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17/09/2019 | FRANCE | N°19DA01187

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 17 septembre 2019, 19DA01187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1901226 du 25 avril 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 20 mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

.......................

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1901226 du 25 avril 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 20 mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tadjik né le 1er janvier 2001, a déposé une demande d'asile en France le 6 février 2019. La consultation d'Eurodac a fait apparaître l'existence d'une demande d'asile en Pologne. Ce pays, consulté par la France, a accepté de le reprendre en charge. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 mars 2019 ordonnant le transfert de M. A... vers la Pologne.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n°603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ".

3. Le préfet de la Seine-Maritime établit, par la production de la première page des brochures communes signée par l'intéressé, lui avoir remis l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en langue russe. M. A... fait valoir qu'il a déclaré ne pas comprendre cette langue lors de la notification de la décision attaquée et que, par conséquent, l'autorité préfectorale ne pouvait régulièrement lui remettre les brochures en langue russe. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a indiqué à l'administration comprendre le russe, le dari et le tadjik lorsqu'il s'est présenté aux services de la préfecture. En outre, l'entretien individuel dont il a bénéficié le 20 mars 2019 s'est déroulé en russe. Il a répondu aux questions posées et n'a pas signalé, à cette occasion, ne pas comprendre le russe. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme s'étant vu remettre, par écrit, les informations requises, dans une langue qu'il comprend. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler sa décision du 20 mars 2019 ordonnant le transfert de M. A... aux autorités polonaises.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de l'arrêté attaqué devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens :

5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et précise que M. A... a demandé l'asile en Pologne le 6 août 2017 et le 28 novembre 2017 et que les autorités polonaises, saisies par la France le 5 mars 2019 sur le fondement du paragraphe b) du 1 de l'article 18 de ce règlement, ont explicitement accepté de le reprendre en charge le 8 mars 2019. Dès lors, l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. A... de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d'exercer utilement son recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

8. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " Entretien individuel : / 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A... a bénéficié le 6 février 2019 d'un entretien individuel en langue russe qu'il a déclaré comprendre. Celui-ci a déclaré, à cette occasion, avoir compris la procédure engagée à son encontre. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressé a bien été reçu, lors de cet entretien, par un agent de la préfecture, lequel doit être regardé, en l'absence notamment de tout élément permettant de supposer un défaut de formation ou d'accès à une information suffisante, comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas établi par l'intimé, que la copie du résumé de l'entretien ne lui aurait pas été remise ou qu'il aurait en vain cherché à obtenir cette copie. Par suite, le moyen tiré de ce que les obligations prévues à l'article 5 du règlement n'auraient pas été satisfaites doit être écarté.

10. Les moyens tirés de ce que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier l'éventuel bien-fondé.

11. M. A... a déclaré aux services de la préfecture être né le 1er janvier 2001. Il avait ainsi dix-huit ans à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé ne pourrait faire l'objet d'un transfert sans sa mère en raison de sa minorité doit être écarté comme manquant en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 mars 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction et au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 avril 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et Me B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 19DA01187
Date de la décision : 17/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-17;19da01187 ?
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