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06/02/2020 | FRANCE | N°19DA01669

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 février 2020, 19DA01669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer dans un délai de quinze jours une car

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer dans un délai de quinze jours une carte de séjour temporaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et dans les mêmes conditions d'astreinte et enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'il versera à son conseil sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1809004 du 21 mars 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer dans un délai de quinze jours une carte de séjour temporaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'il versera à son conseil sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sierra-léonaise, qui a déclaré être entrée en France le 28 août 2001, a fait l'objet d'un arrêté du 11 janvier 2018 du préfet du Nord lui ayant refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination et l'ayant interdite de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Elle relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en question.

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., a notamment été condamnée le 15 décembre 2015 par le tribunal correctionnel de Lille à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour des faits de proxénétisme aggravé et de traite des êtres humains. Elle ne peut ainsi prétendre sérieusement avoir la volonté de s'insérer dans la société française. Elle soutient vivre depuis 2007 avec M. E..., ressortissant nigérian, toutefois elle ne l'établit nullement, se bornant à produire l'acte de mariage avec celui-ci, postérieur à la décision attaquée. Ainsi ses liens personnels et familiaux sur le territoire national ne présentent pas les caractéristiques d'ancienneté, de stabilité et d'intensité définies au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Mme B... ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Nord a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision attaquée a été prise, a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être rejetés.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, Mme B... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Nord n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme B... doit être écarté.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention europééenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

9. Si, par un jugement du tribunal administratif de Lille du 16 mars 2005, une précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme B... a été annulée en tant qu'elle fixait la Sierra Leone comme pays de destination, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement ne peut être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté distinct du 11 janvier 2018 en litige. En outre, Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 28 août 2003 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 1er juillet 2004 par la commission de recours des réfugiés, ne démontre pas être personnellement exposée à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

11. Mme B... a déjà fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et constitue, comme il a été précisé au point 3, une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... C....

Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.

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N°19DA01669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01669
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : LEQUIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-06;19da01669 ?
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