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07/07/2016 | FRANCE | N°15DA01986

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 15DA01986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 juillet 2015 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction au préfet de l'Aisne de lui délivrer le titre sollicité.

Par un jugement n° 1502529 du 18 novembre 2015, le tribunal admin

istratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 juillet 2015 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction au préfet de l'Aisne de lui délivrer le titre sollicité.

Par un jugement n° 1502529 du 18 novembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, M.B..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 novembre 2015 et l'arrêté du préfet de l'Aisne du 28 juillet 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette motivation lacunaire révèle que le préfet de l'Aisne n'a pas procédé à un examen suffisamment attentif de sa situation particulière ;

- le préfet de l'Aisne n'a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, lui refuser, au seul motif qu'il ne pouvait justifier de la possession d'un visa de long séjour, la délivrance du titre qu'il sollicitait ;

- pour refuser de faire usage en sa faveur du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, alors pourtant qu'il justifiait résider habituellement en France depuis près de douze années et entrait ainsi dans les prévisions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, le préfet de l'Aisne a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet de l'Aisne n'a pas procédé à un examen suffisamment attentif de sa situation particulière avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2016, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de séjour :

1. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté du 28 juillet 2015 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision refusant de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'avait formée M.B..., ressortissant marocain ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision de refus de séjour est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

2. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, que le préfet de l'Aisne ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation particulière de M. B...avant de prendre cette décision ;

3. Considérant qu'il résulte de l'examen de l'arrêté en litige que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M.B..., le préfet de l'Aisne ne s'est pas seulement fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pu justifier de la possession d'un visa de long séjour, mais qu'il a examiné d'office l'opportunité de faire bénéficier l'intéressé d'une mesure gracieuse de régularisation, en s'appropriant l'avis émis le 12 mai 2015 par la commission départementale du titre de séjour, pour constater finalement que l'intéressé n'avait fait état d'aucun projet professionnel, ni d'aucun élément personnel lui permettant de justifier de perspectives réelles d'intégration en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aisne aurait commis une erreur de droit pour avoir méconnu l'étendue de sa compétence doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

5. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

6. Considérant que M.B..., entré sur le territoire français le 2 décembre 2003 muni d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", se prévaut de ce qu'il résidait habituellement en France depuis près de douze années à la date à laquelle l'arrêté du 28 juillet 2015 en litige a été pris ; que, toutefois, si M. B...s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui a été renouvelée à trois reprises afin qu'il puisse poursuivre des études en France après l'obtention d'une licence de biologie au Maroc, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui s'est vu refuser, par un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 3 janvier 2008, le renouvellement de ce titre de séjour compte tenu d'une absence de progression dans ses études et qui a fait l'objet, le même jour, d'une obligation de quitter le territoire français, s'est maintenu irrégulièrement, depuis cette date, sur le territoire français, sans solliciter, avant le 12 février 2014, la régularisation de sa situation ; qu'il n'a invoqué aucun projet sérieux d'insertion professionnelle, faisant seulement état de son souhait de s'inscrire à Pôle Emploi pour obtenir un stage dans le domaine de la biologie ; que, s'il évoque, dans ses écritures, une relation sentimentale qu'il aurait nouée sur le territoire français et sa volonté de fonder une famille, il n'apporte cependant aucun élément au soutien de ces allégations ; qu'ainsi, eu égard aux conditions en majeure partie irrégulières du séjour de M. B..., et malgré sa durée, le préfet, pour refuser, dans ces conditions, de faire usage, en faveur de l'intéressé, du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que le requérant ne peut, à cet égard, utilement invoquer la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui ne s'imposait pas à l'autorité préfectorale ;

7. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point 6 et compte tenu notamment que ce que M.B..., d'une part, ne fait état d'aucun projet professionnel sérieux, ni d'aucune démarche d'intégration, d'autre part, n'établit pas, par ses seules allégations, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où résident ses parents et quatre frères et où il a lui-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, la décision refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a, dès lors, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français est prise en conséquence d'une décision de refus de séjour, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de ce refus ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 que la décision refusant de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'avait formée M. B...est suffisamment motivée ; que, par suite, la décision du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français en conséquence de ce refus est, elle-même, suffisamment motivée ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, que le préfet de l'Aisne ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation particulière de M. B...avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées, de même, en tout état de cause, que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président

de la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01986
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : RACLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-07;15da01986 ?
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