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07/04/2016 | FRANCE | N°12DA00287

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 12DA00287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...F...néeI..., Mme C...E...néeI..., Mme J... B...néeI..., M. H...I...et M. D...I...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 8 septembre 2008 du conseil municipal de la commune de Castres décidant d'incorporer les parcelles cadastrées nos B 800 et B 801 dans le domaine privé communal, ainsi que l'arrêté du 15 septembre 2008 du maire de Castres ayant le même objet.

Par une ordonnance n° 0901415 du 15 décembre 2011, le président de

la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande comme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...F...néeI..., Mme C...E...néeI..., Mme J... B...néeI..., M. H...I...et M. D...I...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 8 septembre 2008 du conseil municipal de la commune de Castres décidant d'incorporer les parcelles cadastrées nos B 800 et B 801 dans le domaine privé communal, ainsi que l'arrêté du 15 septembre 2008 du maire de Castres ayant le même objet.

Par une ordonnance n° 0901415 du 15 décembre 2011, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt, avant dire droit, du 10 octobre 2012, la cour a rejeté, comme nouvelles en appel, les conclusions de Mme F...et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 octobre 2007 du maire de Castres constatant la vacance des parcelles en litige, a jugé irrégulière l'ordonnance du 15 décembre 2011 par laquelle le président de la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens avait rejeté leur demande comme manifestement irrecevable et a sursis à statuer sur les conclusions de première instance présentées par les requérants jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir qui, de la commune de Castres ou des consortsI..., était, le 8 septembre 2008, propriétaire des parcelles cadastrées nos 800 et 801 de la section B de la commune de Castres. Elle a enfin renvoyé les consorts I...à se pourvoir devant le juge judiciaire pour que lui soit soumise cette question préjudicielle.

Vu :

- l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens (première chambre civile) du 10 novembre 2015 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public ;

- et les observations de Me M...A..., représentant Mme F...et autres.

Sur le contexte du litige :

1. Considérant que, par un arrêté du 18 octobre 2007, le maire de Castres a constaté, sur le fondement des articles L. 1123-1 et L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques, la vacance des parcelles cadastrées nos B 800 et B 801 situées au lieudit " Le Village " à Castres (Aisne) ; que, par une délibération du 8 septembre 2008, le conseil municipal de Castres a décidé d'incorporer les deux parcelles dans le domaine privé communal ; que, par un arrêté du 15 septembre 2008, pris en exécution de cette délibération, le maire de Castres a procédé à cette incorporation ; que Mme F... née I...et autres, qui s'estimaient propriétaires de ces parcelles en qualité d'héritiers de M. L...I..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 8 septembre 2008 et de l'arrêté du 15 septembre 2008 ; que, par une ordonnance du 15 décembre 2011, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande comme étant manifestement irrecevable car tardive ; que, saisie par Mme F...et autres, la cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt avant dire droit rendu le 10 octobre 2012, d'une part, a rejeté les conclusions présentées pour la première fois en appel par Mme F...et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 octobre 2007 du maire de Castres constatant la vacance des parcelles en litige, d'autre part, a jugé irrégulière l'ordonnance du 15 décembre 2011 et, après évocation, a sursis à statuer sur les conclusions de première instance des requérants jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir qui, de la commune de Castres ou des consortsI..., était, le 8 septembre 2008, propriétaire des parcelles cadastrées nos 800 et 801 de la section B de la commune de Castres ; que Mme F...et autres ont saisi, dans le délai imparti par la cour, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin d'une question préjudicielle portant sur la propriété des parcelles en litige ; que le jugement du 16 octobre 2014 de cette juridiction, défavorable aux consortsI..., a, sur appel de ces derniers, été réformé par un arrêt du 10 novembre 2015 de la cour d'appel d'Amiens, qui a déclaré les consorts I...propriétaires, au 8 septembre 2008, des parcelles dont s'agit par l'effet de l'usucapion ; que cet arrêt a été produit devant la cour administrative d'appel de Douai ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il a été frappé d'un pourvoi devant la Cour de cassation ; que, dès lors, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de statuer sur les conclusions présentées par Mme F...et autres devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens (première chambre civile) du 10 novembre 2015 que l'indivision I...était, à la date des décisions contestées, par la voie de l'usucapion, les légitimes et exclusifs propriétaires des parcelles en cause situées sur la commune de Castres ; que s'agissant de décisions individuelles défavorables les concernant, la délibération du 8 septembre 2008 et l'arrêté subséquent du 15 septembre 2008 devaient leur être notifiés ; qu'il est constant que cette notification n'est intervenue que le 2 avril 2009 ; que, par suite, la demande de Mme F...et autres, qui a été enregistrée le 26 mai 2009 devant le tribunal administratif d'Amiens, n'était pas tardive ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme F...et autres, héritiers de M. L...I..., ont intérêt à l'annulation des décisions prises par la commune de Castres incorporant les deux parcelles, dont ils sont propriétaires, dans le domaine privé communal ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir doit être écartée ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques, applicable à la date des décisions attaquées : " Lorsque la propriété d'un immeuble a été attribuée, dans les conditions fixées à l'article L. 1123-3, à une commune ou, à défaut, à l'Etat, le propriétaire ou ses ayants droit sont en droit d'en exiger la restitution. Toutefois, il ne peut être fait droit à cette demande si le bien a été aliéné ou utilisé d'une manière s'opposant à cette restitution. Ils ne peuvent, dans ce cas, obtenir de la commune ou de l'Etat que le paiement d'une indemnité représentant la valeur de l'immeuble au jour de l'acte d'aliénation ou, le cas échéant, du procès-verbal constatant la remise effective de l'immeuble au service ou à l'établissement public utilisateur. / A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge compétent en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. / La restitution de l'immeuble, ou à défaut, le paiement de l'indemnité, est subordonné au paiement par le propriétaire ou ses ayants droit du montant des charges qu'ils ont éludées depuis le point de départ du délai de trois ans mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 1123-3, ainsi que du montant des dépenses nécessaires à la conservation du bien engagées par la commune ou par l'Etat " ;

