La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2015 | FRANCE | N°14DA00940

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 28 décembre 2015, 14DA00940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 20 septembre 2011 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Turquerie sur les communes de Calais et de Marck-en-Calaisis, autorisant la société d'économie mixte Adevia à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation du projet soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, et emportant approbation des nouvelles dispo

sitions du plan d'occupation des sols de la commune de Calais en ce qu'elles conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 20 septembre 2011 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Turquerie sur les communes de Calais et de Marck-en-Calaisis, autorisant la société d'économie mixte Adevia à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation du projet soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, et emportant approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Calais en ce qu'elles concernent sa mise en compatibilité avec le projet.

Par un jugement n° 1106751 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté attaqué et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 juin 2014 et un mémoire enregistré le 23 juillet 2015 sous le n° 14DA00940, la société Territoires 62, anciennement Adevia, représentée par le cabinet DS avocats, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) à titre subsidiaire, de ne prononcer l'annulation de l'arrêté qu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé la réponse au moyen relatif à l'expiration du délai imposé à l'autorité environnementale pour émettre son avis ;

- les mémoires des défendeurs ne sont ni visés, ni analysés dans le jugement ;

- l'avis de l'autorité environnementale doit être regardé comme favorable ;

- une éventuelle irrégularité n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision prise ;

- les autres moyens d'annulation présentés en première instance par M. A...ne sont pas fondés ;

- l'annulation rétroactive de la procédure portant une atteinte excessive aux intérêts publics, les effets doivent être différés de dix-huit mois, le temps que soit menée à son terme une nouvelle procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, M. H...A..., représenté par la SELARL Horus avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Territoires 62 de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, M. F...n'était pas compétent pour signer l'arrêté ;

- le dossier arrêté par la communauté d'agglomération du Calaisis, notamment l'étude d'impact, ne correspond pas au dossier soumis à enquête publique ;

- la saisine du préfet de région était prématurée ;

- les travaux de raccordement de la voie ferrée ne figurent pas dans l'appréciation sommaire des dépenses ;

- l'étude d'impact est entachée de graves insuffisances et inexactitudes ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique ;

- le PAZ dans lequel s'inscrivait la ZAC n'a pas été modifié, seul l'ayant été un POS inapplicable à la zone.

La communauté d'agglomération du Calaisis a présenté un mémoire en observations, enregistré le 5 novembre 2015.

II. Par une requête, enregistrée le 6 juin 2014 et un mémoire enregistré le 30 juin 2015 sous le n° 14DA00954, la communauté d'agglomération du Calaisis, représentée par la SARL Landot et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement se borne à mentionner dans ses visas les codes sans préciser l'article sur lequel il se fonde ;

- les mémoires des défendeurs n'y sont ni visés, ni analysés ;

- il n'apparaît pas que les mêmes magistrats ont siégé à l'audience et lors du délibéré ;

- l'avis de l'autorité environnementale doit être regardé comme favorable ;

- l'avis tacite favorable était joint au dossier d'enquête publique ;

- le courrier du 5 mars 2010, qui n'a pas été notifié dans un délai de deux mois, ne constituait pas un avis exprès mais une lettre d'observation ;

- une éventuelle irrégularité sur ce point n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ni eu une influence sur la décision prise ;

- les autres moyens d'annulation présentés en première instance par M. A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, M. H...A..., représenté par la SELARL Horus avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté d'agglomération du Calaisis du versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, M. F...n'était pas compétent pour signer l'arrêté ;

- le dossier arrêté par la communauté d'agglomération du Calaisis, notamment l'étude d'impact, ne correspond pas au dossier soumis à enquête publique ;

- la saisine du préfet de région était prématurée ;

- les travaux de raccordement de la voie ferrée ne figurent pas dans l'appréciation sommaire des dépenses ;

- l'étude d'impact est entachée de graves insuffisances et inexactitudes ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique ;

- le PAZ dans lequel s'inscrivait la ZAC n'a pas été modifié, seul l'ayant été un POS inapplicable à la zone.

III. Par un recours, enregistré le 10 juin 2014 sous le n° 14DA00959, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement.

Il soutient que :

- l'avis de l'autorité environnementale n'ayant été transmis au préfet du Pas-de-Calais que le 9 mars 2010, un avis tacite favorable était né à la date du 5 mars 2010 ;

- les autres moyens d'annulation de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, M. H...A..., représenté par la SELARL Horus avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.

