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06/05/2019 | FRANCE | N°18DA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 06 mai 2019, 18DA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités norvégiennes.

Par un jugement n° 1808456 du 15 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2018, M.D..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 18 septembre 2018 ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités norvégiennes.

Par un jugement n° 1808456 du 15 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2018, M.D..., représenté par Me E...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 18 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant iranien né le 23 juillet 1986, a sollicité auprès du préfet du Nord le 11 juin 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait été identifié en Norvège le 14 octobre 2015. Le préfet du Nord a saisi, le 14 juin 2018, les autorités norvégiennes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord explicite le 18 juin 2018. Par un jugement du 13 août 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 juillet 2018 du préfet ordonnant le transfert de M. D...aux autorités norvégiennes. Par un nouvel arrêté du 18 septembre 2018, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités norvégiennes. M. D... relève appel du jugement du 15 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 18 septembre 2018.

2. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 25 juillet 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département n° 165 du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A... F..., attachée d'administration de l'Etat, adjointe au chef du bureau de l'asile, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en particulier, la décision contestée. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse, qui manque en fait, doit donc être écarté.

3. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

4. En l'absence d'élément contraire apporté par M. D..., qui en outre ne conteste pas avoir déclaré comprendre et lire le farsi, le préfet du Nord établit, par la production de la première page des brochures communes signée par l'intéressé, lui avoir remis dans une langue qu'il comprend l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été reçu personnellement, le 11 juin 2018, par un agent de la préfecture, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien. Il ressort du même document que l'entretien s'est déroulé avec l'assistance téléphonique d'un interprète en langue persan, que l'intéressé avait déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'entretien individuel n'a pas été mené conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

8. M. D...soutient qu'il risque d'être renvoyé en Iran en cas de transfert, les autorités norvégiennes ayant définitivement rejeté sa demande d'asile. Toutefois, l'intéressé, qui n'établit pas la réalité des risques qu'il encourt, ne verse au dossier aucun élément tendant à établir qu'il aurait fait l'objet, en Norvège, d'une décision d'éloignement vers son pays d'origine dont l'exécution serait inévitable. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de transfert aux autorités norvégiennes serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants.

10. M. D...ne peut utilement faire valoir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour ultérieur en Iran, à l'encontre de la décision litigieuse, qui ne prononce pas son éloignement vers ce pays mais son transfert aux autorités norvégiennes. Si la Norvège a accepté de reprendre en charge M. D...sur son territoire sur le fondement du d) du premier paragraphe de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, qui prévoit la reprise en charge après le rejet d'une demande d'asile, il n'est pas allégué que les autorités de cet Etat n'auraient pas procédé à un examen sérieux et attentif de cette demande. En outre, il ne ressort, des pièces du dossier, ni que l'intéressé ferait l'objet, de la part des autorités norvégiennes, d'une mesure d'éloignement à destination de l'Iran, ni que, en pareil cas, il ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure, ni enfin, en tout état de cause, que les autorités norvégiennes n'évalueront pas, avant l'exécution d'une telle mesure, les risques réels et actuels de mauvais traitements qui naîtraient pour lui du fait de son éventuel retour en Iran. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

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N°18DA02320

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA02320
Date de la décision : 06/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LANCIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-06;18da02320 ?
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