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15/09/2016 | FRANCE | N°15DA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 15DA01765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 mai 2015 du préfet de l'Oise par lequel il lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec obligation de remise de son passeport et de présentation hebdomadaire en préfecture, a fixé la Turquie comme pays de destination d'un éventuel éloignement forcé et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an, d'autre p

art, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, enfin, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 mai 2015 du préfet de l'Oise par lequel il lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec obligation de remise de son passeport et de présentation hebdomadaire en préfecture, a fixé la Turquie comme pays de destination d'un éventuel éloignement forcé et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501894 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 mai 2015, a enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer la situation de M.B..., a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que :

- les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. B...lui ayant été notifiées, antérieurement à l'arrêté en litige, le motif d'annulation retenu en premier instance est erroné ;

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité compétente ;

- il est suffisamment motivé ;

- la situation personnelle de l'intéressé a été examinée ;

- l'arrêté ayant été pris suite à la demande de titre de séjour de M.B..., celui-ci n'avait pas à être entendu préalablement à son édiction ;

- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est justifiée ;

- l'intéressé n'apporte pas d'éléments permettant de considérer qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2016, M. C...B..., représenté par Me A...F..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête du préfet de l'Oise ;

2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement attaqué, à l'annulation de l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 18 mai 2015 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il prend acte de la production par le préfet des accusés de réception démontrant que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile lui ont été notifiées ;

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- son droit à être entendu préalablement à l'édiction d'une mesure défavorable a été méconnu en l'espèce ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale car fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;

- elle a été prise au terme d'une motivation stéréotypée ;

- cette motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la durée de son séjour en France ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision l'obligeant à se présenter chaque semaine en préfecture pendant le délai de départ volontaire accordé et à remettre son passeport est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire illégale ;

- il en est de même de l'interdiction de retour sur le territoire français ;

- cette décision est par ailleurs entachée d'erreurs de fait dès lors que la durée de sa présence en France est de quatre ans supérieure à celle retenue, que ses attaches familiales sont plus nombreuses que celles mentionnées, qu'il justifie d'un engagement associatif et d'une promesse d'embauche et qu'il encourt des risques en cas de retour en Turquie ;

- elle a été prise sans examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle procède d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des critères posés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour dont procède l'obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de la réalité des risques encourus en cas de retour en Turquie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour ;

3. Considérant que M.B..., de nationalité turque, entré en France le 25 mars 2013 selon ses déclarations, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 mars 2014 ; que ce rejet a été confirmé par une décision du 31 mars 2015 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces produites devant la cour par le préfet de l'Oise que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été régulièrement notifiée à l'intéressé le 17 mars 2014 et que celle de la Cour nationale du droit d'asile l'a été le 22 avril 2015, comme en convient d'ailleurs l'intimé ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, pour annuler son arrêté du 18 mars 2015, s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de notification régulière du rejet de sa demande d'asile ; qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative à l'encontre des différentes décisions contenues dans l'arrêté attaqué ;

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

5. Considérant que, par un arrêté du 30 mars 2015, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Oise a donné délégation de signature à M. D... E..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, à l'effet de signer tout arrêté relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Oise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, soulevé à l'encontre de chacune des décisions contenues dans l'arrêté attaqué, doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que la décision attaquée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M.B..., comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté ;

8. Considérant que M. B...a sollicité son admission au séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé une telle admission et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ; que, notamment, la circonstance que le laps de temps écoulé entre le rejet de sa demande par la Cour nationale du droit d'asile et l'arrêté attaqué ne lui aurait pas permis de faire valoir les éléments pertinents de sa situation personnelle et familiale n'est, en tout état de cause, pas de nature à caractériser une telle méconnaissance ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ; que la seule circonstance que la mesure d'éloignement accompagnant le refus de titre de séjour fasse état de l'absence d'éléments empêchant l'éloignement de l'intéressé sans reprendre chacun des éléments de sa situation personnelle et familiale ne caractérise pas un tel défaut d'examen sérieux de sa situation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

