La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/07/2018 | FRANCE | N°17DA01659

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 30 juillet 2018, 17DA01659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2015 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1503385 du 15 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 14 août 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2017 du

tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant ce tribunal ;

---------...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2015 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1503385 du 15 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 14 août 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant ce tribunal ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. H...D..., surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Compiègne, a fait l'objet d'un arrêté du 17 septembre 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille lui infligeant un blâme. Il lui a été reproché, d'une part, d'avoir pris le 24 juillet 2013 l'initiative d'une intervention sur un détenu, alors que celui-ci était déjà maitrisé par ses collègues, provoquant ainsi le déséquilibre de l'ensemble de l'équipe d'intervention et sa propre chute, d'autre part, d'avoir insulté et menacé un collègue le 9 décembre 2014. La garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination./Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté./L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement ; le blâme (...) Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période (...).

3. Il ressort des pièces du dossier, que le 24 juillet 2013, suite au déclenchement de l'alarme de la prison, M. D...est intervenu alors que quatre de ses collègues s'efforçaient de maitriser un détenu pour lui faire réintégrer sa cellule. Leurs différents témoignages ne permettent pas d'établir si, au moment de l'intervention de M.D..., le détenu était déjà au sol et menotté ou si cette action était seulement en cours. M. D...affirme être intervenu en attrapant le détenu par les jambes pour le faire tomber au sol. Son geste aurait, ainsi, déséquilibré l'équipe d'intervention. En admettant même que l'intervention de M.D..., destinée à venir en aide à ses collègues, ait été menée de manière maladroite ou à contretemps, ces faits intervenus dans le cadre d'une situation d'urgence ne peuvent être qualifiés de faute disciplinaire. Ils ne peuvent, par suite, fonder une sanction disciplinaire.

4. Toutefois, il ressort aussi des pièces du dossier et particulièrement de trois attestations de MM. E...B..., F...G...et A...C..., surveillants pénitentiaires à la maison d'arrêt de Compiègne que, le 9 décembre 2014, à l'occasion d'une réunion relative à la fermeture de la maison d'arrêt de Compiègne, M. D...a grossièrement insulté M.B.... Même si M. D...soutient qu'il a été provoqué par ce fonctionnaire, les injures qu'il a proférées sont de nature à fonder une sanction disciplinaire. Le fait que M. D...était en congé de longue maladie au moment où il a commis les faits qui ont entraîné l'engagement d'une action disciplinaire à son encontre, ne le soustrayait pas non plus aux obligations incombant à tout fonctionnaire en activité et ne faisait, ainsi, pas obstacle à la poursuite de la procédure dont il a été l'objet. La garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'avait pas produit de mémoire en première instance, est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 17 septembre 2015, au motif de l'inexactitude matérielle des faits.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. D...tant en première instance qu'en appel.

6. L'arrêté du 17 septembre 2015 vise les textes sur lesquels il se fonde et mentionne les faits reprochés à M.D.... Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cette décision doit être écarté, sans que M. D...puisse sérieusement soutenir que cet arrêté devrait également faire état de sa contestation de ces faits.

7. A la date de la décision contestée, aucun texte n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire. Il appartient cependant à l'autorité responsable, sauf à méconnaître un principe général du droit disciplinaire, de respecter un délai raisonnable entre le moment où elle a connaissance de faits commis par son agent, susceptibles de donner lieu à sanction disciplinaire, et le moment où elle décide de lui infliger une telle sanction. Les faits reprochés à M. D...se sont déroulés le 9 décembre 2014 et l'action disciplinaire a été mise en oeuvre dès le 16 mars 2015. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que ce délai de trois mois ne serait pas raisonnable.

8. Aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires mentionné au point 2, les sanctions disciplinaires du premier groupe, dont fait partie le blâme, sont prononcées sans intervention du conseil de discipline.. M. D... ne peut, dès lors, utilement soutenir que la sanction prononcée à son encontre aurait dû l'être après l'avis du conseil de discipline.

9. En infligeant à M.D..., pour les seuls faits intervenus le 9 décembre 2014 la sanction du blâme, sanction du premier groupe effacée au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue durant cette période, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille n'a pas infligé une sanction disproportionnée par rapport à la faute commise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 15 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 17 septembre 2015. M. D...étant partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. H...D....

Copie sera adressée, pour information, à la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille.

1

2

N°17DA01659

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01659
Date de la décision : 30/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEFEVRE-FRANQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-07-30;17da01659 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award