5. Considérant que les dispositions citées au point 4, qui introduisent la faculté d'exercice, par toute personne intéressée à le faire, d'une action en restitution devant le juge judiciaire du bien sans maître, et de son indemnisation éventuelle par le juge de l'expropriation en cas d'impossibilité de restitution, n'ont pas le même objet ni les mêmes effets qu'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif incorporant le bien dans le domaine privé de la collectivité ; qu'il s'ensuit que la commune de Castres n'est pas fondée à se prévaloir sur ce point d'une exception de recours parallèle ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques applicable à la date des décisions en litige : " Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : / (...) / 2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription " ; qu'aux termes de l'article L. 1123-3 du même code : " L'acquisition des immeubles mentionnés au 2° de l'article L. 1123-1 est opérée selon les modalités suivantes. / Un arrêté du maire pris dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat constate que l'immeuble satisfait aux conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1123-1. Il est procédé par les soins du maire à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Une notification est également adressée, si l'immeuble est habité ou exploité, à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui aurait acquitté les taxes foncières. Cet arrêté est, dans tous les cas, notifié au représentant de l'Etat dans le département. / (...) / Dans le cas où un propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité mentionnées au deuxième alinéa, l'immeuble est présumé sans maître. La commune dans laquelle est situé ce bien peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. / (...) " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées B nos 800 et 801 étaient exploitées à des fins maraîchères et d'élevage par M. G...I...jusqu'en 1962, puis par M. L...I..., jusqu'en 2000 ; que les requérants sont les héritiers de ce dernier ; que, d'ailleurs, il résulte de plusieurs témoignages versés en appel, et non sérieusement contestés par la commune, que la réalité de cette situation n'était pas ignorée par le maire de la commune de Castres ;

8. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 2, les consorts I...étaient propriétaires, au 8 septembre 2008, des parcelles en litige par l'effet de l'usucapion ; que, compte tenu des dispositions citées au point 6, qui doivent être regardées comme une garantie pour les propriétaires des biens dont il s'agit, le maire de la commune de Castres, en prenant son arrêté le 18 octobre 2007, constatant vacantes et sans maître les parcelles cadastrées B nos 800 et 801, sans l'avoir notifié en temps utile aux intéressés, ne leur a pas permis de se faire connaître auprès de l'administration dans le délai de six mois suivant son édiction afin de faire valoir leurs droits sur les parcelles dont ils sont propriétaires ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que, faute pour le maire de Castres d'avoir procédé de manière complète et régulière à l'accomplissement des formalités décrites au point 6, les parcelles en cause ne pouvaient être présumées sans maître au sens des dispositions de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'il s'ensuit que la commune de Castres ne pouvait légalement procéder, par la délibération en litige du conseil municipal du 8 septembre 2008, puis par l'arrêté attaqué du maire pris le 15 septembre 2008, à l'incorporation dans le domaine communal des biens en cause ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la délibération du 8 septembre 2008 et l'arrêté du maire du 15 septembre 2008 sont entachés d'illégalité, et doivent être annulés ;

10. Considérant qu'il résulte des énonciations de l'arrêt avant dire droit de la cour du 10 octobre 2012 et de ce qui a été dit aux points 6 à 9 du présent arrêt, que l'ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2011 doit être annulée ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Castres une somme de 3 000 euros demandée par Mme F...et autres, tant en première instance qu'en appel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Castres sur leur fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2011 est annulée.

Article 2 : La délibération du 8 septembre 2008 du conseil municipal de la commune de Castres et l'arrêté du 15 septembre 2008 pris par le maire de cette commune sont annulés.

Article 3 : La commune de Castres versera à Mme F...et autres une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Castres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...F...néeI..., à Mme C... E...néeI..., à Mme J...B...néeI..., à M. H...I..., à M. D...I...et à la commune de Castres.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne et au président de la cour d'appel d'Amiens.

Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°12DA00287 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00287
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-04-04 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Actes des autorités administratives concernant les biens privés.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-07;12da00287 ?
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