La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2016 | FRANCE | N°16DA00645

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2016, 16DA00645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2015 du préfet du Pas-de-Calais lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1509760 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31

mars 2016 et le 30 juin 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2015 du préfet du Pas-de-Calais lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1509760 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2016 et le 30 juin 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 17 mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeB....

Elle soutient que :

- les violences conjugales ne sont pas établies ;

- l'intéressée ne justifie pas de son intégration sociale et professionnelle ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée ;

- la demande de titre de séjour n'était pas fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie ;

- aucune somme ne devait être mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2016, MmeB..., représentée par Me C...A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi des violences conjugales ;

- l'arrêté en litige méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle justifie d'une insertion professionnelle permettant son admission exceptionnelle au séjour ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante togolaise entrée en France le 12 novembre 2011 sous couvert d'un visa en qualité de conjoint d'un ressortissant français a bénéficié de titres de séjour délivrés sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a sollicité le renouvellement de ce titre le 12 août 2014 ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 octobre 2015 rejetant cette demande et obligeant l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement (...) " ;

3. Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre ; qu'il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies ;

4. Considérant qu'il est constant que Mme B...a informé les services de la préfecture du Pas-de-Calais, le 9 octobre 2014, qu'elle avait entamé une procédure de divorce en raison des violences conjugales qu'elle avait subies de la part de son époux et pour lesquelles elle a porté plainte le 14 août 2014 ; que, toutefois, il ressort d'un courriel du service d'aide aux victimes du commissariat de police de Calais du 29 mars 2016 que la plainte que Mme B...a déposée contre son conjoint désigné comme l'auteur des violences subies le 13 août 2014 a été classée sans suite en l'absence d'infraction caractérisée ; que Mme B...ne produit aucun autre document qui permette de corroborer ses déclarations quant à la réalité des violences subies ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 7 octobre 2015 refusant le renouvellement de son titre de séjour à Mme B...;

5. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par Mme B... devant la juridiction administrative ;

6. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeB..., qui a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français, aurait également présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ; que Mme B...ne peut dès lors utilement soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît ces dispositions ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que si Mme B...se prévaut de la présence en France de sa mère et d'une demi-soeur, elle n'est cependant pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son père, un demi-frère et deux demi-soeurs et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 35 ans avant son arrivée sur le territoire français en 2011 pour rejoindre son époux ; que si Mme B...fait également valoir qu'elle a le centre de ses intérêts privés et professionnels en France dès lors notamment qu'elle a entrepris une formation professionnelle de préparation au diplôme d'Etat d'aide médico psychologique et qu'elle a pu à ce titre bénéficier de contrats de travail à durée déterminée, il ressort des pièces du dossier que Mme B...n'a débuté sa formation professionnelle qu'au mois d'octobre 2014 et a conclu trois contrats de travail à durée déterminée pour une période totale de dix jours ; qu'ainsi, compte tenu de ces éléments, et en dépit d'efforts d'insertion professionnelle récents, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que Mme B...ne remplit pas les conditions pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit ; que, par suite, l'autorité préfectorale n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour préalablement à ses décisions ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 7 octobre 2015 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 octobre 2015 ; que,dès lors, les conclusions de Mme B...tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 mars 2016 est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme B...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... B....

Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FERAL

La présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

2

N°16DA00645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00645
Date de la décision : 20/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : BLANC MICHELE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-20;16da00645 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award