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05/06/2018 | FRANCE | N°17DA00042

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 17DA00042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2014 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de l'officine de la pharmacie A...et autorisé ce transfert.

Par un jugement n° 1405697 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 17DA00311 du 15 mars 20

17, la cour a prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2014 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de l'officine de la pharmacie A...et autorisé ce transfert.

Par un jugement n° 1405697 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 17DA00311 du 15 mars 2017, la cour a prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 15 février 2017, la SELARL Pharmacie de la Marine, anciennement dénommée pharmacieA..., représentée par Me E...G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2016.

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique.

- l'arrêté du 21 mars 2000 du ministre de l'emploi et de la solidarité fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie.

- le code des relations entre le public et l'administration.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me H...D..., représentant la SELARL Pharmacie de la Marine.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 11 juillet 2014 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a, d'une part, annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de l'officine de la pharmacie A...et a, d'autre part, autorisé ce transfert, aux motifs qu'il ne répondait pas de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil au sens de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique et qu'il aurait pour effet d'éloigner géographiquement l'offre pharmaceutique de la population située au nord, à l'est et à l'ouest du quartier.

2. Aux termes de l'article L. 5125-14 code de la santé publique : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département ou vers toute autre commune de tout autre département (...) ". L'article L. 5125-3 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée.... L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.

4. La pharmacieA..., devenue SELARL Pharmacie de la Marine, initialement implantée au 11 rue de Rosamel à Etaples, dans le quartier ouest de la ville, a été transférée en 2015 au 4 rue du Port à une distance de 220 mètres de son ancien emplacement. Ce transfert, qui se situe dans le même quartier que celui d'origine, a permis une augmentation de la population nouvellement desservie, la fréquentation des personnes âgées de plus de soixante ans progressant de plus de 4,16 % en 2015 et de 13,99 % en 2016, ainsi que le justifie la requérante par les tableaux de fréquentation produits. Il a également permis de rapprocher l'officine d'une partie de la population située à l'ouest de la commune grâce à trois accès plus aisés débouchant sur la rue du Port, quartier qui ne dispose plus de commerces en raison de la destruction progressive du tissu économique de la commune. Ce transfert n'a compromis ni l'approvisionnement en médicaments de la population du quartier d'origine de l'officine de la pharmacie, ni celle résidente du quartier de destination de celle-ci et il permet de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil de cette officine. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 11 juillet 2014 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert demandé et autorisé celui-ci, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que le transfert envisagé ne répondait pas de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil et qu'il aurait pour effet d'éloigner géographiquement l'offre pharmaceutique de la population située au nord, à l'est et à l'ouest du quartier.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.

Sur l'intérêt à agir de M.B... :

6. Le transfert de l'officine de la société Pharmacie de la Marine doit s'effectuer au sein du même quartier de la commune d'Etaples où est située la pharmacie de M.B..., à 145 mètres de celle objet du litige. M. B...justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'autorisation de transfert du 11 juillet 2014 en litige.

Sur la compétence du signataire de la décision attaquée :

7. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'État et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ".

8. L'arrêté du 11 juillet 2014 contesté du ministre des affaires sociales et de la santé a été signé par Mme I...C..., adjointe au sous-directeur de la régulation de l'offre de soins. Par décret du 14 septembre 2012, publié au Journal officiel de la République française du 15 septembre 2012, M. J... a été nommé directeur général de l'offre de soins. Par arrêté du 15 juillet 2014, publié au Journal officiel de la République française du 18 juillet 2014, M. J..., directeur général de l'offre de soins, a donné délégation à MmeC..., adjointe au sous-directeur chargé de l'intérim, à l'effet de signer, au nom du ministre des affaires sociales et de la santé, tous les actes relevant de ses attributions, à l'exclusion des décrets, ainsi que le permet l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

9. Les décisions prises en application des dispositions précitées du code de la santé publique n'ont pas le caractère de décisions dérogatoires, au sens de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979, qui doivent être motivées. En tout état de cause, l'arrêté attaqué du 11 juillet 2014 vise les textes applicables, et notamment les articles L. 5125-3 à L. 5125-14 et R. 5125-1 à R. 5125-13 du code la santé publique et mentionne, notamment, que le transfert demandé s'opèrera au sein du même quartier, sur une distance de 220 mètres, que le nouveau local est accessible de l'ouest du quartier par différents itinéraires et permet un accès plus aisé pour la population desservie et que le transfert permettra de répondre de manière optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier concerné. Dès lors, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation manque en fait et doit être écarté.

10. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la société Pharmacie de la Marine a formé, contre l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de la pharmacie qu'elle demandait, qui comportait la mention des délais et voies de recours et qui lui a été notifié le 29 novembre 2013, le 8 janvier 2014, soit dans le délai de recours contentieux, un recours hiérarchique à l'encontre de cet arrêté. Ce recours ayant été reçu par le ministre de la santé à cette date, le silence gardé par celui-ci sur ce recours hiérarchique a fait naître le 8 mars suivant, en application de l'article R. 421-2 précité du code de justice administrative, une décision implicite de rejet de ce recours. Contrairement à ce que soutient M.B..., la naissance de cette décision implicite de rejet n'a pas eu pour effet de dessaisir le ministre de la santé du recours administratif dont il était saisi. Il a ainsi pu, par une décision expresse du 11 juillet 2014, annuler l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de l'officine de la pharmacie demandé et autoriser ce transfert. Cette décision implicite n'étant pas une décision créatrice de droits à l'égard des tiers dans la mesure où un refus d'autorisation de transfert a été opposé, M. B...n'est ainsi pas fondé à soutenir que le ministre ne pouvait procéder au retrait de celle-ci, le 11 juillet 2014, par la décision en litige. En tout état de cause, la société Pharmacie de la Marine n'ayant pas reçu, en réponse à son recours hiérarchique formé le 8 janvier 2014, un accusé de réception l'informant des voies et délais de recours dans l'éventualité d'une décision implicite de rejet de sa demande, à la date à laquelle le ministre a statué par sa décision du 11 juillet 2014, la décision implicite de rejet n'était pas devenue définitive et pouvait ainsi être retirée.

12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des écritures mêmes de M.B..., que celui-ci a été destinataire de l'entier dossier de demande de transfert de l'officine de la pharmacieA..., devenue Pharmacie de la Marine. Contrairement à ce que fait valoir M.B..., ce dossier a été déclaré complet le 19 juin 2013 par l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais au regard des dispositions de l'arrêté ministériel du 21 mars 2000 précité fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à ce dossier. En outre, M. A...justifie avoir déposé une déclaration de travaux en mairie et ne pas avoir effectué d'autres travaux nécessitant d'autres autorisations. Enfin, s'agissant du titre permettant l'occupation du local, il ressort des pièces du dossier que la demande de première instance fait état du bail dont M. A...est titulaire. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de transfert doit être écarté comme manquant en fait.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie de la Marine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 11 juillet 2014 par lequel la ministre des affaires sociales et de la santé a annulé l'arrêté du 18 octobre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant le transfert de l'officine de la pharmacie A...et autorisé ce transfert. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B...le versement à la SELARL Pharmacie de la Marine d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405697 du 16 décembre 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : M. B...versera à la SELARL Pharmacie de la Marine une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie de la Marine, au ministre des solidarités et de la santé et à M. F...B....

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

5

N°17DA00042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00042
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Sursis à statuer.

Professions - charges et offices - Conditions d'exercice des professions - Pharmaciens - Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP CHRISTOPHE PEREIRE - NICOLAS CHAIGNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-05;17da00042 ?
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