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12/07/2016 | FRANCE | N°16DA00054

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 juillet 2016, 16DA00054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1503834 du 3 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, par son article 1er, la décision fixant

le pays de destination ainsi que celle prononçant la rétention administrative de l'intére...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1503834 du 3 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, par son article 1er, la décision fixant le pays de destination ainsi que celle prononçant la rétention administrative de l'intéressé et a rejeté, par son article 2, le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par son article 1er, il a annulé la décision fixant le pays de destination et celle prononçant le placement en rétention administrative de l'étranger ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a estimé que M. A...était exposé à des mauvais traitements ou persécutions prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intéressé, qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'asile, ne démontre pas qu'il encourrait des menaces réelles et personnelles en cas de retour en Afghanistan ;

- la décision de placement en rétention était légalement justifiée.

La requête de la préfète du Pas-de-Calais a été communiquée le 14 janvier 2016 à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les deux motifs d'annulation retenus par le magistrat désigné :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M.A..., qui se déclare ressortissant afghan né le 1er janvier 1987, est entré en France au cours du mois de novembre 2015 démuni de tout visa ou document de séjour ; qu'après avoir été interpellé le 26 novembre 2015 par le service de la police aux frontières du Pas-de-Calais, la préfète de ce département lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé son placement au centre de rétention administrative d'Oissel par un arrêté du même jour ; qu'en se bornant, devant le tribunal administratif, à faire état de l'instabilité généralisée du pays et de la situation sécuritaire en Afghanistan, et à se prévaloir des violences perpétrées dans la province de Laghman dont l'intéressé est originaire, M. A...n'établit pas de manière probante qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; qu'à supposer, comme le soutient M. A..., que les autorités afghanes ne soient pas en mesure d'assurer, en général, la protection de leurs ressortissants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le degré de violence généralisée qui caractérise la zone dont l'intéressé est originaire ait atteint un niveau suffisamment élevé pour que des motifs sérieux et avérés permettent de penser qu'un civil renvoyé dans la région concernée, du seul fait de sa présence sur ce territoire, encourra un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier de première instance que l'intéressé, qui n'a au demeurant présenté aucune demande d'asile, serait personnellement exposé à un risque avéré de subir des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention citée au point 1 ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces versées en cause d'appel par la préfète du Pas-de-Calais que l'autorité administrative a accompli le 26 novembre 2015 plusieurs diligences auprès des autorités consulaires afghanes afin de procéder à l'éloignement de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3, pour annuler la mesure de rétention administrative dont l'étranger faisait l'objet ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative ;

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

6. Considérant que M. C... B...bénéficiait d'une délégation de signature du préfet du Pas-de-Calais en date du 16 février 2015, régulièrement publiée au recueil spécial n°16 des actes administratifs de la préfecture, à l'effet notamment de signer les décisions en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté ;

7. Considérant que l'arrêté du 26 novembre 2015 énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions d'éloignement sans délai de départ volontaire et de placement en rétention administrative prises par l'autorité administrative ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'acte attaqué doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que les moyens tirés du défaut d'examen de la situation individuelle de M. A..., de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à toute décision d'éloignement et de présenter des observations orales et écrites, du détournement de procédure, et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision d'éloignement sur la situation de l'intéressé, ont été, à l'encontre de la décision visée ci-dessus, à bon droit écartés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points ;

9. Considérant que M. A...ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 1 de l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés dès lors qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, le requérant n'avait pas la qualité de réfugié, ni n'avait demandé l'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que la décision d'éloignement en litige n'est pas entachée d'illégalité ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A...a été prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français légale ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 12 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. A...serait personnellement menacé ou exposé à des risques de mauvais traitements en cas de retour en Afghanistan ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 12 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de placement en rétention administrative dont il est l'objet, serait dépourvue de base légale ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l' étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

17. Considérant qu'il est constant que M. A...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 26 novembre 2015 ; que, l'intéressé n'ayant par ailleurs présenté aucun document d'identité ou de voyage valide, ni d'adresse stable ou toute pièce justifiant l'existence d'un domicile, il doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; que le placement en rétention administrative de M. A...n'était, dès lors, pas dépourvu de toute nécessité ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que la préfète du Pas-de-Calais a prononcé à son encontre une décision le plaçant en rétention administrative ;

18. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier, et notamment pas des déclarations de M. A...lors de son audition par la police aux frontières du Pas-de-Calais, que la mesure de rétention administrative prise par l'autorité administrative serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait dû prononcer une mesure d'assignation à résidence à son encontre ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) / " ; que les dispositions des articles L. 551-1, L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent de façon suffisamment précise les cas dans lesquels un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être soit placé en rétention, soit assigné à résidence par l'autorité administrative ; que ces dispositions n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir pour effet, d'instaurer un placement automatique en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué le plaçant en rétention administrative a été pris sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision fixant le pays de destination et celle prononçant le placement de M. A...en rétention administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 3 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et de celle le plaçant en rétention administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....

Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°16DA00054 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00054
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-12;16da00054 ?
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