La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2016 | FRANCE | N°16DA00101

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 juillet 2016, 16DA00101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 août 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1507901 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a, par son article 1er, annulé l'ensemble de ces décisions, par son article 2, enjoint à la préf

ète du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 août 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1507901 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a, par son article 1er, annulé l'ensemble de ces décisions, par son article 2, enjoint à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, par son article 3, procédé à la suppression de deux passages du mémoire en défense de la préfète du Pas-de-Calais, en application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, et a, par son article 4, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 741-1 du même code.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016, la préfète du Pas-de-Calais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Lille, y compris celle présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'étrangère, pour annuler ses décisions en litige ;

- les deux passages de son mémoire en défense de première instance ne présentent pas un caractère outrageant, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

- les moyens soulevés par Mme A...devant la juridiction administrative ne sont pas fondés.

La requête de la préfète du Pas-de-Calais a été communiquée le 20 janvier 2016 à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Considérant que, pour refuser à MmeA..., ressortissante camerounaise née le 27 décembre 1981, la délivrance d'un titre de séjour sollicité sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Pas-de-Calais s'est fondée sur l'absence de présentation du visa de long séjour exigé par les dispositions de l'article L. 311-7 du même code et a, par ailleurs, estimé, que l'intéressée ne pouvait satisfaire aux dispositions dérogatoires de l'article L. 211-2-1 de ce code, aux termes desquels la demande de visa de long séjour peut être présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour, lorsque celle-ci émane d'un étranger entré régulièrement en France et séjournant en France avec son conjoint français depuis au moins six mois ;

2. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige du 26 août 2015, que la préfète du Pas-de-Calais, qui a fait mention de la situation administrative et personnelle de Mme A..., notamment de sa date d'entrée en France et du fondement de sa demande de titre de séjour, a précisé que l'étrangère ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle était entrée de manière irrégulière en France ; qu'en outre, cet arrêté fait également état du mariage de Mme A...contracté le 13 janvier 2012 avec un ressortissant français, ainsi que l'absence de visa de long séjour exigé par la règlementation nationale, et expose, enfin, qu'il est loisible à l'intéressée de solliciter, sans que soit portée une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, un visa de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Yaoundé ; que si, par ailleurs, l'arrêté du 26 août 2015 ne fait pas mention de la grossesse de Mme A...à la date de cet arrêté, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance suffise à caractériser un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée par l'autorité préfectorale ; que, dès lors, la préfète appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle et familiale de MmeA..., pour annuler la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, celle l'obligeant à quitter le territoire français, ainsi que celle fixant le pays de destination ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant la juridiction administrative ;

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

4. Considérant que, par un arrêté du 16 février 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...E..., adjoint au directeur, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C...B..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, les décisions relatives aux refus de séjour et à l'éloignement ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant que les décisions attaquées comportent les éléments de fait et de droit sur lesquels elles se fondent ; que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la motivation de ces décisions serait insuffisante du seul fait qu'elles ne font pas état des interventions d'un membre de l'Assemblée nationale en sa faveur ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier, que la préfète du Pas-de-Calais se soit abstenu d'examiner la situation personnelle et familiale de Mme A...; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ne peut qu'être écarté ;

Sur la décision de refus de séjour :

7. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de la décision de refus de séjour ni des autres pièces versées au dossier, que l'administration aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ; que la circonstance que l'acte ne mentionne pas les correspondances des 30 mai 2013 et 15 juillet 2015 adressées par Mme A...à l'autorité administrative est sans incidence sur sa légalité ;

8. Considérant que MmeA..., qui déclare être entrée en France au cours du mois d'août 2011, a contracté mariage le 13 janvier 2012 avec M.A..., ressortissant français né le 1er janvier 1962 ; qu'à la date de l'arrêté en litige, aucun enfant n'était né de leur union ; que l'intéressée ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle, ni ne démontre l'intensité des liens privés et familiaux qu'elle allègue devant la cour ; qu'en outre, les pièces qu'elle a produites tant en première instance qu'en appel pour démontrer la réalité de sa vie commune remontent à l'année 2013 ; que, dès lors, sa vie maritale s'avère récente à la date de l'arrêté contesté ; qu'ainsi, eu égard aux conditions de séjour de MmeA..., et en dépit de sa durée, l'administration n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la mesure en litige ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, Mme A...n'est pas fondée, eu égard à ses écritures d'appel, à soutenir que la préfète du Pas-de-Calais, en refusant de lui accorder un titre de séjour, aurait entaché cette décision de refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 9 que la décision de refus de séjour n'est entachée d'aucune illégalité ;

Sur la décision obligeant l'intéressée à quitter le territoire français :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision d'éloignement serait dépourvue de base légale ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que si Mme A...était enceinte de trois mois à la date de la mesure contestée, cette circonstance ne saurait, à elle seule, faire obstacle à son éloignement et ne peut, en outre, suffire à faire regarder la décision en litige comme étant entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que la mesure d'éloignement opposée à l'intéressée n'est pas entachée d'illégalité ;

En ce qui concerne la décision octroyant un délai de départ de trente jours :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 14 que les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours serait dépourvue de base légale ;

16. Considérant que, contrairement à ce qu'affirme MmeA..., il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l'intéressée aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, en raison de son intégration en France et d'un isolement au Cameroun dont elle se prévaut ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'autorité préfectorale d'accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

17. Considérant qu'en s'abstenant d'accorder un délai de départ supérieur à trente jours, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que la préfète du Pas-de-Calais aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de MmeA... ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 17 que la décision octroyant à Mme A...un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas entachée d'illégalité ;

En ce qui concerne le pays de destination :

19. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10, 14 et 18 que la décision de refus de séjour, celle portant obligation de quitter le territoire et celle fixant un délai de départ de trente jours, ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 rendu applicable par l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux./ Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) " ;

22. Considérant que si le tribunal administratif de Lille a relevé que plusieurs expressions contenues en pages 3 et 4 du mémoire en défense, produit le 13 novembre 2015 par la préfète du Pas-de-Calais en première instance, présentaient un caractère outrageant, ces propos, s'ils présentent un caractère polémique regrettable, ne peuvent toutefois être regardés comme présentant un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire au sens des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a procédé à la suppression de certains passages du mémoire en défense présenté par l'administration, en première instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F...A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F...A....

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°16DA00101 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00101
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-12;16da00101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award