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28/03/2019 | FRANCE | N°17DA01527

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 28 mars 2019, 17DA01527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pascal TP a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Aubigny-au-Bac à lui verser une somme de 30 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304447 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, la société Pascal TP, représentée par la SCP Sav

oye et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pascal TP a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Aubigny-au-Bac à lui verser une somme de 30 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304447 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, la société Pascal TP, représentée par la SCP Savoye et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Aubigny-au-Bac à lui verser une somme de 20 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubigny-au-Bac la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me D...F..., représentant la société Pascal TP et de Me B...E...représentant la commune d'Aubigny-au-Bac.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public Voies navigables de France (VNF) a envisagé la conclusion, avec la société Pascal TP, d'une convention d'occupation temporaire d'un hangar situé sur le territoire de la commune d'Aubigny-au-Bac. Il n'est pas contesté que, dans l'attente de la signature de cette convention, VNF a autorisé la société Pascal TP, à compter de mars 2009, à entreposer dans ce hangar ses matériels de chantier. Par un arrêté du 4 mars 2009, le maire de la commune d'Aubigny-au-Bac a interdit, d'une part, la circulation des poids lourds de plus de 3,5 tonnes sur les rues Jeanne Claire et Léo Lagrange, sauf pour les livraisons, pour le ramassage des déchets, et en réservant la possibilité d'accorder des dérogations à cette interdiction et, d'autre part, le stationnement de ces mêmes poids lourds sur l'ensemble du territoire de la commune. Cette interdiction de circulation a fait obstacle à ce que les véhicules de chantier appartenant à la société Pascal TP accèdent au hangar, desservi par ces deux seules voies. Par une lettre du 8 juillet 2009, VNF a informé la société Pascal TP de ce que, en raison notamment de cet arrêté du 4 mars 2009, la convention d'occupation temporaire ne serait pas conclue, en invitant cette société à libérer le hangar au plus tard le 15 août 2009. La société Pascal TP relève appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aubigny-au-Bac à l'indemniser des conséquences dommageables résultant de l'illégalité de cet arrêté du 4 mars 2009.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans ses écritures de première instance, la société Pascal TP a soutenu que la commune d'Aubigny-au-Bac avait commis une faute en édictant l'arrêté du 4 mars 2009 et demandé, au titre des conséquences dommageables en lien avec cette faute, une indemnisation à hauteur de 10 000 euros au titre de la perte de chance de conclure la convention d'occupation temporaire, de 2 000 euros au titre des aménagements réalisés en vain au sein du hangar, de 1 200 euros au titre des frais exposés dans l'instance par laquelle VNF a déféré devant le tribunal administratif de Lille M. C... A..., gérant de la société Pascal TP, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A..., de 2 000 euros au titre des surcoûts liés à la nécessité d'entreposer ailleurs son matériel et ses engins de chantier, et de 10 000 euros au titre de la perte de chantiers, de l'augmentation du coût des allers-retours de la grue de chantier et de la perte de la cave à fioul, soit un total de 32 200 euros.

3. Les premiers juges ont d'abord admis l'existence d'une faute commise par la commune d'Aubigny-au-Bac, tenant à l'illégalité entachant l'arrêté du 4 mars 2009, précédemment annulé par un jugement n° 0904489 du 27 janvier 2011 du tribunal administratif du Lille aux motifs qu'aucun risque pour la sécurité des usagers n'était justifié et que l'état de la chaussée de la rue Léo Lagrange ne justifiait pas davantage une interdiction de circulation des poids lourds de plus de 3,5 tonnes.

4. Les premiers juges ont ensuite refusé d'indemniser les " différents préjudices financiers et matériels [que la société Pascal TP] aurait subis en raison de son éviction du hangar appartenant à VNF ", au motif que cet établissement public " pouvait à tout moment faire cesser cette occupation " et que " le refus de renouveler le titre juridique l'autorisant à occuper privativement une dépendance du domaine public ne peut ouvrir, au bénéfice de la société requérante, aucun droit à indemnité ". Ils ont également refusé d'indemniser le préjudice tenant à " la perte de chance sérieuse d'obtenir la "réitération" de l'autorisation d'occuper le hangar appartenant à VNF sous la forme d'une convention d'occupation temporaire du domaine public " au motif que la société Pascal TP ne pouvait se prévaloir d'une telle perte de chance, le renoncement de VNF à conclure une telle convention avec la société Pascal TP trouvant sa cause " non seulement dans l'édiction de l'arrêté litigieux du 4 mars 2009, mais également dans la circonstance que l'utilisation faite par la requérante de ce hangar, en particulier l'installation d'une cuve à fioul, contrevenait à la règlementation municipale interdisant tout stockage de produits polluants dans le périmètre du hangar, en raison de la présence d'un captage d'eau potable à proximité ".

5. Ces motifs du jugement révèlent que les premiers juges ont refusé l'indemnisation de tous les préjudices allégués en lien avec l'impossibilité pour la société Pascal TP d'utiliser le hangar, en dépit de l'illégalité préalablement constatée de l'arrêté du 4 mars 2009. La société Pascal TP, à supposer qu'elle ait entendu soulevé un tel moyen d'irrégularité du jugement, n'est ainsi pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur la partie de ses conclusions indemnitaires portant spécifiquement sur les préjudices qu'elle aurait subis, en lien direct et certain avec cette illégalité, du fait de l'impossibilité d'utiliser ce hangar au titre de la période pendant laquelle VNF le lui avait mis à disposition, alors d'ailleurs que ses écritures de première instance ne comportaient aucune mention spécifique de ces préjudices.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la faute :

6. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle un maire interdit illégalement, sur certaines voies communales, la circulation de certaines catégories de véhicules constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, au nom de laquelle cette décision a été prise, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi.

