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30/12/2016 | FRANCE | N°16DA00752

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2016, 16DA00752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 13 novembre 2015 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a ordonné son placement en rétention administrative et d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astrei

nte ;

Par un jugement n°1509326 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 13 novembre 2015 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a ordonné son placement en rétention administrative et d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte ;

Par un jugement n°1509326 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2016, M.C..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1509326 du 15 mars 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 novembre 2015 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de statuer à nouveau sur sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du préfet du Nord une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet du Nord, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit d'observations.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A...C..., ressortissant tunisien né le 1er mai 1978 à Tunis, a été interpellé par les services de police le 13 novembre 2015, sans être muni des documents exigés pour entrer ou séjourner en France ; qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police, être entré sur le territoire français deux semaines plus tôt, après avoir suivi des études en Italie et résider à Tourcoing avec sa compagne rencontrée en Italie ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du 13 novembre 2015 par lequel le préfet du Nord a prononcé à son encontre une obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il établit être légalement admissible et a ordonné son placement en rétention administrative ; que par une ordonnance du 18 novembre 2015, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lille a rejeté la demande de prolongation de la mesure de placement en rétention administrative du préfet du Nord ; que M. C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille, statuant en application du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2015 du préfet du Nord ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté du préfet du Nord du 13 novembre 2015, que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fondent les décisions en litige, de façon suffisamment circonstanciée pour permettre à M. C...de les discuter ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant sa situation personnelle, ces décisions sont suffisamment motivées ;

3. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que si M. C...fait valoir qu'il a résidé en Italie, à Turin, de 2008 à 2014, pour suivre des études d'ingénierie mécanique, et qu'il y a rencontré en 2014 sa compagne de nationalité française, MmeE..., qu'ils vivent chez la seconde épouse de son père et qu'ils envisagent de se marier, il n'établit pas par la seule production d'attestations d'hébergement et d'un document intitulé " dossier de mariage ", qui lui a été remis à la mairie de Tourcoing, postérieurement à l'arrêté du préfet, l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de leur relation ; que, si le requérant, qui a déclaré être entré en France deux semaines seulement avant son interpellation le 13 septembre 2015, fait aussi valoir que sa compagne, qui perçoit l'allocation aux adultes handicapés, souffre de crises d'épilepsie, il n'établit pas que sa présence auprès d'elle lui serait indispensable ; qu'il ne démontre pas davantage être isolé dans son pays d'origine, où réside sa mère ; que, dans ces conditions, la décision attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 5, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à M. C...un délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de laquelle elle a été prise doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré de lieu de résidence effective ou permanente (...). " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. C...voyageait avec un passeport en cours de validité, il ne peut être regardé comme ayant déclaré un lieu de résidence effective ou permanente dans la mesure où s'il a indiqué résider à Tourcoing, il n'a pas communiqué l'adresse de la personne chez laquelle il était hébergé ; qu'il entrait ainsi dans le champ des dispositions du f) du 3° de l'article L.511-1 précité ; qu'en tout état de cause, M. C...qui est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour entrait dans le champ d'application des dispositions du a) du 3° de l'article L. 511-1 précité ; que dès lors il n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet lui refusant un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M.C..., qui a indiqué aux services de police avoir récemment et provisoirement emménagé chez ses beaux-parents, dont il ne connaît pas l'adresse, n'a pas été en mesure de justifier d'un domicile stable en France ; que dans ces conditions, l'intéressé doit être regardé comme ne présentant pas les garanties de représentation propres à prévenir un risque de fuite ; que dès lors le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de le placer en rétention administrative le temps d'organiser son éloignement ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....

Copie sera en sera adressée, pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00752
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : LANCIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;16da00752 ?
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