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17/05/2018 | FRANCE | N°17DA01997

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 17 mai 2018, 17DA01997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1704053 du 15 juin 2017, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2017, Mme B...E...épouseD..., représentée par Me F...C...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de surseoir à statuer sur sa requête jusqu'à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1704053 du 15 juin 2017, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2017, Mme B...E...épouseD..., représentée par Me F...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de surseoir à statuer sur sa requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur sa nationalité française ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de dépôt d'une demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'exception de nationalité française :

1. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

2. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Aux termes de l'article 29 du même code : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire (...) ". Il résulte, en outre, de l'article 30 de ce code que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française.

3. Pour soutenir qu'elle aurait la nationalité française, Mme E...épouse D...se prévaut de sa filiation avec M. A...G...A...H..., né le 8 février 1832 et qui aurait été naturalisé français par décret. Toutefois, d'une part, aucune pièce versée au dossier, et notamment pas celle que l'appelante présente comme le décret de naturalisation, n'établit la nationalité française de M. A... G... A...H.... D'autre part et en tout état de cause, les pièces produites par l'intéressée pour démontrer sa filiation avec ce dernier, qu'elle présente comme son arrière-arrière grand-père, ne sont pas suffisamment probantes, eu égard notamment aux différences inexpliquées entre le nom patronymique de M. A...G...A...H...et celui des ascendants de l'appelante.

4. Au demeurant, alors que Mme E...épouse D...a déposé une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française le 3 octobre 2016 auprès du tribunal d'instance de Douai, elle n'indique pas à la cour, malgré l'invitation qui lui a été faite de produire cette décision, quelle réponse l'autorité judiciaire a apportée à cette demande.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 4 que Mme E...épouse D...n'apporte pas d'éléments soulevant une difficulté sérieuse au sujet de sa nationalité qui justifierait que soit saisie la juridiction judiciaire à titre préjudiciel.

Sur les autres moyens :

6. Aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...épouse D...a été convoquée au guichet de la préfecture du Nord le 12 décembre 2016 pour l'enregistrement de sa demande d'asile et s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile ainsi que les brochures d'information relatives à la " procédure Dublin " en langue française qu'elle a déclaré lire et comprendre. L'intéressée étant entrée sur le territoire français avec un visa délivré par les autorités portugaises, le préfet du Nord disposait de l'ensemble des informations nécessaires en vue de la détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile au sens du règlement du 26 juin 2013. Dès lors, il n'était pas tenu d'organiser l'entretien individuel prévu par les dispositions citées au point précédent. Mme E...épouse D...n'établit pas qu'elle aurait été privée, à l'occasion de l'enregistrement de cette demande d'asile, de la possibilité de fournir certaines informations pertinentes pour la détermination de l'Etat membre responsable de sa demande. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que les dispositions citées au point précédent auraient été méconnues.

8. Il ne ressort ni de la motivation de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de Mme E... épouse D...avant de décider son transfert aux autorités portugaises.

9. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. Mme E...épouseD..., qui ne justifie d'aucune attache privée ou familiale en France, n'établit pas que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions citées au point précédent.

11. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 : " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées ".

12. Il ressort de la décision attaquée que celle-ci comporte la mention des voies et délais de recours. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'elle a été notifiée à l'appelante le 19 avril 2017 à 14 heures avec un formulaire reprenant les informations utiles. Par suite, Mme E...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté décidant son transfert à destination du Portugal aurait été pris en méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 29 juin 2013. En tout état de cause, une telle omission n'entache pas par elle-même la légalité de la mesure d'éloignement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...épouse D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...épouseD..., au ministre de l'intérieur et à Me F...C....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°17DA01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01997
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : LEQUIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-05-17;17da01997 ?
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