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28/02/2019 | FRANCE | N°18DA02095

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 28 février 2019, 18DA02095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802027 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 27 avril 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 18 octobre 2018, et un mémoire, enregistré le 11 décembre 2018, le préfet de la Somme dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de la Somme a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802027 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 27 avril 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2018, et un mémoire, enregistré le 11 décembre 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

2. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers.

3. M. A..., ressortissant guinéen, né le 30 septembre 1984, déclare être entré sur le territoire français le 5 mai 2015. Le 19 mai 2016, il a reconnu une enfant née le 29 juin suivant et qui a obtenu, le 8 août 2017, le statut de réfugiée. Le préfet soutient que cette reconnaissance de paternité présente les caractéristiques d'une fraude qu'il a d'ailleurs signalée au procureur le 25 juillet 2018, soit postérieurement à l'arrêté attaqué. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'administration, l'intimé justifie suffisamment de sa présence en France à la date de la conception de sa fille par la production de plusieurs attestations rédigées par des membres de diverses associations qui font état de sa participation à leurs activités dès juillet 2015. La circonstance que M. A... n'aurait jamais cohabité avec la mère de son enfant ou l'absence de démarche administrative pour régulariser sa situation sur le territoire français avant 2016 ne suffisent pas à démontrer que la reconnaissance de paternité effectuée par M. A... serait frauduleuse. Ce dernier a d'ailleurs indiqué, par une lettre adressée au procureur de la République, accepter de se soumettre à un test de paternité si des poursuites étaient engagées contre lui. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Somme ne justifie pas de ce que la reconnaissance de paternité a été frauduleusement souscrite par M. A... dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour.

4. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de plusieurs attestations rédigées par des médecins, par le service de protection maternelle et infantile de la Somme et par le directeur de la crèche où était inscrite la fille de M. A..., que celui-ci s'est régulièrement occupé de sa fille depuis la naissance jusqu'au départ de celle-ci avec sa mère dans une autre ville. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation de la médiatrice sociale en charge du suivi du couple et de leur enfant depuis la fin de l'année 2016 que ce départ est intervenu à l'initiative de la mère de l'enfant qui a décidé de quitter la ville de résidence de M. A... sans l'en avertir, celui-ci ayant effectué plusieurs démarches pour voir rétablir ses droits parentaux afin de maintenir la relation avec sa fille. Par suite, compte-tenu des liens existants entre l'intéressé et sa fille, bénéficiaire du statut de réfugiée et de la contribution que M. A... entend apporter comme il l'a fait depuis sa naissance, à l'éducation de sa fille, le préfet de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que sa décision affectait de manière suffisamment directe et certaine, la situation de la fille de M. A... et était intervenue en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 27 avril 2018 et lui a fait injonction de délivrer un titre de séjour à M. A....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui rejette la requête d'appel formée par le préfet de la Somme contre le jugement annulant son refus de titre de séjour et lui enjoignant de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées en cause d'appel par M. A... doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

N°18DA02095 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 18DA02095
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-28;18da02095 ?
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