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14/11/2019 | FRANCE | N°18DA00153

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 novembre 2019, 18DA00153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 1er décembre 2015 par laquelle le directeur régional des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Nord de France l'a licenciée et d'enjoindre, à ce dernier, de la réintégrer sous astreinte.

Par un jugement n° 1600860 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés

le 19 janvier 2018 et le 26 septembre 2019, Mme J..., représentée par Me K..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 1er décembre 2015 par laquelle le directeur régional des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Nord de France l'a licenciée et d'enjoindre, à ce dernier, de la réintégrer sous astreinte.

Par un jugement n° 1600860 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2018 et le 26 septembre 2019, Mme J..., représentée par Me K..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2015 par laquelle le directeur régional des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie de région Nord de France l'a licenciée ;

3°) d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France de la réintégrer dans un emploi équivalent à celui de " conseiller entreprise I " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me F... C..., substituant Me K..., représentant Mme J..., et de Me A... H..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

Une note en délibéré présentée par Mme J... a été enregistrée le 28 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... a été recrutée par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Lille à compter du 1er octobre 1990. La chambre de commerce et d'industrie de région Nord de France, qui s'est substituée à la CCI de Lille, a adopté, lors de son assemblée générale du 10 septembre 2015, un plan de suppression de cinquante-sept emplois, dont celui de Mme J.... La CCI Nord de France a proposé à Mme J..., par courrier du 27 octobre 2015, un poste de conseiller commerce-tourisme à Montreuil-sur-Mer. Celle-ci a refusé par courrier du 3 novembre 2015. Le 1er décembre 2015, Mme J... a été licenciée pour suppression de poste. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 21 novembre 2017 qui a rejeté ses conclusions d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de licenciement du 1er décembre 2015 et d'injonction à fins de réintégration, la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France venant aux droits des précédentes.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme J... a soulevé en première instance un moyen tiré du respect de l'ordre des critères de licenciement qu'elle a qualifié de nouveau dans son mémoire du 3 novembre 2017, enregistré juste avant la clôture de l'instruction et visé par le jugement contesté. Si le juge de première instance n'est pas tenu de répondre à un moyen inopérant, il doit l'analyser dans ses visas. Il est constant que le jugement contesté ne fait pas mention de ce moyen et que la seule réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir pour éviter d'appliquer l'ordre des critères de licenciement ne suffisait pas à écarter ce moyen. Dès lors, Mme J... est fondée à soutenir que le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Lille est irrégulier, faute d'avoir visé le moyen tiré de la méconnaissance des critères d'ordre du licenciement. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'irrégularité soulevés, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme J... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité externe de la décision de licenciement :

3. Par une décision du 14 septembre 2015 régulièrement publié, le président de la chambre de commerce et d'industrie de région Nord de France a donné délégation à M. I... G..., directeur régional des ressources humaines pour signer les décisions de licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et est donc écarté.

4. La décision précitée du 14 septembre 2015 désignait notamment Mme B... L..., adjointe au directeur régional des ressources humaines, pour le représenter dans les entretiens préalables au licenciement pour suppression de poste et prévoyait que le représentant du président pouvait être assisté du directeur général ou du responsable ressources humaines de la CCI territoriale concernée. L'entretien préalable au licenciement de Mme J... a été mené par Mme L..., en présence de M. D..., directeur général de la CCI Grand Lille, à laquelle Mme J... était affectée. Le moyen tiré du vice de procédure résultant de l'irrégularité de l'entretien préalable manque donc en fait et est, en conséquence, écarté.

5. L'article 35-1 du statut des personnels des chambres de commerce et d'industrie prévoit en cas de licenciement par suppression de poste, une information de la commission paritaire régionale et des délégués syndicaux. Un dossier est transmis à cette fin, à tous les membres de la commission paritaire comprenant : " une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l'origine de la délibération de l'assemblée générale ; / - une information sur la liste des postes susceptibles d'être supprimés et les critères retenus ; / - les moyens que la CCI employeur entend mettre en oeuvre pour favoriser les reclassements au sein de la CCI employeur pour éviter les licenciements et au sein du réseau des CCI de France. ".

