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06/06/2019 | FRANCE | N°17DA00084

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17DA00084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Flandres Plomberie a demandé au tribunal administratif de Lille d'" annuler l'attribution à la société Missenard Quint B du lot n° 5 du marché public de travaux de réhabilitation du village de formation par la chambre du commerce et d'industrie de la Côte d'Opale ".

Par une ordonnance n° 1605405 du 2 décembre 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
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Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, et des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Flandres Plomberie a demandé au tribunal administratif de Lille d'" annuler l'attribution à la société Missenard Quint B du lot n° 5 du marché public de travaux de réhabilitation du village de formation par la chambre du commerce et d'industrie de la Côte d'Opale ".

Par une ordonnance n° 1605405 du 2 décembre 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, et des mémoires, enregistrés les 26 et 28 juin 2017, la SARL Flandres Plomberie, représentée par la SCP Mougel-Brouwer, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler " l'attribution à la société Missenard Quint B du lot n° 5 " de ce marché ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Côte d'Opale la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 8 février 2016, la CCI de la Côte d'Opale a lancé une procédure adaptée sur le fondement de l'article 28 du code des marchés publics ayant pour objet des travaux de réhabilitation d'un ensemble immobilier dénommé " village de formation ", situé avenue de la Gironde - avenue de Petite Synthe à Dunkerque. Le lot n° 5, correspondant aux travaux de chauffage, de ventilation, et d'équipement pour l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, a été attribué à la société Missenard Quint B. La SARL Flandres Plomberie relève appel de l'ordonnance n° 1605405 du 2 décembre 2016 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de ce contrat.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. La requête tend expressément à l'annulation de l'ordonnance du 2 décembre 2016 et soulève à ce titre deux moyens tirés de l'irrégularité de celle-ci. Par ailleurs, la société doit être regardée comme réitérant sa demande contestant la validité du marché attribué à la société Missenard Quint B. L'intimée n'est ainsi pas fondée à soutenir que, faute d'indiquer le fondement de la demande et de comporter de conclusions formulées de façon précise, cette requête de la SARL Flandres Plomberie serait irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance :

3. Par sa décision d'Assemblée du 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a défini un nouveau recours de pleine juridiction permettant à tout concurrent évincé à la conclusion du contrat de contester la validité de celui-ci ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti le cas échéant de conclusions indemnitaires, et a précisé le régime de ce nouveau recours. Par sa décision d'Assemblée du 4 avril 2014 dite Département de Tarn-et-Garonne, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a notamment élargi le champ de ce nouveau recours à tout tiers susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation de ce contrat ou ses clauses.

4. La demande présentée par la SARL Flandres Plomberie devant le tribunal administratif de Lille tendait à faire " annuler l'attribution à la société Missenard Quint B du lot n° 5 du marché public de travaux de réhabilitation du village de formation par la chambre du commerce et d'industrie de la Côte d'Opale ". Cependant, la SARL Flandres Plomberie avait, dans cette demande, soutenu que " le choix de l'entreprise titulaire du marché par la CCI de la Côte d'Opale repose sur une erreur de fait (...). Le marché attribué à une société concurrente devra par conséquent être purement et simplement annulé, en vertu des jurisprudences Société Tropic Travaux Signalisation (...) et Département de Tarn-et-Garonne (...) ". En dépit de formules ambigües se référant à " la légalité externe de la décision contestée ", la SARL Flandres Plomberie devait ainsi, eu égard à l'ensemble de ces écritures, et en particulier à la référence ainsi faite à ces décisions du Conseil d'Etat, dont la portée a été rappelée au point 3, être regardée comme présentant un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat par lequel le lot n° 5 a été attribué à la société Missenard Quint B.

5. La SARL Flandres Plomberie est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que sa demande a été regardée comme " ne relevant pas de l'office du juge du contrat " et rejetée comme irrecevable pour ce motif. Elle est par suite fondée, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité soulevé par elle, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Flandres Plomberie devant le tribunal administratif de Lille.

Sur le bien-fondé de la demande :

7. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernés, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

8. La circonstance alléguée que l'avis d'attribution n'a fait l'objet d'aucune publication ne constitue pas un manquement aux règles applicables à la passation du contrat en rapport avec l'éviction de la SARL Flandres Plomberie. Le moyen tiré de ce manquement est par suite inopérant.

9. Les offres ont été appréciées au regard de deux critères, le premier tenant à leur prix (70 %) et le second à leur valeur technique (30 %), elle-même décomposée en trois sous-critères affectés chacun de 10 points : 1) méthodologie utilisée pour réaliser les prestations et ouvrages du marché, et modalités d'organisation au regard des spécificités de l'intervention, 2) moyens humains et matériels mis à disposition sur le chantier, 3) délais d'exécution.

10. Dans la lettre du 23 juin 2016 adressée par la chambre de commerce et d'industrie à la SARL Flandres Plomberie pour l'informer des motifs de rejet de son offre, il est indiqué, à propos du deuxième sous-critère, pour lequel cette société a obtenu une note de 8/10, que " l'aspect continuité du chantier pendant la période estivale n'est pas évoquée ". Cependant, après que la SARL Flandres Plomberie a demandé un complément d'information sur la notation de ce sous-critère, la chambre de commerce et d'industrie lui a indiqué, par une autre lettre du 11 juillet 2016, que celle du 23 juin 2016 comporte une erreur matérielle en ce que, contrairement à ce qui y est énoncé, la faculté pour la société d'assurer la continuité du chantier en période estivale avait effectivement été prise en compte dans la notation de son offre. Cette lettre du 11 juillet 2016 précise que l'attribution à la SARL Flandres Plomberie d'une note de 8/10, identique à celle attribuée à la société Missenard Quint B, tient à l'absence de production d'un détail précis des personnes affectées au chantier et d'indications quant au rôle et aux missions des différents interlocuteurs. La SARL Flandres Plomberie ne conteste sérieusement pas le bien-fondé de ce motif. Au demeurant, l'attributaire a quant à lui produit une meilleure offre sur ce dernier point mais également une offre moins satisfaisante s'agissant des fiches techniques, ce qui a conduit le pouvoir adjudicateur à leur donner la même note de 8/10. L'appréciation portée par la CCI de la Côte d'Opale sur la faculté pour la SARL Flandres Plomberie d'assurer la continuité du chantier en période estivale ne repose ainsi sur aucune erreur de fait, et l'attribution à cette société d'une note de 8/10 sur ce deuxième sous-critère sur aucune erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, au regard de l'ensemble des notes globales attribuées, la société Missenard Quint B a pu légalement être déclarée titulaire du lot n° 5 du marché.

11. Il résulte de ce qui précède que la demande de la SARL Flandres Plomberie doit être rejetée.

Sur les frais du procès :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de région Hauts-de-France, qui n'est pas partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Flandres Plomberie réclame au titre des frais liés au litige.

13. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société la somme de 1 000 euros à verser à la CCI de région Hauts-de-France, venant aux droits de la CCI de la Côte d'Opale, sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 2 décembre 2016 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Flandres Plomberie devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Flandres Plomberie présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La SARL Flandres Plomberie versera à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Flandres Plomberie et à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

N°17DA00084 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00084
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP MOUGEL - BROUWER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-06;17da00084 ?
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