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15/09/2016 | FRANCE | N°15DA01832

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 15DA01832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 10 juin 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1505752 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015, M.D..., repré

senté par Me A...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour exc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 10 juin 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1505752 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015, M.D..., représenté par Me A...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit, la préfète s'étant fondée sur les critères posés par les points 2.1.1 et 2.2.1 de la circulaire relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour du 28 novembre 2012 alors qu'il s'agit de simples orientations et non de lignes directrices ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conditions de son séjour en France ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de la réalité des risques encourus en cas de retour en Turquie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la circulaire sur l'admission au séjour du 28 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 10 juin 2015 de la préfète du Pas-de-Calais refusant un titre de séjour à M. D...et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Turquie doit être écarté pour les raisons précisées par le tribunal administratif de Lille au point 2 de son jugement qu'il y a lieu d'adopter sur ce point ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant que M. D...a sollicité, le 30 décembre 2014, son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié et a produit à l'appui de sa demande une promesse d'embauche du 8 décembre 2014 de la SARL MCP pour un emploi de carreleur, sans par ailleurs faire état d'aucune expérience ou qualification particulière pour l'exercice de ce métier ; qu'en reproduisant les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en appréciant les qualification et expérience de l'intéressé au regard des caractéristiques de l'emploi qu'il prétend occuper, la préfète du Pas-de-Calais, qui a, au demeurant, également fait état de la situation personnelle et familiale du requérant, a suffisamment motivé, en droit et en fait, le refus de titre de séjour en litige ; que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète ne se serait pas livrée à un examen sérieux et approfondi de la situation de l'intéressé ;

4. Considérant que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge mais des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation ; qu'ainsi, c'est au préfet qu'il revient, dans l'exercice du pouvoir dont il dispose, d'apprécier dans chaque cas particulier, compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'étranger, l'opportunité de prendre une mesure de régularisation favorable à l'intéressé ;

5. Considérant que si la préfète du Pas-de-Calais a effectivement considéré que les points 2.1.1 et 2.2.1 de la circulaire relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour constituaient des lignes directrices édictées en vue de l'homogénéisation des pratiques dans le respect du principe d'égalité, elle a également précisé qu'elles ne liaient pas l'autorité administrative qui conserve la faculté de régulariser la situation du ressortissant étranger compte tenu de son pouvoir discrétionnaire et des éléments de la situation de l'intéressé ; qu'elle a d'ailleurs apprécié, pour l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les éléments pouvant caractériser l'insertion professionnelle de l'intéressé depuis son entrée sur le territoire ; que, dès lors, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas entaché le refus de titre de séjour en litige de l'erreur de droit alléguée ;

6. Considérant qu'en se prévalant d'une durée de présence en France de six ans à la date de l'arrêté attaqué, de son mariage, le 26 avril 2014, avec Mme E...B..., compatriote également en situation irrégulière, et de la qualité de son intégration, M. D...ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en présentant une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée pour un emploi de carreleur lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé n'a pas davantage justifié de motifs exceptionnels permettant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ; que la circonstance que M. D... ait ensuite justifié de l'obtention d'un diplôme de lycée technique et produit trois attestations de personnes indiquant avoir eu l'occasion de travailler avec lui, dans le secteur du bâtiment, entre 2010 et 2013, n'est pas de nature à établir que sa situation répondrait à des raisons justifiant son admission exceptionnelle au séjour ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que M.D..., ressortissant turc d'origine kurde, né le 5 janvier 1974, est arrivé en France selon ses déclarations, le 20 février 2009 ; qu'il a présenté une demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiées et apatrides le 29 septembre 2009, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 1er octobre 2010 ; que, par un arrêté du 17 avril 2012, le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre une décision de refus de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de la Turquie ; que M. D...s'est néanmoins maintenu en France de manière irrégulière, puis a demandé son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié, laquelle lui a été refusée par l'arrêté en litige ; qu'il a épousé le 26 avril 2014 une compatriote d'origine kurde, qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 25 août 2008 et dont la demande de réexamen de la demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu, le 28 janvier 2016 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, comme il a été dit aux points 2 et 6, il a produit une promesse d'embauche, trois attestations de personnes affirmant qu'il a exercé ce métier, de manière sporadique, entre 2010 et 2013, et un diplôme de lycée technique obtenu en Turquie ; qu'enfin, il se prévaut de son adhésion au centre culturel franco-kurde ; qu'aucun de ces éléments ne démontre que son intégration en France est d'une particulière intensité ou qu'il y a désormais le centre de ses intérêts, l'intéressé ayant vécu trente-cinq en Turquie où se trouvent ses attaches familiales ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé doit également être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant que la mesure d'éloignement en litige, fondée sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1, expose les considérations de droit qui la fonde et accompagne un refus de titre de séjour suffisamment motivé en fait, comme il a été dit au point 2 ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit, dès lors, être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

11. Considérant qu'il ne résulte ni de la décision attaquée ni d'aucune pièce du dossier que la préfète du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle du requérant avant de prendre la décision en litige ;

12. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation personnelle et familiale doivent être écartés pour les raisons exposées au point 7 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant que la préfète du Pas-de-Calais a suffisamment motivé sa décision en mentionnant, outre les dispositions applicables, que M. D...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains en cas de retour en Turquie ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

15. Considérant qu'aucune des pièces produites au dossier ne permet de considérer que la préfète n'aurait pas procédé à un examen de la réalité des risques encourus en cas de retour en Turquie avant de prendre la décision en litige ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 13 que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

17. Considérant qu'en admettant même que M. D...ait été, comme il le soutient, le président de la branche jeunesse du parti HADEP, devenu par la suite le parti DTP- aujourd'hui le HOP - et ait subi, lors d'une garde à vue consécutive à une action militante lors de la célébration d'une fête Kurde, des tortures et des mauvais traitements, il ne produit aucun élément de nature à attester de l'actualité des craintes d'arrestation et de mauvais traitements dont il fait état en cas de retour en Turquie ; que le mandat d'arrêt de 2009, déjà produit devant la Cour nationale du droit d'asile, ne présente aucune garantie d'authenticité ; que, dans ces conditions, la préfète du Pas-de-Calais n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la décision en litige ;

18. Considérant que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes raisons ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2015 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA01832 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01832
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da01832 ?
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