La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2016 | FRANCE | N°15DA01731

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 15DA01731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 juin 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501811 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octo

bre 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 juin 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501811 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeD....

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, Mme B...D..., représentée par Me A...C..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté et au prononcé d'une injonction à l'encontre du préfet de la Seine-Maritime pour qu'il lui délivre un titre de séjour en qualité d'étranger malade.

Elle soutient que :

- le moyen de la requête n'est pas fondé ;

- la décision refusant de délivrer le titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

2. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., de nationalité nigériane et née le 5 octobre 1990, souffre de troubles psychologiques et de dépression, apparus à la suite d'un accident de la route dans son pays d'origine et traités par des antidépresseurs et des antipsychotiques ; que, par un avis du 26 novembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié n'était pas disponible dans son pays d'origine ; que le préfet de la Seine-Maritime, qui n'est pas lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme D...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé au Nigeria ; que, pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a produit divers documents ; que, notamment, il ressort de la liste nationale des médicaments essentiels publiée en 2010 par le ministère fédéral de la santé du Nigeria que des médicaments de type anxiolytique et antipsychotique sont disponibles au Nigeria ; que ces médicaments sont appropriés au traitement de l'état de santé de Mme D...; que le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés du 22 janvier 2014, sur les soins psychiatriques au Nigeria, fait notamment état de l'existence, dans ce pays, de huit hôpitaux psychiatriques et de six cliniques traitant notamment les états de stress post-traumatique, et donc d'une possibilité de soins psychiatriques au Nigeria, même s'il souligne que les moyens en structures, médicaments et personnels sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des besoins de la population ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...ne pourrait pas disposer d'un accès à des médicaments et à des établissements aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu ces dispositions ;

5. Considérant que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté attaqué ; qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant la juridiction administrative ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

6. Considérant que M. Eric Maire, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Maritime, a reçu, par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 25 avril 2013, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture n° 52 du même jour, modifié par l'arrêté n° 14-16 du 24 mars 2014 régulièrement publié au recueil spécial n° 33 du même jour, délégation aux fins de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat en toutes matières à l'exception de trois mesures dans le champ desquelles n'entre pas la décision attaquée qui relève de la police des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

7. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de sa situation personnelle ;

9. Considérant que MmeD..., en se prévalant d'une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée, doit être regardée comme ayant entendu soulever un moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, ressortissante nigériane, elle déclare être entrée en France en 2009, à l'âge de dix-neuf ans ; que sa présence sur le territoire n'est toutefois établie qu'à partir d'avril 2014 ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille ; qu'elle ne démontre pas avoir tissé des liens personnels forts ou disposer de membres de sa famille en France ; que, par ailleurs, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et sa soeur ; que, compte tenu des conditions de son séjour sur le territoire, le préfet n'a pas porté au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus de séjour et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés point 6, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit donc être écarté ;

11. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

12. Considérant qu'à supposer que MmeD..., en soutenant encourir un risque d'aggravation de son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, ait entendu soulever un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est cependant inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour au Nigeria exposera Mme D...à des risques personnels, directs et actuels de mauvais traitements en raison de sa maladie ;

13. Considérant que, comme il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existe pas un traitement approprié à l'état de santé de Mme D...dans son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme D... ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 5 juin 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme D...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre, rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°15DA01731 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01731
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CASTIONI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da01731 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award