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01/03/2016 | FRANCE | N°15DA01130

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 01 mars 2016, 15DA01130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2015 du préfet du Nord prononçant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1502963 du 8 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2015, M. E...B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8

avril 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2015 du préfet du Nord prononçant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1502963 du 8 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2015, M. E...B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2015 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté prononçant son placement en rétention administrative est illégal car fondé sur une obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- cette décision ne lui a pas été notifiée, étant alors incarcéré à... ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, mentionnant à tort qu'il est entré en France sans visa ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire.

M. E...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E...B..., ressortissant cap-verdien né le 9 février 1977, est entré en France en 2003 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par un arrêté du 28 mai 2014, le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ; qu'il relève appel du jugement du 8 avril 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2015 par lequel le préfet du Nord a ordonné son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué :

2. Considérant que l'arrêté du 28 mai 2014 du préfet du Nord a été communiqué par lettre recommandée à M. E...B...; qu'il ressort des mentions portées sur l'enveloppe que son destinataire a été avisé, le 3 juin 2014 par le dépôt à l'adresse connue des services préfectoraux d'un avis de passage, de la mise en instance du pli recommandé ; que ce pli n'a pas été réclamé dans le délai de quinze jours prévu par la réglementation postale ; que ce courrier a été retourné à la préfecture portant la mention " non réclamée " le 20 juin 2014 ; que, toutefois, le requérant justifie, pour la première fois en appel, par la production d'une ordonnance de réduction de peine du 7 juillet 2014 du juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Lille, qu'il faisait l'objet d'une incarcération, que le préfet n'ignorait au demeurant pas, à la date à laquelle le pli contenant l'arrêté attaqué lui a été notifié puis renvoyé à l'expéditeur par les services postaux ; que, dès lors, le délai de recours contentieux contre l'arrêté précité ne peut être regardé comme ayant commencé à courir ; qu'il en résulte que le requérant est recevable à contester, par voie d'exception, la légalité de la décision 28 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français, qui n'était pas devenue définitive à la date à laquelle il a invoqué ce moyen, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de placement en rétention administrative ; qu'ainsi, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a jugé que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté du 28 mai 2014 n'était pas recevable et a, pour ce motif, sans examiner les moyens dirigés contre cette décision, rejeté la demande de l'intéressé ;

3. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par le requérant devant le tribunal administratif et la cour ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. Considérant que, par un arrêté en date du 16 juillet 2013, publié au recueil spécial n° 148 des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à M. A... C..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Nord, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général, du secrétaire général adjoint et du directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Nord, pour signer notamment les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec ou sans délai et les décisions fixant le pays de destination ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés à la date à laquelle l'arrêté a été signé ; que le moyen tiré de l'incompétence de son signataire ne peut dès lors qu'être écarté ;

5. Considérant que la décision de refus de séjour, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M. E...B..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

6. Considérant qu'en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que s'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 pour prétendre qu'il entrait dans les critères définis par ce texte pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

8. Considérant que, si M. E...B...fait valoir qu'il est entré en France dans le courant de l'année 2003, qu'il est demeuré depuis lors dans ce pays où il a exercé une activité professionnelle et dans lequel résident certains de ses collatéraux, il ne justifie toutefois pas, notamment pour les années 2003 à 2006, d'une présence habituelle sur le territoire français ; que célibataire et sans charge de famille, il n'est pas dépourvu de toute attache familiale au Cap-Vert où résidaient ses parents à la date de l'arrêté du 28 mai 2014 ainsi que des membres de sa fratrie et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 26 ans ; qu'enfin, si le requérant allègue qu'il a exercé une activité professionnelle, notamment en qualité d'aide coffreur au cours des années 2007 à 2011, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer, alors qu'il n'a diligenté que fort tardivement en 2012, des démarches en vue de régulariser sa situation administrative, qu'il aurait fait des efforts pour s'intégrer à la société française alors surtout qu'il ne conteste pas le fait, mentionné dans l'arrêté du 28 mai 2014, qu'il a fait l'objet de multiples condamnations pour des faits délictueux dont une dernière peine d'emprisonnement de deux mois ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de séjour en France de M. E...B..., la décision du préfet du Nord n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision de refus de séjour opposée à M. E... B...comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels elle est fondée et, par suite, est suffisamment motivée ; que par suite, et dès lors que la décision obligeant le requérant à quitter le territoire a été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 précité, celle-ci n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ; qu'il en est de même, pour les motifs énoncés au point 4, du moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure d'éloignement ;

10. Considérant que, si M. E...B...soutient que la décision attaquée mentionne à tort qu'il est entré irrégulièrement en France alors qu'il était en possession d'un visa de court séjour, il résulte toutefois de l'instruction que le préfet du Nord, qui a fondé la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre du requérant sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux mesures d'éloignement prononcées après le refus de délivrance d'un titre de séjour, aurait pris la même décision s'il n'avait commis cette erreur de fait ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8, le requérant n'est fondé à prétendre ni que l'obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les termes de la circulaire du 28 novembre 2012, ni qu'elle contreviendrait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la rétention administrative :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11, que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir à l'encontre de l'arrêté du 4 avril 2015 par lequel le préfet du Nord a ordonné son placement en rétention administrative, de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. D...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01130
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : PAPERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-03-01;15da01130 ?
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