La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2016 | FRANCE | N°15DA00762

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2016, 15DA00762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 novembre 2011 par lequel le maire de Venizel (Aisne) l'a radiée des cadres pour abandon de poste, d'autre part, de faire injonction à la commune de Vénizel de la réintégrer dans ses fonctions avec reconstitution de carrière et reprise des droits sociaux.

Par un jugement n° 1200097 du 6 mars 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, MmeC..., représentée par Me B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 novembre 2011 par lequel le maire de Venizel (Aisne) l'a radiée des cadres pour abandon de poste, d'autre part, de faire injonction à la commune de Vénizel de la réintégrer dans ses fonctions avec reconstitution de carrière et reprise des droits sociaux.

Par un jugement n° 1200097 du 6 mars 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, MmeC..., représentée par Me B... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 6 mars 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de Vénizel du 10 novembre 2011 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Vénizel de la réintégrer dans ses fonctions avec reconstitution de carrière et reprise des droits sociaux ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vénizel une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la mise en demeure qui lui a été notifiée, d'une part, lui a imparti un délai trop bref pour reprendre ses fonctions, d'autre part, ne satisfaisait pas à l'exigence posée par l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la situation de harcèlement moral qu'elle avait à subir lui donnait un motif légitime pour se retirer du service ;

- elle ne pouvait sans erreur de fait, ni erreur de droit, être regardée comme se trouvant en situation d'abandon de poste, dès lors qu'elle avait fourni un arrêt de travail reposant sur des éléments nouveaux concernant son état de santé, par rapport à ceux constatés lors de la contre-visite médicale ;

- sa radiation des cadres est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2015, la commune de Vénizel, représentée par Me E...A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le vice purement formel affectant la mise en demeure préalable est demeuré sans incidence sur la régularité de la procédure suivie à l'égard de MmeC..., dès lors que l'auteur de cet acte préalable était pleinement identifiable et que le délai imparti à l'intéressée était suffisant ;

- l'intéressée a pu légalement et sans erreur de fait être regardée comme se trouvant en situation d'abandon de poste.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me E...A..., représentant la commune de Vénizel.

1. Considérant que Mme C...a été recrutée, à compter du 1er mars 2010, par la commune de Vénizel (Aisne), en qualité d'adjoint technique de 2ème classe stagiaire, et affectée aux services techniques communaux ; qu'ayant connu des difficultés de santé, elle a été placée à plusieurs reprises en position de congé de maladie ; que, par un arrêté du 13 avril 2011, le maire de Vénizel a décidé de proroger le stage probatoire de l'intéressée pour une durée de six mois à compter du 1er mars 2011 ; que, le 17 octobre 2011, une visite médicale de contrôle effectuée auprès de MmeC..., alors qu'elle était en arrêt de maladie, a abouti au constat que cet arrêt n'était pas médicalement justifié à compter du 20 octobre suivant ; que, dans ce contexte, le maire de Vénizel a adressé, le 7 novembre 2011, à Mme C...une mise en demeure d'avoir à reprendre ses fonctions, puis, par un arrêté du 10 novembre 2011, l'a radiée des cadres du personnel communal à compter du 12 novembre 2011 ; que Mme C...relève appel du jugement du 6 mars 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 10 novembre 2011, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction à la commune de Vénizel de la réintégrer dans ses fonctions avec reconstitution de carrière et reprise des droits sociaux ;

Sur la régularité de la mise en demeure préalable :

2. Considérant qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ; que l'obligation pour l'administration, dans la mise en demeure qu'elle doit préalablement adresser à l'agent, de lui impartir un délai approprié pour reprendre son poste ou rejoindre son service, constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste ;

3. Considérant qu'il résulte de l'examen de la mise en demeure adressée le 7 novembre 2011 et que Mme C...indique avoir reçue le lendemain, d'une part, que celle-ci impartissait à l'intéressée un délai expirant le 10 novembre 2011 pour reprendre son poste, sauf à encourir une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que ce délai présentait un caractère suffisant ; que, d'autre part, il résulte de l'examen des pièces versées au dossier que cette mise en demeure est revêtue de la signature du maire de la commune de Vénizel et non de celle du deuxième adjoint comme l'allègue MmeC... ; que cette signature est précédée de l'intitulé de la fonction du signataire et de la mention de son patronyme, accompagnée de l'initiale de son prénom ; que ces mentions étaient suffisantes à permettre une identification aisée de l'autorité signataire de cette mise en demeure par son destinataire ; que, par suite, elles satisfaisaient à la prescription posée par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en ce qui concerne l'identification des autorités administratives ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 10 novembre 2011 en litige aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur l'abandon de poste :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) " ;

5. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que le premier adjoint de la commune de Vénizel a adressé à MmeC..., le 19 juillet 2010, une lettre dans laquelle il lui a fait connaître son sentiment amoureux à son égard et si cette lettre, à laquelle Mme C...n'a souhaité donner aucune suite, a été de nature à déstabiliser l'intéressée et à rendre ses relations de travail plus difficiles avec cet adjoint, sous la responsabilité duquel les services techniques communaux étaient placés, il n'est pas établi par les seules pièces du dossier que les décisions successivement prises ensuite par le maire de la commune, dans le but de pratiquer des retraits sur le traitement de Mme C...et de proroger son stage probatoire, auraient eu d'autre objet que, d'une part, de tirer les conséquences de diverses absences irrégulières de MmeC..., qui n'a pas toujours adressé en temps utile les arrêts de travail qui lui avaient été délivrés, d'autre part, de lui laisser une occasion supplémentaire de faire ses preuves dans un contexte dans lequel ses nombreuses absences pour maladie avaient rendu difficile l'appréciation de sa manière de servir ; qu'ainsi, les éléments de fait avancés par Mme C...ne sont pas de nature à faire présumer qu'elle aurait pu être victime d'un harcèlement moral de la part de l'autorité territoriale ; qu'elle ne peut, dès lors, invoquer l'existence d'une situation qui pouvait légitimement justifier son retrait du service ;

7. Considérant que, si Mme C...a adressé à la commune de Vénizel, à la suite de la contre-visite effectuée à la demande de cette dernière le 17 octobre 2011, un nouvel arrêt de travail qui lui a été délivré par son médecin traitant le 21 octobre 2011, il ressort des pièces versées au dossier d'appel que la commune de Vénizel a fait effectuer, le 28 octobre 2011, une seconde visite de contrôle à l'issue de laquelle le médecin contrôleur a estimé que ce nouvel arrêt de travail, qui était sans rapport avec l'état de grossesse de l'intéressée, n'était pas médicalement justifié ; que, dans ces conditions, pour estimer que MmeC..., qui était informée des conclusions de ce contrôle et qui n'avait pas repris ses fonctions dans le délai imparti par la mise en demeure du 7 novembre 2011, devait être regardée, dès lors que son absence n'était pas justifiée, notamment pour des raisons médicales, comme ayant abandonné son poste et comme ayant rompu tout lien avec le service, le maire de Vénizel ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas donné à ces faits une qualification juridique erronée ;

8. Considérant, enfin, que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit au point 6, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 mars 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que par suite, les conclusions que Mme C...présente à fin d'injonction et au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MmeC..., sur le fondement des mêmes dispositions, une somme au titre des frais exposés par la commune de Vénizel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vénizel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la commune de Vénizel.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

1

2

N°15DA00762

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00762
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : LEFEVRE-FRANQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;15da00762 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award