11. Considérant que le moyen tiré de l'erreur de fait qui entacherait la décision d'éloignement n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté ;

12. Considérant que M.B..., ressortissant turc d'origine kurde et de confession alévie, né le 1er mars 1988, déclare être entré en France pour la première fois en novembre 2004, alors qu'il était mineur ; qu'il a déposé une première demande d'asile le 24 octobre 2005, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 juin 2006, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 16 février 2007 ; que, par un arrêté du 9 mars 2007, le préfet de l'Oise lui a refusé un titre de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 juin 2007 ; que s'étant néanmoins maintenu de manière irrégulière sur le territoire français, le préfet de la Côte d'Or a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière le 15 mai 2008 ; que son recours contre cette décision a été rejeté par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun du 22 mai 2008 et qu'il a alors été éloigné à destination de la Turquie ; qu'il déclare être revenu en France le 18 mars 2013, soit cinq ans après son retour en Turquie ; que la nouvelle demande d'asile qu'il a alors déposée a été rejetée dans les conditions précisées au point 3 ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise ne s'est pas mépris quant à la situation de M. B...en relevant qu'il était présent en France depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que si M. B...est entré en France alors qu'il était mineur et y est demeuré quatre ans, il a ensuite vécu cinq ans auprès de ses parents, en Turquie ; que, depuis son retour, il est hébergé chez son oncle, titulaire d'une carte de résident ; qu'il ne justifie pas de liens d'une particulière intensité avec sa soeur et son frère, de nationalité française, ou avec les autres membres de sa famille résidant en France, dont il a été notamment séparé pendant cinq ans ; que la production d'une carte de membre de l'association sportive et culturelle " La maison franco-kurde " et d'une promesse d'embauche, en tout état de cause postérieure à l'arrêté en litige, ne caractérisent pas, à elles seules, une intégration d'une particulière intensité en France ; que l'intéressé, âgé de vingt-sept ans à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire et sans charge de famille ; que l'asile et la protection subsidiaire lui ont été refusés ; qu'il lui appartient, s'il s'y croit fondé, de former un recours contre la décision de rejet de sa demande par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France, le préfet de l'Oise n'a pas, en prenant la décision attaquée, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle et familiale de M. B...doit également être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige est entachée d'illégalité ;

Sur l'obligation de remise du passeport et de présentation hebdomadaire en préfecture pendant le délai de départ volontaire :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. / L'étranger peut être tenu de lui remettre l'original de son passeport et de tout autre document d'identité ou de voyage en sa possession en échange d'un récépissé valant justification d'identité sur lequel est portée la mention du délai accordé pour son départ " ;

16. Considérant que si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint est une décision distincte de celles l'obligeant à quitter le territoire français et lui accordant un délai de départ volontaire, elle concourt néanmoins à la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire ; que, dès lors, sa motivation au titre de l'article 1er de la loi relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, en reproduisant les termes des articles L. 513-4 et R. 513-3 précités et en ajoutant, d'une part, que " l'intéressé ne justifiait pas de circonstances de nature à établir son intention de retourner au pays " et, d'autre part, " que la remise d'un document d'identité se justifie en l'espèce par la préparation de la procédure retour ", le préfet de l'Oise a, eu égard à ce qui a été dit au point 7 et en tout état de cause, suffisamment motivé, en droit et en fait, l'obligation faite à M. B...de se présenter chaque semaine en préfecture pour justifier des diligences accomplies en vue de son retour et de remettre son passeport en échange d'un document lui permettant de justifier de son identité ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit, dès lors, être écarté ;

17. Considérant qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la motivation adoptée que le préfet de l'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé avant de prendre cette décision ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que l'obligation de présentation hebdomadaire destinée à en permettre l'exécution serait privée de base légale ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite de remettre son passeport et de se présenter chaque semaine en préfecture est entachée d'illégalité ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que l'interdiction de retour pendant un an serait privée de base légale ;

21. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

22. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 13 qu'en relevant que l'intéressé était présent en France depuis 2013, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait ; que la circonstance qu'il a été scolarisé deux ans en France de 2005 à 2007 et qu'il y a résidé quatre ans, à la faveur de l'instruction de sa première demande d'asile, jusqu'en 2008, ne permet pas plus de considérer comme erronée la mention de l'absence de liens " particulièrement anciens, intenses et stables " avec la France dès lors qu'il a depuis vécu cinq ans à Istanbul, auprès de ses parents ; que l'absence de mention de la présence du frère de l'intéressé en France est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, qui fait état de ce que M. B...a des attaches familiales en France, dont son oncle et sa soeur, et que l'intimé ne justifie pas de liens particuliers avec son frère ; qu'enfin, la seule adhésion de l'intéressé à une association franco-turque et la production d'une promesse d'embauche postérieure de près d'un an à la décision attaquée ne sont, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause la mention selon laquelle l'intéressé " ne justifie pas d'une intégration notable dans la société française " ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Oise s'est fondé sur des motifs entachés d'erreurs de fait pour prendre la décision en litige doit être écarté ;

24. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

25. Considérant qu'en retenant, pour interdire à M. B...de revenir sur le territoire français, qu'il s'y trouve depuis seulement deux ans à la date de la décision en litige, qu'il est célibataire et sans charge de famille, que s'il a des attaches familiales en France, rien ne s'oppose à la poursuite de sa vie privée et familiale en Turquie, où se trouvent ses parents, et qu'il ne justifie pas d'une intégration notable, alors qu'au surplus il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, le préfet de l'Oise n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de ce que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise doit être écarté ;

27. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 22 à 25 que le moyen tiré de ce que la décision en litige a été prise sans examen sérieux de la situation personnelle de M. B...doit être écarté ;

28. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction qui lui est faite de revenir sur le territoire français pendant un an est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant la pays de destination :

29. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 14 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

30. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; que, par ailleurs, le préfet de l'Oise a suffisamment motivé sa décision en fait en mentionnant que M.B..., qui a été débouté de sa demande d'asile, ne justifie pas de motifs sérieux et avérés de croire que sa vie ou sa liberté seraient menacées en Turquie ou qu'il y serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

31. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, en premier instance ou en appel, que M. B...serait exposé, en raison de son engagement politique au sein du parti de la paix et de la démocratie (PDB), devenu parti démocratique des régions en 2014, à des risques de persécution, d'arrestation et de détention en cas de retour en Turquie, comme il le soutient ; que, notamment, l'attestation du 5 septembre 2004, également produite devant la Cour nationale du droit d'asile, mentionne seulement la relation amicale entretenue entre son auteur, qui se présente comme " responsable de la jeunesse " au BDP, en charge de la distribution de journaux, magazines et prospectus interdits, et l'intéressé, qui aurait aidé à ces distributions, au sein du service jeunesse ; que les attestations de la soeur et du frère de M. B...mentionnent quant à elles les circonstances qui les ont conduits à quitter Istanbul, respectivement en 1994 et 1996 ; qu'en admettant même que l'intéressé ait été, comme il le soutient, l'objet de brimades durant son service militaire en raison de ses origines kurdes, qu'il ait été condamné à payer une amende pour s'être initialement soustrait au service militaire obligatoire, et qu'il ait été arrêté 24 heures à l'issue d'une réunion du PDB, ces faits ne permettent pas de considérer qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

32. Considérant que M. B...ne fait valoir aucun autre élément à l'appui du moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté pour les raisons déjà mentionnées au point précédent ;

33. Considérant qu'il ne résulte ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la réalité des risques encourus en cas de retour en Turquie ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé doit être écarté ;

34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement forcé est entachée d'illégalité ;

35. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 18 mai 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA01765 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01765
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da01765 ?
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