6. Il ressort des pièces nouvelles produites en cause d'appel, que le dossier mentionné à l'article 35-1 précité a été transmis à l'ensemble des membres de la commission paritaire régionale ainsi qu'au président et aux délégués syndicaux de l'Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA), par des courriels du 18 septembre 2015. Le moyen tiré de ce que l'information n'aurait pas été adressée à l'ensemble des destinataires prévus par l'article 35-1 précité doit donc être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que le document transmis aux membres de la commission paritaire régionale et aux représentants syndicaux comprenait des informations circonstanciées sur les raisons des suppressions de poste, la liste des postes supprimés regroupés par filières, les critères retenus pour déterminer ces suppressions et la présentation des moyens mis en oeuvre en vue du reclassement. Si lors de la commission paritaire, a été critiquée l'absence de précision sur l'organisation future et sur le budget 2016, ces éléments ne constituaient pas les motifs du plan de suppression de postes et n'auraient, en conséquence, pas été de nature à influencer le sens de la décision. Le moyen tiré d'une information incomplète des membres de la commission paritaire est, par suite, écarté.

Sur la légalité interne de la décision de licenciement :

En ce qui concerne la légalité de la délibération de l'assemblée générale du 10 septembre 2015 :

8. L'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de région Nord de France a adopté, lors de sa séance du 10 septembre 2015, un plan de cinquante-sept suppressions de postes. La suppression du poste de Mme J... et par suite, son licenciement pour ce motif, ont ainsi pour base légale cette délibération. L'appelante peut en conséquence exciper de son illégalité à l'occasion de la contestation de la décision individuelle la concernant.

9. Aucune disposition des statuts du personnel des chambres de commerce et d'industrie n'impose la communication préalable à la délibération de l'assemblée générale, du plan stratégique fondant les suppressions d'emploi. Si Mme J... se fonde sur une note interne de recommandations émise le 23 janvier 2015 par l'organisme en charge de l'animation du réseau des chambres de commerce et d'industrie, CCI France, celle-ci n'a aucune valeur normative. Au surplus, la commission paritaire régionale avait eu connaissance, dès le 1er juillet 2015, des orientations du plan stratégique de l'organisme consulaire. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption de la délibération du 10 septembre 2015, faute pour la commission paritaire régionale d'avoir eu communication préalable du plan de suppression d'emplois, ne peut donc qu'être écarté.

10. La diminution des dotations publiques des établissements publics consulaires, justification des suppressions d'emploi, constitue un motif légal pour de telles suppressions. Par ailleurs, si Mme J... soutient que ces suppressions d'emploi ne permettent plus à la chambre de commerce et d'industrie d'assumer les missions qu'elle doit remplir aux termes de l'article L. 710-1 du code de commerce, elle n'assortit, cette argumentation, d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée. La délibération du 10 septembre 2015 n'est, par suite, pas entachée d'erreur de droit.

11. Il n'est pas sérieusement contesté que l'ensemble des chambres de commerce et d'industrie devait faire face à une baisse annoncée de leurs dotations publiques et ainsi qu'il a été dit au point 7, chacune des suppressions d'emploi, envisagée par la CCI de région Nord de France était suffisamment justifiée. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la délibération du 10 septembre 2015, soulevé par la voie de l'exception d'illégalité, doit donc aussi être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

12. Il ressort des pièces du dossier que la chambre de commerce et d'industrie des Hauts de France a adressé à Mme J... chaque semaine, l'ensemble des offres d'emploi existantes dans le réseau consulaire national. Si l'appelante se prévaut de la note déjà citée du réseau CCI France en date du 23 janvier 2015, cette recommandation n'a aucune valeur normative. En outre, Mme J... a pu ainsi disposer d'une information complète et précise sur les postes disponibles dans le réseau national, les fiches de poste étant jointes à cette diffusion. Par suite, le moyen tiré de ce que le plan de reclassement n'ait pas pris en compte le réseau des CCI de France ne peut qu'être écarté.

13. Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable de licenciement, tenu le 29 octobre 2015, que la représentante syndicale qui accompagnait Mme J..., a indiqué que si l'intéressée acceptait le reclassement proposé, elle pourrait bénéficier des mesures prévues par l'accord mobilité. En outre, le compte-rendu de la commission paritaire régionale du 14 octobre 2015, adressé le 13 novembre 2015 à tous les agents licenciés, précisait que l'accord de mobilité était applicable aux reclassements proposés. Mme J... ne saurait en conséquence soutenir que son refus du poste de reclassement à Montreuil-sur-Mer, qui a entraîné son licenciement, est vicié car résultant d'une information incomplète sur l'application des aides à la mobilité au poste de reclassement.

14. Il ressort des pièces du dossier que le dispositif de reclassement mis en place par la CCI de région Nord de France comprenait la diffusion des postes vacants dans l'ensemble du réseau CCI France ainsi qu'une proposition de reclassement en interne, une seule offre étant proposée à chaque agent dont le poste était supprimé, en adéquation avec ses compétences et ce, pour éviter que deux agents en instance de licenciement ne soient en concurrence pour un même poste. Mme J... exerçait, en dernier lieu les fonctions de chargée de la promotion du centre multimodal du port de Lille, après avoir été successivement, de 1990 à 2003 standardiste, puis secrétaire, et, à compter de 2003, chargée de clientèle. Il ressort aussi des pièces produites en appel que la CCI de région justifie que les postes vacants dans la période précédant immédiatement le licenciement de Mme J..., soit ont été proposés à d'autres personnes dont le poste était supprimé, soit n'étaient pas en adéquation avec les compétences, vastes mais peu spécialisées de Mme J..., sans que ce point soit sérieusement contesté. Il en résulte que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que la CCI de région Nord de France n'aurait pas rempli, avec diligence et sérieux, son obligation de reclassement.

15. Mme J... soutient aussi que le poste sur lequel elle a été affectée a été irrégulièrement classifié comme " conseiller entreprise I ", puisque la liste nationale des emplois n'avait pas été régulièrement validé par la commission paritaire nationale. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté que la suppression de son emploi résulte non de la classification de son poste dans la liste nationale des emplois, mais des caractéristiques de ce poste identifié de ce fait comme entrant dans la liste des postes supprimés par la CCI de région Nord de France. De même, l'incidence de cette classification sur les possibilités de reclassement n'est pas non plus démontrée dès lors que le poste de reclassement proposé était un poste de classification supérieure à celui qu'elle occupait de " conseiller entreprise II " et qu'il n'est pas établi que d'autres postes n'appartenant pas à la catégorie du poste de la requérante, auraient pu lui être proposés.

16. Il ressort des pièces du dossier, sans que cela soit sérieusement contesté, que Mme J... était la seule salariée dont le poste était supprimé au sein du territoire de la CCI Grand Lille et au sein de sa catégorie d'emploi, c'est-à-dire dans le domaine du commerce. Elle était ainsi la seule salariée de sa catégorie. Par suite, les critères d'ordre du licenciement par rapport aux autres salariés de la même catégorie ne pouvaient lui être appliqués. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces critères, tel que développé en appel, est donc écarté comme inopérant. Pour les mêmes motifs, le moyen du détournement de pouvoir allégué est également écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme J... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision la licenciant du 1er décembre 2015. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont également rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie des Hauts de France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme J... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour.

Article 3 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... J... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.

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N°18DA00153

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00153
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-06-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Organisation professionnelle des activités économiques. Chambres de commerce et d'industrie. Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-14;18da00153 ?
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