La communauté d'agglomération du Calaisis a présenté un mémoire en observations, enregistré le 5 novembre 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...I..., représentant la société Territoire 62, de Me C...E..., représentant la communauté d'agglomération du Calaisis, et de Me D...G..., représentant M.A.applicables jusqu'à l'approbation par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'un plan local d'urbanisme

Une note en délibéré présentée pour M. A...a été enregistrée le 15 décembre 2015.

1. Considérant que les requêtes enregistrées sous le n° 14DA00940 présentée pour la société Territoires 62, sous le n° 14DA00954 présentée pour la communauté d'agglomération du Calaisis et le recours enregistré sous le n° 14DA00959 présenté par le ministre de l'intérieur sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit que la décision rendue par une juridiction administrative contient " l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;

3. Considérant que, d'une part, si l'exemplaire du jugement notifié aux parties ne comportait pas l'intégralité des visas des mémoires, il ressort de l'examen de la minute de ce jugement que les premiers juges ont visé tous les mémoires échangés entre les parties et analysé leurs moyens ; que, d'autre part, le jugement attaqué vise le code de l'environnement et cite le texte des articles L. 122-1 et R. 122-13 de ce code, dont la méconnaissance a motivé l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de visa des mémoires et des textes manquent en fait ;

4. Considérant que le troisième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit que le jugement contient la mention que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus ;

5. Considérant que le jugement attaqué contient la mention que le rapporteur, le rapporteur public et les parties présentes ont été entendus à l'audience ; qu'il comporte également les noms du président et des deux conseillers qui ont délibéré sur l'affaire, à laquelle n'assiste pas le rapporteur public ; qu'aucune disposition ne prescrit qu'il soit en outre explicitement indiqué que la composition du tribunal était identique lors de l'audience et du délibéré ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait, en l'espèce, délibéré dans une formation différente de celle qui a siégé à l'audience ; que, par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la formation de jugement doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif, en retenant le moyen, fondé sur l'article R. 122-13 du code de l'environnement, tiré de l'absence au dossier d'enquête publique de l'avis motivé émis le 5 mars 2010 par l'autorité compétente en matière d'environnement, a exposé les raisons qui justifiaient selon lui son motif d'annulation ; que, par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés en défense, a suffisamment motivé son jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

7. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige, pour les projets d'aménagements qui doivent comporter une étude d'impact, celle-ci est transmise pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement par l'autorité chargée d'autoriser ou d'approuver les aménagements ; qu'aux termes de l'article R. 122-13 du même code : " I.- L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution (...) de l'aménagement projetés transmet le dossier comprenant l'étude d'impact et, le cas échéant, la demande d'autorisation, à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement définie à l'article R. 122-1-1. (...) / L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, lorsqu'elle tient sa compétence du I ou du II de l'article R. 122-1-1, donne son avis dans les trois mois suivant la date de réception du dossier mentionné au premier alinéa et, dans les autres cas, dans les deux mois suivant cette réception. L'avis est réputé favorable s'il n'a pas été émis dans ce délai. L'avis ou l'information relative à l'existence d'un avis tacite est rendu public par voie électronique sur le site internet de l'autorité chargée de le recueillir. / L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution (...) de l'aménagement projetés transmet l'avis au pétitionnaire. L'avis est joint au dossier d'enquête publique ou de la procédure équivalente de consultation du public prévue par un texte particulier. / (...) " ;

8. Considérant que le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, autorité compétente en matière d'environnement, qui avait accusé réception du dossier présentant le projet de zone d'aménagement concerté de la Turquerie le 5 janvier 2010, a rendu un avis motivé le 5 mars 2010 ; qu'étant parvenu le 9 mars 2010 au préfet du Pas-de-Calais, il se substituait en tout état de cause à un avis réputé favorable qui aurait pu naître au-delà de l'expiration du délai de deux mois ; qu'en outre, rien ne faisait obstacle à ce que cet avis explicite soit joint au dossier de l'enquête publique qui s'est déroulée du 17 février 2011 au 21 mars 2011 ; que, par suite, en s'abstenant de l'y faire figurer, le préfet du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions de l'article R. 122-13 du code de l'environnement citées au point précédent ;

