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19/05/2016 | FRANCE | N°15DA00676

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 19 mai 2016, 15DA00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 décembre 2014 par lequel la préfète de la Somme lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1500100 du 16 janvier 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 23 avril 2015, M.D..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 décembre 2014 par lequel la préfète de la Somme lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1500100 du 16 janvier 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2015, M.D..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 janvier 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 décembre 2014 de la préfète de la Somme ;

3°) de lui enjoindre de réexaminer sa situation, de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été mis en mesure d'exercer son droit à un recours effectif en raison de sa mise en détention ;

- le signataire de l'arrêté attaqué était incompétent ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- compte tenu de son bon comportement en prison, la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de délai de départ volontaire n'est pas justifié légalement ;

- il est illégal du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- sa situation de détenu rendait prématuré son renvoi sans délai ;

- il n'a pas été en mesure de présenter ses observations avant l'intervention fixant le pays de destination ;

- il encourt des risques en cas de retour dans son pays.

La requête a été communiquée à la préfète de la Somme qui n'a pas produit de mémoire.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité de l'ordonnance :

1. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant " ; qu'aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire (...) " ;

2. Considérant que lorsque les conditions de détention portent atteinte au droit à un recours effectif en ne mettant pas le détenu en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir ;

3. Considérant que l'arrêté attaqué du 31 décembre 2014 de la préfète de la Somme a été notifié à M.D..., alors incarcéré à... ; que, par écrit, M. D...a demandé, dès le 6 janvier 2015, l'assistance d'un interprète pour former un recours contre la décision attaquée, justifiée par la circonstance qu'il maîtrisait mal le français et n'arrivait pas à comprendre la décision qui lui avait été remise ; que cette demande n'apparaît pas manifestement dilatoire, abusive ou inutile ; que l'agent des services pénitentiaires, qui a recueilli cette demande, n'a transmis ce courrier que le 9 janvier 2015, soit deux jours après l'expiration du délai contentieux de quarante-huit heures ; qu'à la suite de ce retard de transmission, M. D...n'a pu bénéficier des conseils du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) qu'à partir du lundi 12 janvier 2015 ; que son recours a été enregistré au greffe dès le 12 janvier 2015 ; que, par suite, le délai de 48 heures qui n'avait pas commencé à courir avant le 12 janvier 2015 n'était pas expiré lorsque la requête a été enregistrée au greffe du tribunal dans les conditions qui viennent d'être rappelées ; que, dès lors le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme tardive et donc manifestement irrecevable en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que cette ordonnance doit en conséquence être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Sur le défaut de motivation de l'arrêté et le défaut d'examen de la situation de l'intéressé :

5. Considérant que, par un arrêté du 11 décembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 85 du 12 décembre 2014 de la préfecture de la Somme, le préfet a donné délégation de signature à M. F...A..., sous-préfet d'Abbeville, secrétaire général par intérim de la préfecture, aux fins notamment de signer la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait ;

6. Considérant que, pour prendre les décisions attaquées, la préfète de la Somme, qui a visé les dispositions légales dont elle faisait application, s'est fondée sur le double motif tiré de ce que l'intéressé, qui avait fait l'objet d'une condamnation pour vol de nuit en réunion dans un local d'habitation et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique constituait une menace pour l'ordre public et qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français ; que la décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Somme n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

Sur les autres moyens concernant l'obligation de quitter le territoire :

8. Considérant que la mesure d'éloignement est fondée sur le séjour irrégulier de l'intéressé dont la réalité n'est pas contestée ; que le moyen tiré de son absence de menace à l'ordre public n'est pas opérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire ;

9. Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a été présenté sommairement en première instance, n'est pas assorti des précisions qui permettent d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait illégale ;

Sur les autres moyens concernant le refus de départ volontaire :

11. Considérant que la décision faisant obligation à M. D...de quitter le territoire n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale ;

12. Considérant que le refus de départ volontaire peut être justifié par l'existence d'un comportement constituant une menace pour l'ordre public en vertu du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et en dépit du bon comportement allégué de l'intéressé en prison, qu'en retenant que le comportement de celui-ci présentait une menace pour l'ordre public au regard des actes qu'il avait commis et qui avaient été sanctionnés par une peine d'emprisonnement de dix mois, la préfète de la Somme a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation pour la mise en oeuvre du refus de délai de départ volontaire ;

13. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

14. Considérant qu'il est constant que l'intéressé n'était pas entré régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité de titre de séjour ; qu'il ne disposait pas de résidence à sa sortie de prison ; qu'il n'offrait donc pas de garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, la préfète de la Somme pouvait également, par application des dispositions du a) et du f) du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui refuser un délai pour organiser son départ volontaire ;

15. Considérant que si M. D...était incarcéré à... ; que, par suite, en refusant un délai de départ volontaire, la préfète de la Somme a entendu imposer ce départ dès la sortie de prison ; que cette décision ne présentait donc pas, en tout état de cause, un caractère prématuré ;

Sur les autres moyens concernant la décision fixant le pays de destination :

16. Considérant que M.D..., de nationalité marocaine, a déclaré le 12 janvier 2015 au conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation qu'il craindrait pour sa vie en cas de retour au Maroc, qu'il n'y a pas de famille et qu'enfant, il a été placé en Lybie " comme esclave " ; que ces éléments non circonstanciés ne justifient pas qu'il encourrait un risque réel et sérieux en cas de retour au Maroc ;

17. Considérant que M. D...ne justifie pas qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration d'autres éléments qui auraient rendu son renvoi dans son pays d'origine impossible ; que, dès lors, la circonstance qu'il n'ait pas été entendu avant l'intervention de cette mesure ne l'a pas privé d'une garantie et n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision qui a été prise ; que, par suite, les conclusions dirigées contre la décision fixant le Maroc comme pays de destination doivent être rejetées ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 16 janvier 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : Les autres conclusions de M. D...présentées en première instance ou en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre de l'intérieur et à Me E...C.la maison d'arrêt d'Amiens dans la journée du 5 janvier 2015

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mai 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier

Sylviane Dupuis

N°15DA00676 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00676
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-19;15da00676 ?
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