7. L'arrêté du 4 mars 2009, par lequel le maire d'Aubigny-au-Bac a notamment interdit la circulation des poids lourds de plus de 3,5 tonnes sur les rues Jeanne Claire et Léo Lagrange, a été annulé, ainsi qu'il a déjà été dit au point 3, par un jugement du tribunal administratif de Lille du 27 janvier 2011, devenu définitif. La commune d'Aubigny-au-Bac a donc commis une faute.

En ce qui concerne les préjudices liés à l'impossibilité d'utiliser le hangar pendant la période au cours de laquelle il avait été mis à disposition de la société Pascal TP, dans l'attente de la conclusion d'une convention d'occupation temporaire :

S'agissant des frais d'aménagement du hangar :

8. La seule production de deux devis ne permet pas, à elle seule, d'établir que la société Pascal TP aurait effectivement engagé des frais pour l'installation dans le hangar d'une cuve à fioul et d'un système électrique. En tout état de cause, à supposer établies ces dépenses, la société Pascal TP a fait le choix d'aménager le hangar sans attendre la conclusion avec VNF d'une convention d'occupation temporaire, et sans avoir l'assurance que cette convention serait conclue. Par suite, l'illégalité fautive imputable à la commune d'Aubigny-au-Bac ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec le préjudice tenant à ces frais qui auraient été exposés inutilement.

S'agissant du trouble dans les conditions d'existence :

9. La société Pascal TP n'est pas fondée à demander pour son propre compte une indemnisation au titre du trouble dans les conditions d'existence qu'aurait subi son gérant, M. A..., du fait des difficultés à trouver un autre local, un tel préjudice présentant un caractère personnel, seulement susceptible d'ouvrir un droit à réparation pour l'intéressé.

S'agissant des frais liés aux dégradations subies par le matériel et les engins de chantier :

10. A supposer établis les actes de vandalisme qui auraient endommagé son matériel et ses engins de chantier, la société appelante n'établit pas qu'ils auraient été commis pendant la période au cours de laquelle VNF avait mis à sa disposition le hangar dans l'attente de la conclusion d'une convention d'occupation temporaire, ni que ces actes n'auraient pas été commis si elle avait pu utiliser ce hangar durant cette période. La société Pascal TP n'apporte ainsi aucun commencement de preuve du lien de causalité entre ces préjudices et l'illégalité de l'arrêté du 4 mars 2009. L'appelante n'établissant pas non plus que son assureur n'aurait pas déjà pris en charge les coûts de réparation, alors que la mention " payer directement par l'assurance en HT " figure sur l'une des factures qu'elle produit, la réalité du préjudice n'est pas davantage démontrée.

S'agissant du manque à gagner et les surcoûts en carburant :

11. Si la société Pascal TP soutient que le coût de transfert de sa grue s'est trouvé majoré par suite de l'impossibilité d'utiliser le hangar, et qu'elle a de ce fait perdu plusieurs contrats, elle se borne à produire une seule attestation, rédigée par la gérante d'une autre société, et selon laquelle cette dernière aurait renoncé à louer à la société Pascal TP un matériel de chantier du fait du surcoût important des transferts. En l'absence de tout autre élément établissant la réalité des pourparlers et leur rupture liée au seul surcoût du prix de location de la grue résultant de ce qu'elle ne pouvait être stockée dans le hangar, cette seule attestation, dans les termes peu circonstanciés dans lesquels elle est rédigée, ne suffit à établir ni la réalité du manque à gagner allégué, ni, à le supposer établi, le lien de causalité direct et certain avec l'arrêté du 4 mars 2009. La réalité des surcoûts en carburant comme celle des surcoûts liés à l'allongement des allers et retours, n'est pas plus établie. Les conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices liés à l'impossibilité d'utiliser le hangar dans le cadre d'une convention d'occupation temporaire :

12. Il a déjà été dit que le choix de VNF de ne pas conclure avec la société Pascal TP une convention pour l'occupation temporaire du hangar était également fondé sur le motif, non contesté ni en première instance ni en appel, tiré ce que l'utilisation faite par la société de ce hangar, en particulier l'installation d'une cuve à fioul, contrevenait à la règlementation municipale interdisant tout stockage de produits polluants dans le périmètre du hangar, en raison de la présence d'un captage d'eau potable à proximité. Ce refus de conclure cette convention ne constituant pas la conséquence directe de l'arrêté du 4 mars 2009, les préjudices qu'aurait subis la société Pascal TP du fait de l'impossibilité d'utiliser ce hangar dans un cadre contractuel, et notamment les frais liés à la condamnation prononcée à l'encontre M. A...pour contravention de grande voirie, ne peuvent pas plus être regardés comme la conséquence de l'illégalité de cet arrêté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pascal TP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais du procès :

14. Les conclusions de la société Pascal TP, partie perdante dans la présente instance, présentées au titre des frais du procès, ne peuvent qu'être rejetées.

15. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pascal TP une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Aubigny-au-Bac au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Pascal TP est rejetée.

Article 2 : La société Pascal TP versera à la commune d'Aubigny-au-Bac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pascal TP et à la commune d'Aubigny-au-Bac.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA01527
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-28;17da01527 ?
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