9. Considérant, toutefois, que s'il appartient à l'autorité administrative compétente de veiller au caractère complet du dossier soumis à l'enquête publique, la méconnaissance de cette exigence n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis motivé du préfet de région, qui a été mis en ligne sur le site internet de la préfecture du Pas-de-Calais dès le 14 avril 2010, a ainsi bénéficié d'une large publicité et était effectivement connu des personnes intéressées par l'enquête ainsi qu'il ressort notamment du rapport du commissaire enquêteur ; qu'au demeurant, cet avis globalement favorable ne remettait pas substantiellement en cause la qualité et le contenu de l'étude d'impact et n'était pas davantage contraire à l'avis réputé favorable mentionné dans le dossier d'enquête publique ; que, dans ces conditions, l'absence de l'avis motivé dans ce dossier n'a pas, en l'espèce, porté atteinte à la bonne information des personnes intéressées et n'a pas davantage exercé une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ; que, dès lors, la société Territoires 62, la communauté d'agglomération du Calaisis et le ministre de l'intérieur sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2011, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le vice de procédure tiré de ce que l'avis motivé du préfet de région n'avait pas été joint au dossier d'enquête publique en violation de l'article R. 122-13 du code de l'environnement ;

11. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...devant la juridiction administrative ;

Sur l'incompétence du signataire de l'arrêté :

12. Considérant que, par un arrêté du 10 mars 2011 régulièrement publié le 11 mars suivant, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. Jacques Witkowski, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents en toute matières à l'exception des ordres de réquisition du comptable public et des actes pour lesquels une délégation a été donnée à un chef de service de l'Etat dans le département ; que cette délégation, qui n'avait pas à énumérer chacune des matières déléguées, était suffisamment précise ; que la délégation de signature accordée le 1er septembre 2010 par M. F...à un directeur de la préfecture l'habilitant notamment à signer les arrêtés préfectoraux de déclaration d'utilité publique ou de cessibilité, n'a pu avoir pour effet de le dessaisir de sa compétence ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Sur la saisine prématurée de l'autorité environnementale :

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier d'enquête publique a été transmis au préfet du Pas-de-Calais le 14 décembre 2009, et non le 9 juillet 2010, comme le soutient par erreur M.A... ; que la saisine du préfet de région, autorité compétente en matière d'environnement en application des dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-13 du code de l'environnement, qui est intervenue le 5 janvier 2010, n'était donc pas, en tout état de cause, prématurée ;

Sur la composition du dossier d'enquête publique :

14. Considérant, d'une part, que l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / (...) / II. Lorsque la déclaration d'utilité publique (...) est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement (...) et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; / 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. / Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. / La notice explicative comprend, s'il y a lieu, les indications mentionnées à l'article R. 122-15 du code de l'environnement " ;

15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Les (...) projets d'aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation, (...), doivent respecter les préoccupations d'environnement. / Les études préalables à la réalisation d'aménagements (...) qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. (...) " ; que le I de l'article R. 122-11 du code de l'environnement prévoit que : " L'étude d'impact est insérée dans les dossiers soumis à enquête publique lorsqu'une telle procédure est prévue " ;

16. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 14 et 15 que, pour les projets d'aménagement qui nécessitent une étude d'impact, celle-ci doit figurer au dossier de l'enquête publique réalisée préalablement à l'intervention d'une déclaration d'utilité publique ;

17. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'analyse de l'étude d'impact de 2006 actualisée en 2009, alors même que ce dernier document comprend des éléments plus précis en ce qui concerne la faune, la qualité de l'air et le raccordement d'une desserte ferroviaire, que le projet soumis à enquête publique adopté par une délibération du 29 octobre 2007 du conseil communautaire, sollicitant l'ouverture d'une enquête publique, comportait des différences notables avec le projet approuvé initialement le 2 février 20007 pour lequel le conseil communautaire a demandé au préfet l'intervention d'une déclaration d'utilité publique, dès lors notamment que ni l'objet, ni le périmètre, ni le contenu du projet d'aménagement n'ont été modifiés ;

18. Considérant que si M. A...relève que le commissaire enquêteur a regretté qu'une note d'actualisation n'ait pas mieux expliqué les évolutions intervenues entre l'étude d'impact de décembre 2006 et celle de décembre 2009, il ne ressort pas des pièces du dossier que des incohérences significatives aient pu entacher la composition du dossier d'enquête ou affecter sa compréhension et, par suite, la procédure suivie ;

19. Considérant que les actes, déclaration d'utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté ne sont pas des actes pris pour l'application de la délibération approuvant la convention par laquelle une collectivité publique a confié à une société l'aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale ;

