 15 mai 2014 par un officier de police judiciaire affecté à la direction départementale de la police de l'air et des frontières qui a procédé à l'examen de ce document à la demande de la préfecture, que l'attestation censée avoir été établie par la commune de Lemba en République démocratique du Congo a été rédigée sur un support papier dépourvu de filigrane alors que ce type de document devait en comporter, que le fond du document et le texte pré imprimé sont intégralement imités par impression au jet d'encre, que la marque autoadhésive normalement apposée en haut à droite du document est absente et qu'enfin le support se colore anormalement en bleu lorsqu'il est soumis à une lumière ultra-violette ; qu'au vu de ces éléments particulièrement précis, l'officier de police judiciaire a constaté que ce document avait été contrefait et a auditionné l'intéressée dans le cadre d'une procédure d'usage de document administratif contrefait qui s'est achevée, sur décision du parquet, par un rappel à la loi ; qu'en outre, il ressort d'un échange de messages électroniques le 8 avril 2014 entre la préfecture de l'Oise et le service des visas de l'ambassade de France, en République démocratique du Congo, que de telles attestations, qui ne sont pas prévues par le code de la famille en vigueur dans ce pays et ne correspondent à aucune inscription dans un registre d'état civil, sont dépourvues de valeur probante ; que cet échange de messages est de nature à établir, en particulier, que de telles attestations de naissance ne sont pas rédigées dans les formes usitées dans ce pays, au sens des dispositions précitées de l'article 47 du code civil ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Oise a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser, par la décision contestée, d'admettre provisoirement au séjour MmeD..., au motif que sa demande d'asile reposait sur une fraude délibérée ayant pour objet d'induire l'administration en erreur sur son identité ; que le préfet est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dispositions pour annuler sa décision du 23 mai 2014 ;

5. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D...tant devant le tribunal administratif d'Amiens que devant elle ;

6. Considérant que la décision du 23 mai 2014 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ;

7. Considérant que MmeD..., qui a admis au demeurant au cours de son audition avoir voyagé avec un passeport d'emprunt dont elle s'est séparée dès son entrée sur le territoire national, ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas voulu faire usage d'un document contrefait, ni qu'elle ne serait pas à l'origine de la fraude constatée, ces circonstances, étant, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 4, sans incidence sur la légalité de la décision de refus en litige ;

8. Considérant que si Mme D...fait valoir qu'elle est entrée en France le 18 mars 2014 pour solliciter le statut de réfugiée et que son père ainsi que sa mère résident sur le territoire national en qualité de réfugiés statutaires, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, entrée très récemment en France, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine notamment à Kinshasa où résident son époux et ses cinq enfants et où elle a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 32 ans ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de son séjour, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Oise a refusé son admission provisoire au séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant dès lors que le refus d'admission provisoire au séjour n'a ni pour objet ni pour effet de déterminer un pays de destination ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision du 23 mai 2014 ;

Sur l'arrêté du 27 octobre 2014 :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10, que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 27 octobre 2014 par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 23 mai 2014 ; qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeD... tant devant le tribunal administratif d'Amiens que devant elle ;

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise a pu légalement, refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée et prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre à la suite de la décision du 24 septembre 2014 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de Mme D... et alors même que cette dernière aurait saisi la Cour nationale du droit d'asile ;

13. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 8 et 9 du présent arrêt ;

En ce qui concerne le pays de destination :

14. Considérant que si Mme D...fait valoir qu'elle a subi des persécutions en République démocratique du Congo en raison de l'appartenance de son père et d'elle-même au parti d'opposition UDPS, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir tant la réalité de son militantisme politique et des violences dont elle allègue avoir été victime que l'actualité des craintes qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'elle y a vécu, sans être inquiétée, plus de dix ans après le départ de son père pour la France en 2003 ; que par suite, MmeD..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 septembre 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juin 2015, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Oise aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme D...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

Sur les conclusions de Mme D...tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocat de Mme D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 3 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme D...en première instance et les conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...D....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. François Vinot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : F. VINOTLe président de chambre,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

4

Nos15DA00372,15DA00373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 15DA00372
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. François Vinot
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA ; SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA ; SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-01;15da00372 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award