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13/12/2018 | FRANCE | N°16DA02285

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16DA02285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI 30 rue de Thionville a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite du 8 octobre 2012 par laquelle le préfet du Nord ne s'est pas opposé à la déclaration préalable à la surélévation d'un mur de clôture entourant un terrain militaire.

Par un jugement n° 1400682 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2016 et des m

émoires, enregistrés le 23 février 2018 et le 4 avril 2018, la SCI 30 rue de Thionville, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI 30 rue de Thionville a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite du 8 octobre 2012 par laquelle le préfet du Nord ne s'est pas opposé à la déclaration préalable à la surélévation d'un mur de clôture entourant un terrain militaire.

Par un jugement n° 1400682 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2016 et des mémoires, enregistrés le 23 février 2018 et le 4 avril 2018, la SCI 30 rue de Thionville, représentée par la SCP Marchal et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d'enjoindre à l'ESID Metz-USID Lille de procéder à l'enlèvement de la clôture dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'ESID Metz-USID Lille la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme et elle aurait dû être prise de façon expresse compte tenu de la prescription de l'architecte des bâtiments de France ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article UAc11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet ne peut être accordé en application des dispositions de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme relatif aux dérogations et adaptations mineures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 mars 2018 et 19 avril 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI 30 rue de Thionville de la somme de 2 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 août 2012, l'unité de soutien de l'infrastructure de défense de Lille, rattachée à l'établissement du service d'infrastructure de la défense de Metz (ESID Metz - USID Lille), a déposé en mairie de Lille une déclaration préalable en vue de la pose d'un grillage surmonté de fils barbelés sur des murs d'enceinte préexistants, mesurant six mètres de haut, de la caserne Kléber située rue du Pont Neuf à Lille. Le 20 août 2012, le préfet du Nord a informé l'USID de Lille de ce que les travaux, étant localisés au sein du périmètre de plusieurs immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, devaient faire l'objet d'un accord de l'architecte des bâtiments de France et que le délai d'instruction de sa demande était porté à deux mois. Le 14 septembre 2012, l'architecte des bâtiments de France a émis un favorable sur le projet. Une décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable est intervenue le 8 octobre 2012. La SCI 30 rue de Thionville relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Par le point 8 de leur jugement, et en estimant notamment que le projet en litige consistait à empêcher toute intrusion sur un terrain militaire et répondait ainsi à l'exception prévue par l'article UAc11, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UAc11 du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et serait dès lors irrégulier, doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable :

4. L'article 44 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements précise que les chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. L'article 1 du décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 indique que les directions départementales interministérielles sont des services déconcentrées de l'Etat.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 24 octobre 2011, publié au recueil des actes de la préfecture du Nord le 24 novembre 2011, le préfet du Nord a donné délégation de signature à M. A..., directeur au sein de la direction interministérielle départementale des territoires et de la mer Nord, pour prendre toute décision, " sauf dans les cas suivants : - projets réalisés pour le compte de l'Etat, et de ses établissements publics ou de ses concessionnaires, ainsi que pour le compte d'un Etat étranger ou d'une organisation internationale dont la surface hors oeuvre nette (SHON) est supérieure à 1000 m² (...) ". Par un arrêté du 19 juillet 2012, publié au recueil des actes de la préfecture du Nord le 26 juillet 2012, M. A... a donné subdélégation de signature à M. B..., adjoint au responsable de la délégation territoriale de Lille, à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux projets réalisés pour le compte de l'Etat dont la SHON est inférieure à 1 000 m². Dans ces conditions et alors que les travaux en cause n'emportent pas création de surface, le directeur départemental des territoires et de la mer a régulièrement pu donner délégation à M. B...aux fins de prendre la décision de non opposition du 8 octobre 2012. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ce dernier pour prendre la décision attaquée doit, en tout état de cause, être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Il en est de même lorsqu'elle (...) comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". Aux termes de l'article R. 424-5 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée. Il en est de même lorsqu'une dérogation ou une adaptation mineure est accordée ". Aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation (...) ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'autorisation accordée ne l'a pas été en vertu d'une dérogation ou d'une adaptation mineure au plan local d'urbanisme. D'autre part, si l'architecte des bâtiments de France a indiqué dans son avis du 14 septembre 2012 que toutes les précautions devaient être prises pour que les dispositifs et leur mise en oeuvre n'altèrent pas les fonds voisins, cette précision ne peut être regardée comme une prescription au sens de l'article R 424-5 précité mais constitue en l'espèce un rappel que ce que les autorisations d'urbanisme sont délivrées sous réserve des droits des tiers. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de non-opposition , laquelle n'aurait dû intervenir que de façon expresse selon la requérante, ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. / (...) ".

9. L'article 11 UAc du règlement du plan local d'urbanisme de Lille dispose que : "(...) Dans tous les cas / (...) / Les barbelés visibles de l'extérieur pour les clôtures sur rue et en limites séparatives sont interdits sauf en cas de besoins particuliers liés à la nature de l'occupation du terrain / (...) / Traitement des clôtures en limites séparatives autres que celles évoquées au paragraphe ci-dessus (dans la profondeur de recul ou de retrait), (...) ne peuvent dépasser 3,20 mètres de hauteur. / Les clôtures supérieures à cette hauteur ne sont autorisées que lorsqu'elles répondent ou au caractère des constructions édifiées sur l'unité foncière ou à une utilité tenant à la nature de l'occupation / (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la pose d'un grillage surmonté de fils barbelés sur des murs d'enceinte préexistants de six mètres de haut. Compte tenu de la nature de l'occupation du terrain qui accueille des installations militaires et des impératifs de sécurité qui en découlent, la pose de barbelés sur une clôture de 6 mètres de haut envisagée par le projet en litige doit être regardée comme répondant à un besoin particulier ainsi qu'à une utilité tenant à la nature de l'occupation du terrain au sens des dispositions de l'article UAc11 visées au point précédent. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'en ne s'opposant pas à la déclaration préalable contestée, le préfet du Nord a méconnu les dispositions de l'article UAc 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10, que, le projet ne méconnaissant pas les dispositions de l'article UAc11 du règlement du plan local d'urbanisme, le préfet du Nord n'avait pas à l'autoriser au bénéfice d'une dérogation ou d'une adaptation mineure à cette règle. Le moyen tiré de ce que le projet aurait été autorisé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme doit ainsi être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre des armées, que la SCI 30 rue de Thionville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige d'appel :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI 30 rue de Thionville demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SCI 30 rue de Thionville le paiement de la somme que réclame le ministre des armées au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI 30 rue de Thionville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre des armées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI 30 rue de Thionville, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre des armées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02285
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP MARCHAL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-13;16da02285 ?
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