20. Considérant que compte tenu de cette indépendance entre les actes tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté et ceux concernant la création de la zone d'aménagement concerté, les éventuelles discordances entre le dossier de création de la zone d'aménagement concerté établi sur le fondement des dispositions des articles R. 311-2 et R.311-7 du code de l'urbanisme et celui soumis à enquête publique en vue d'une expropriation sont sans influence sur la régularité de la procédure conduisant à la déclaration d'utilité publique ;

Sur l'insuffisance de l'appréciation sommaire des dépenses :

21. Considérant que l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose, dans sa rédaction alors applicable, que lorsque la demande de déclaration d'utilité publique est sollicitée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles, le dossier soumis à enquête publique comprend une estimation sommaire des acquisitions à réaliser ; que si la demande de déclaration d'utilité publique est sollicitée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'estimation sommaire porte sur les dépenses ;

22. Considérant que s'il est reproché par M. A...un défaut de prise en compte de dépenses relatives à des travaux de raccordement ferroviaire dans l'estimation sommaire des dépenses, il ne ressort pas de la demande de déclaration d'utilité publique que celle-ci portait spécifiquement sur de tels travaux ; qu'en outre, l'estimation sommaire des dépenses n'avait pas à détailler l'ensemble des postes de dépenses ; qu'enfin, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que le coût des travaux de raccordement ferroviaire, évalué à environ 2,2 millions d'euros, ne pouvait manifestement pas être inclus dans les dépenses relatives aux travaux et d'aménagement d'un montant total de plus de 13 millions d'euros ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le coût des travaux a été sous-évalué doit être écarté ;

Sur les insuffisances de l'étude d'impact :

23. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population et à la bonne information des personnes intéressées, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

24. Considérant que l'inexactitude alléguée par le requérant des données relatives à l'évolution démographique de la commune de Calais, qui ne porte pas sur un élément substantiel de l'étude, n'est pas susceptible en tout état de cause d'affecter la validité de ses conclusions ; que les auteurs de l'étude ont pu évaluer la perméabilité des sols et l'écoulement des eaux par référence aux études réalisées sur le site voisin du Virval, dès lors que les caractères de ce site n'étaient pas sensiblement différents de ceux des terrains de la zone d'aménagement concerté de la Turquerie ; que si l'étude indique en page 37 que les eaux de ruissellement auront pour exutoire le canal de Calais alors qu'elles se jetteront dans le fossé des fortifications, cette erreur matérielle ponctuelle n'a pas d'incidence sur l'analyse globale des effets du ruissellement et de la qualité des eaux ; que, contrairement à ce que soutient M.A..., les incidences du projet sur la pérennité des exploitations agricoles ont été traitées dans l'étude ; que s'il fait également grief à l'étude de ne pas s'être prononcée sur la compatibilité du projet avec la loi littoral, il ne justifie pas de l'applicabilité de cette loi au site de la zone d'aménagement concerté de la Turquerie ; que c'est à bon droit que les auteurs de l'étude se sont prononcés sur la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Artois-Picardie, en vigueur à l'époque de sa réalisation, et non avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux du delta de l'Aa, alors en cours d'élaboration ; qu'au demeurant, il n'est pas établi que le projet serait incompatible avec les prescriptions de ce dernier schéma, ultérieurement adopté ; que M. A...n'établit pas davantage l'existence d'un risque de submersion marine, d'inondation ou de coulée de boues ; qu'en l'absence d'éléments conduisant à penser que le projet serait susceptible d'avoir un impact significatif sur les résidents de deux lotissements voisins, la simple mention de l'existence de ces lotissements dans la présentation du cadre était suffisante ; que le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact doit être écarté ;

Sur l'utilité publique :

25. Considérant que le projet de zone d'aménagement concerté de la Turquerie, qui tend à l'aménagement de 156 hectares pour l'accueil des entreprises et vise à la création de plus de 2 000 emplois dans une agglomération où le chômage est important, constitue un élément majeur de la revitalisation du calaisis et présente ainsi un intérêt public, ce que M. A...ne conteste d'ailleurs pas sérieusement ;

26. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les terrains objet de l'opération d'expropriation présentent un intérêt particulier pour la préservation de la faune et de la flore ou que les inconvénients que peut revêtir cette opération, liés notamment à la suppression de surfaces agricoles et à la disparition alléguée de deux fermes, aux risques d'inondation résultant de l'imperméabilisation des sols, à la disparition d'un corridor écologique, et à la poursuite de l'étalement urbain, à les supposer même tous avérés, seraient, en l'espèce, excessifs au regard de l'intérêt qu'elle représente ; que, par suite, ces inconvénients ne suffisent pas à eux seuls à faire perdre son caractère d'utilité publique à l'opération ;

