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28/04/2016 | FRANCE | N°14DA01496

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 14DA01496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pochet du Courval a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1° ) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, a confirmé la décision de l'inspecteur du travail de la 17ème section de la Seine-Maritime du 16 avril 2012 refusant d'autoriser le licenciement de M. E... ;

2°) d'autoriser son licenciement.

Par un jugement n° 1203635 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de

Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pochet du Courval a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1° ) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, a confirmé la décision de l'inspecteur du travail de la 17ème section de la Seine-Maritime du 16 avril 2012 refusant d'autoriser le licenciement de M. E... ;

2°) d'autoriser son licenciement.

Par un jugement n° 1203635 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2014 et un mémoire enregistré le 25 mars 2016, la société Pochet du Courval, représentée par Me F...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2014 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2012 ;

3°) d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée ;

4°) de mettre à la charge de M. E...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- il n'y a pas d'incertitude quant à la date à laquelle les faits reprochés à M. E...ont été commis et que les déclarations des différents intervenants ne sont pas divergentes ;

- la demande d'autorisation de licenciement de M. E...n'était pas fondée sur son état d'ébriété ;

- les vestiaires du personnel constituent un lieu de travail ;

- la faute commise par M. E...est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Une mise en demeure a été adressée le 23 mars 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me C...A..., substituant Me F...D..., représentant la société Pochet du Courval.

1. Considérant que M. B...E...est employé en tant que machiniste polyvalent sur un poste " verre chaud " de l'établissement de Guimerville de la société Pochet du Courval, qui exerce une activité de verrerie ; qu'il est titulaire du mandat de délégué du personnel suppléant ; que son employeur lui reproche d'avoir, dans la nuit du 3 au 4 mars 2012, introduit et consommé de l'alcool sur son lieu de travail ; qu'en conséquence, la société Pochet du Courval a sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail afin de pouvoir licencier son employé ; que par une décision du 16 avril 2012, confirmée sur recours gracieux le 25 juin 2012, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licencier M.E... ; que, par décision du 22 octobre 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a rejeté le recours hiérarchique dont il avait été saisi ; que la société Pochet du Courval relève appel du jugement du 1er juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail et à ce que le tribunal administratif lui délivre l'autorisation sollicitée ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués devant lui par la société Pochet du Courval, a répondu au moyen tiré de l'illégalité de la décision du ministre chargé du travail en raison de l'insuffisance de sa motivation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant que les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire ; qu'ainsi, la demande de la société Pochet du Courval tendant à l'annulation de la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail rejetant sa demande d'autorisation de licenciement doit être regardée comme tendant également à l'annulation de cette dernière décision ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

5. Considérant qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat(...) " ; que le caractère contradictoire de cette enquête, impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ;

6. Considérant que si les élus de la CGT de l'établissement de Guimerville ont fait parvenir à l'inspecteur du travail, au cours de l'enquête contradictoire prévue par les dispositions précitées, un " communiqué " relatif à la demande d'autorisation de licenciement intéressant M.E..., ce courrier qui rappelle seulement la situation de famille de ce dernier et les faits qui lui sont reprochés ne contient aucun élément déterminant qui aurait imposé qu'il soit communiqué au salarié et à son employeur ; que, par suite, la société Pochet du Courval n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait pris sa décision au terme d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant que la décision du ministre chargé du travail mentionne dans son premier visa la qualité de délégué du personnel suppléant de M.E... ; que, par suite, le moyen de la société requérante tiré de l'insuffisante motivation de cette décision au motif qu'elle ne comporterait pas la mention du mandat détenu par l'intéressé manque en fait ;

8. Considérant qu'à supposer que la décision du ministre chargé du travail indique à tort que la date exacte des faits reste imprécise et que les déclarations de M. E...ont évolué au cours de l'enquête, cette circonstance, d'ailleurs surabondante, n'est pas de nature à entraîner l'illégalité de la décision prise dès lors que la matérialité des faits tels qu'ils sont retenus par le ministre du travail et notamment la date à laquelle la faute reprochée à M. E...a été commise, ne fait pas l'objet de débat et est admise par l'employeur ;

9. Considérant qu'en relevant l'absence de contrôle au moyen d'un éthylotest de l'état d'imprégnation alcoolique de M.E..., alors que la société Pochet du Courval reprochait, notamment à son employé de s'être trouvé dans un état incompatible avec l'exercice de ses fonctions, le ministre chargé du travail n'a pas retenu un motif étranger à la demande dont il était saisi ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3.5 du règlement intérieur de la société Pochet du Courval : " (...) l'introduction, la distribution et la consommation de toute boisson alcoolisée sur les lieux de travail sont interdites. / la consommation de boisson alcoolisée est exclusivement réservée aux repas (...). Elle doit être raisonnable " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans la nuit du 4 au 5 mars 2012, M. E...a introduit une bouteille de vin au sein de l'entreprise afin de fêter, avec quatre de ses collègues, l'anniversaire de l'un d'entre eux ; qu'à l'occasion d'une pause, une collation a ainsi été prise dans le vestiaire du personnel, accompagnée de la consommation de deux bouteilles de vin ; qu'à l'issue de ce repas, un des collègues de M.E..., en raison de son état d'imprégnation alcoolique, n'a pu reprendre son poste de travail ; que, si M. E...a méconnu les dispositions précitées du règlement intérieur de l'entreprise en introduisant sur son lieu de travail une bouteille de vin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été l'organisateur de la fête d'anniversaire en cause, ni qu'il soit retourné, en état d'ébriété, à son poste de travail, alors qu'il n'est pas établi qu'il n'ait pas limité sa consommation de vin à un verre et demi seulement, comme il le soutient ; que dans ces conditions il ne peut être reproché à M. E...d'avoir, par ses agissements, incité ses collègues à enfreindre les règles applicables au sein de la société, occasionné la désorganisation de l'équipe de nuit, mis en danger la sécurité de ses collègues du fait d'une consommation excessive d'alcool, ou de s'être trouvé dans un état incompatible avec les exigences inhérentes aux fonctions qui lui sont contractuellement dévolues et d'avoir contribué à une baisse de la qualité de la production, au demeurant non établie ; que l'intéressé avait, au moment des faits, une ancienneté de vingt-sept ans au sien de la société Pochet du Courval ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et n'est pas allégué qu'il ait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire ; que, dans ces conditions, tant l'inspecteur du travail que le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social pouvaient, sans entacher leurs décisions d'une erreur d'appréciation, estimer que la faute commise en introduisant une bouteille de vin dans l'entreprise n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement et, par suite, refuser l'autorisation sollicitée ;

Sur les conclusions de la société Pochet du Courval tendant à ce que la juridiction administrative autorise le licenciement sollicité :

12. Considérant qu'il y a lieu de rejeter ces conclusions par le même motif que celui retenu par le tribunal administratif de Rouen ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Pochet du Courval n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Pochet du Courval est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pochet du Courval, à M. B...E...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée pour information au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Nord - Pas-de-Calais- Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 31 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Isabelle Genot

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N°14DA01496 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01496
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DI COSTANZO BALLUET et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-28;14da01496 ?
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