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12/07/2016 | FRANCE | N°15DA02031

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 12 juillet 2016, 15DA02031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...née A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 5 mai 2015 lui refusant le titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire française dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1505944 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

ée le 17 décembre 2015, Mme E...néeA..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...née A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 5 mai 2015 lui refusant le titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire française dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1505944 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, Mme E...néeA..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais de régulariser sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi par Mme E...néeA..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le défaut de visa d'entrée sur le territoire d'un conjoint de français peut être régularisé ;

- le traitement médical qu'elle suit s'oppose à ce qu'elle reparte au Cameroun pour l'obtention d'un visa long séjour ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 4-° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination de l'éloignement est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme D...E...née A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 novembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, que la demande de titre de séjour de Mme E...née A... a été présentée sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision, qui précise la raison pour laquelle l'intéressée de ne peut prétendre obtenir un visa long séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale au regard des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes des quatrième et sixième alinéas de l'article L. 211-2-1 du même code : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

3. Considérant que si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article L. 211-1-2 du code susvisé, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction ;

4. Considérant que Mme E...néeA..., de nationalité camerounaise, a épousé en France, le 3 mai 2014, M. E..., de nationalité française ; qu'elle a déposé, le 19 janvier 2015, à la préfecture du Pas-de-Calais, une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français ; que ce titre lui a été refusé par une décision de la préfète du Pas-de-Calais du 5 mai 2015, au motif que l'intéressée n'était pas titulaire d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que la préfète du Pas-de-Calais a également visé les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiqué dans les motifs de l'arrêté en litige que l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir de ces dispositions dans la mesure où elle ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français ; qu'ainsi, l'autorité préfectorale doit être regardée comme ne s'étant pas contentée de constater l'absence de production du visa de long séjour mais avoir vérifié, au regard des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 cité au point précédent, si elle était compétente pour se prononcer sur la demande de visa long séjour implicitement formulée par Mme E...née A...lors du dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français ; qu'il n'est pas contesté que l'intéressée était entrée de manière irrégulière en France ; qu'en vertu des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle circonstance faisait obstacle à ce que la préfète du Pas-de-Calais lui délivre elle-même le visa de long séjour ; qu'ainsi, à défaut d'un tel visa, cette autorité n'a pas entaché son refus de titre de séjour en litige d'une violation des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il résulte des comptes rendus médicaux établis par un praticien hospitalier du centre d'aide à la procréation du bassin de l'Artois, produits en appel par la requérante, que le couple a engagé un processus de procréation médicalement assistée dont le principe a été validé, sur indications médicales, par la commission d'assistance médicale à la procréation le 26 février 2015 ; que si une première tentative devait être réalisée en mai 2015, elle n'a finalement pu avoir lieu et, en juin 2015, Mme E...née A...était invitée à reprendre contact avec son médecin pour envisager la suite de sa prise en charge, le protocole en cours ayant été suspendu ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'un retour au Cameroun pour l'obtention du visa nécessaire à la régularisation de sa situation au regard de son droit au séjour en France entraînerait l'interruption du protocole mis en place et violerait, pour cette raison, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, d'autre part, que Mme E...néeA..., qui déclare être entrée en France en juin 2010, n'a pas vécu avec son époux avant leur mariage, en mai 2014, soit un an avant l'arrêté en litige ; qu'elle ne justifie d'aucune activité professionnelle ou associative en France, ni de liens personnels, autres que ceux noués avec son mari, d'une particulière intensité ; que le couple n'a pas d'enfant ; qu'en revanche, l'intéressée a au Cameroun deux filles, nées en 2003 et 2004 ; que, dans ces conditions, et alors que Mme E...née A...pourra solliciter une fois retournée au Cameroun, un visa pour un séjour supérieur à trois mois, afin de pouvoir rejoindre son époux et régulariser sa situation administrative en France, le refus de titre de séjour attaqué n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que Mme E...née A...ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Pas-de-Calais n'était pas tenue, en l'absence de demande expresse en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressée pouvait prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de cet article L. 313-11 doit être écarté comme inopérant ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...née A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est illégale ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant que le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français si la délivrance d'un titre de séjour lui a été refusée et, dans ce cas, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français, qui est motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision refusant à Mme E...née A...la délivrance du titre de séjour sollicité est suffisamment motivée ; que la préfète, qui a estimé, après avoir refusé de lui délivrer un titre de séjour, qu'il n'existait aucun obstacle à ce que l'intéressée quitte le territoire ainsi que le prévoit le I de l'article L. 511-1, a ainsi suffisamment motivé sa décision ;

11. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, en tout état de cause, être écartés comme inopérants à l'encontre de la décision d'éloignement ;

12. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les raisons déjà exposées aux points 5 et 6 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;

Sur la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :

14. Considérant que la décision fixant le pays de destination de l'éloignement de Mme E... née A...comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

15. Considérant que Mme E...née A...n'apporte aucun élément à l'appui de l'affirmation selon laquelle elle aurait quitté le Cameroun pour échapper à des exactions qu'elle aurait subies ; qu'elle n'en précise ni la nature ni les circonstances et se borne à affirmer que le dépôt d'une demande d'asile aurait mis sa famille demeurée au Cameroun en danger ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...née A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'illégalité ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...née A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...née A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...néeA..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA02031 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 15DA02031
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : INUNGU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-12;15da02031 ?
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