Sur la méconnaissance de l'article L. 23-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

27. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 23-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction alors applicable : " Ainsi qu'il est dit aux articles L. 123-24 à L. 123-26 et L. 352-1 du code rural et de la pêche maritime : / " Art. L. 123-24-Lorsque les expropriations en vue de la réalisation des aménagements ou ouvrages mentionnés aux articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de l'environnement sont susceptibles de compromettre la structure des exploitations dans une zone déterminée, l'obligation est faite au maître de l'ouvrage, dans l'acte déclaratif d'utilité publique, de remédier aux dommages causés en participant financièrement à l'exécution d'opérations d'aménagement foncier mentionnées au 1° de l'article L. 121-1 et de travaux connexes. / (...) " ;

28. Considérant que l'article 4 de l'arrêté attaqué dispose qu'obligation est faite au maître d'ouvrage de remédier aux dommages éventuellement causés par l'opération, au besoin en participant financièrement à l'exécution d'opérations d'aménagement foncier mentionnées au 1° de l'article L. 121-1 du code rural et de travaux connexes ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique manque en fait ;

Sur l'illégalité de la mise en conformité du document d'urbanisme :

29. Considérant que l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable prévoit que la déclaration d'utilité publique, qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme, puisse emporter approbation des nouvelles dispositions du plan ;

30. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 311-7 du même code, applicable aux zones d'aménagement concertées : " Les plans d'aménagement de zone approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 précitée demeurent.applicables jusqu'à l'approbation par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'un plan local d'urbanisme Ils ont les mêmes effets pour la zone intéressée que les plans locaux d'urbanisme. Ils sont soumis au régime juridique des plans locaux d'urbanisme tel qu'il est défini par les articles L. 123-1 à L. 123-18, à l'exception du deuxième alinéa de l'article L. 123-1 " ;

31. Considérant qu'il est constant que l'emprise calaisienne de la zone d'aménagement concerté de la Turquerie est située sur l'emplacement de l'ancienne zone d'aménagement concerté du Parc d'affaires ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, cet emplacement était régi par le plan d'aménagement de zone de la ZAC du Parc d'affaires et non par le plan d'occupation des sols de la commune de Calais ; qu'en application des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme, ce plan d'aménagement de zone, approuvé en 1991, demeurait en vigueur jusqu'à l'approbation par la commune de Calais de son plan local d'urbanisme, laquelle n'est intervenue que le 24 octobre 2012 ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que le projet d'aménagement, objet de la déclaration d'utilité publique, s'inscrivait dans celui plus ancien du parc des affaires ; que la modification de ce plan qui a été soumise à enquête publique consistait, selon la notice explicative, à identifier, au sein de la zone 20 NAa du plan d'aménagement de zone, le projet de la Turquerie existante sous forme d'un sous-secteur 20 NAa spécifique et à adapter dans ce sous-secteur des règles de hauteur et d'emprise au sol pour permettre la réalisation de certains bâtiments lors du dépôt des permis de construire ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet d'aménagement correspondant à la déclaration d'utilité publique était par lui-même incompatible avec le plan d'aménagement de zone en vigueur ; que, par suite, la circonstance que l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2011 indique par erreur que " la présente déclaration d'utilité publique emporte l'approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols de la ville de Calais en ce qu'elles concernent sa mise en compatibilité avec le projet " au lieu et place du plan d'aménagement de zone, n'entache pas d'illégalité la déclaration d'utilité publique ; qu'au demeurant, le plan local d'urbanisme de la commune de Calais s'est substitué de plein droit le 24 octobre 2012 aux documents d'urbanisme antérieurs et ses dispositions s'appliquent désormais à la zone d'aménagement concerté de la Turquerie ;

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la demande de modulation dans le temps, que la société Territoires 62, la communauté d'agglomération du Calaisis et le ministre de l'intérieur sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 septembre 2011 du préfet du Pas-de-Calais ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Territoires 62, la communauté d'agglomération du Calaisis et l'Etat, qui ne sont pas les parties qui succombent, versent à M. A...les sommes qu'il réclame à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Territoires 62 et la communauté d'agglomération du Calaisis sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 avril 2014 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la société Territoires 62, à la communauté d'agglomération du Calaisis, à M. H...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 décembre 2015.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

Nos14DA00940,14DA00954,14DA00959 2


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award