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12/07/2016 | FRANCE | N°16DA00127

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 juillet 2016, 16DA00127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 2015 par lequel le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1502864 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2016, M. D...B..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 2015 par lequel le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1502864 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2016, M. D...B..., représenté par Me C...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, d'une part, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'autre part, de procéder à la mise à jour du ficher de signalement du système Schengen en application des dispositions de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de l'Oise n'a pas examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

- l'arrêté attaqué a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- le préfet a violé les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en le renvoyant en Turquie ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation familiale et personnelle ;

- le préfet a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la décision de refus de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ; et qu'aux termes de l'article L. 742-6 de ce code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ;

2. Considérant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de M. B...le 31 octobre 2014 ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par un arrêt du 21 mai 2015 ; qu'ainsi, la demande d'asile de M. B...ayant été définitivement rejetée, le préfet de l'Oise était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour présenté en qualité de réfugié ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'administration aurait insuffisamment motivé sa décision de refus de séjour, aurait inexactement apprécié sa situation personnelle et familiale, de ce qu'un refus de séjour méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés comme inopérants ;

Sur la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français :

3. Considérant que M.B..., ressortissant turc né le 28 juin 1986, déclare être entré en France le 20 mars 2014 démuni de tout visa ou document de séjour ; qu'il s'y est maintenu à la faveur de l'instruction de sa demande d'asile qui a été rejetée définitivement, ainsi qu'il a été dit, le 21 mai 2015 ; que s'il se prévaut de la présence de ses parents en France, titulaires d'une carte de résident, et de quatre de ses frères et soeurs, qui sont munis de cartes de séjour temporaires, il ressort toutefois des pièces versées au dossier qu'il conserve des attaches familiales en Turquie où demeurent... ; que, contrairement à ce que l'appelant affirme, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait isolé dans son pays d'origine ; qu'en outre, l'intéressé ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle ; que, par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B...n'est pas fondé à soutenir à que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ;

5. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, le préfet de l'Oise a suffisamment motivé sa décision en mentionnant que M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;

6. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier de première instance, ni d'aucun élément probant versé en appel, que M. B...serait exposé, en raison de l'engagement politique qu'il allègue avoir au sein du PKK sans l'établir, à des risques de torture ou à des menaces personnelles en cas de retour en Turquie ; que s'il fait état devant la juridiction administrative d'une condamnation pénale par la cour d'assises d'Istanbul, pour avoir manifesté publiquement en faveur de la cause kurde, ce document dont il est difficile d'établir la façon dont l'intéressé en a eu connaissance, ne présente pas un caractère probant évident ; qu'il est, en outre, constant que l'intéressé n'a pas sollicité le réexamen de sa demande d'asile sur la base de ce nouveau document, postérieurement à la décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il n'en a pas davantage fait état lors de l'instruction de sa demande d'asile, ni au cours de la procédure d'admission au séjour devant l'administration préfectorale ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; qu'il incombe alors à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ;

9. Considérant qu'en adoptant la décision attaquée aux motifs que M. B...faisait état d'une durée très brève de séjour à la date de la décision en litige, et ne justifiait pas d'une intégration en France, ni de liens avec la France particulièrement anciens, intenses et stables, alors qu'il est constant, d'une part, que l'intéressé a plusieurs membres de sa famille en France, dont ses parents, tous titulaires de cartes de résident ou de séjour temporaires, d'autre part, qu'il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Oise a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation sur la situation personnelle de M. B..., en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que, dans ces conditions, M. B...est seulement fondé à demander l'annulation de cette mesure, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête présentés au soutien de ces conclusions ;

10. Considérant, par voie de conséquence de ce qui a été dit au point 9, qu'il y a lieu, seulement, d'enjoindre au préfet de l'Oise de saisir les services ayant procédé au signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en vue d'effacer ce signalement ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an du 17 août 2015 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de saisir les services ayant procédé au signalement de M. B...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en vue d'effacer ce signalement.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2015 est réformé en ce qui a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., au préfet de l'Oise et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°16DA00127 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00127
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CACAN - ORUM

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-12;16da00127 ?
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