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02/06/2020 | FRANCE | N°19DA01181

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 02 juin 2020, 19DA01181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le regroupement familial au bénéfice de son épouse, la décision du 15 mai 2017 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux et d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse et, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte

de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702747 du 2 avril 2019, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le regroupement familial au bénéfice de son épouse, la décision du 15 mai 2017 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux et d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse et, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702747 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision préfectorale du 22 février 2017 et la décision du 15 mai 2017 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse et, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 25 novembre 1971, réside régulièrement en France où il est présent depuis 2004. Le 4 avril 2016, il a sollicité le regroupement familial au bénéfice de sa conjointe, ressortissante algérienne entrée en France le 28 juillet 2015, qu'il a épousée le 5 mars 2016 et avec laquelle il vit depuis lors. M. A... relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial et de la décision de la même autorité du 15 mai 2017 rejetant son recours gracieux.

2. Les décisions attaquées énoncent l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquels elle sont fondées, de manière suffisamment circonstanciée pour mettre utilement M. A... en mesure de discuter les motifs de ces décisions. Par suite, alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, ces décisions sont suffisamment motivées.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'appelant et de sa famille, peu important la circonstance que la décision ne mentionne pas la naissance de son enfant né trois jours avant la date de la décision du 22 février 2017, alors que M. A... n'établit pas ni même n'allègue avoir porté à la connaissance de la préfète la naissance ni même l'état de grossesse de son épouse avant l'édiction de la décision en litige.

4. Aux termes de l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative statue sur la demande dans un délai de six mois à compter du dépôt par l'étranger du dossier complet de cette demande. Il informe le maire de la décision rendue. / La décision autorisant l'entrée en France des membres de la famille est caduque si le regroupement n'est pas intervenu dans un délai fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 421-20 du même code : " L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'entrer en France dans le cadre du regroupement familial est le préfet et, à Paris, le préfet de police. Cette autorité statue sur la demande de regroupement familial dans le délai de six mois prévu à l'article L. 421-4. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la demande de regroupement familial ".

5. Il ressort de ces dispositions que le silence gardé par le préfet sur une demande de regroupement familial vaut décision implicite de rejet après expiration d'un délai de six mois. L'appelant ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance que la durée du délai d'instruction de sa demande était excessif et anormalement long et avait eu des conséquences néfastes sur sa vie privée et familiale dès lors que sa demande devait nécessairement être considérée comme ayant été rejetée après écoulement d'un délai de six mois. Par suite, le moyen de ce que les décisions en litige méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exclu du regroupement familial (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ".

7. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il ressort des termes des décisions en litige qu'après avoir mentionné les motifs de refus de la demande de l'appelant, la préfète a ensuite procédé à l'examen de la situation individuelle et familiale de l'épouse de l'intéressé pour constater qu'il n'y avait pas lieu d'autoriser Mme A... à séjourner en France à titre exceptionnel et dérogatoire. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète se serait crue en situation de compétence liée pour refuser le regroupement familial sollicité doit être écarté.

9. M. A... fait valoir que les décisions en litige auraient pour effet de rompre l'unité de la cellule familiale en ce qu'elles auraient pour effet de contraindre son épouse et son fils à retourner au Maroc. Or, les décisions attaquées ne lui opposent qu'un refus à sa demande de regroupement familial et n'ont ni pour objet ni pour effet de contraindre son épouse et son jeune enfant à quitter le territoire français. Si M. A... se prévaut d'une durée de vie commune d'une vingtaine de mois à la date de la décision du 22 février 2017, le retour de l'épouse de l'appelant dans son pays d'origine, accompagnée le cas échéant de leur enfant, aux fins de permettre à Mme A... de solliciter à nouveau le bénéfice du regroupement familial, ne porterait pas, dans ces conditions, une atteinte excessive à la vie privée et familiale de l'appelant. La circonstance que M. A... n'a pas la même nationalité que son épouse et que, par suite, leur vie familiale dans un de leurs pays d'origine pourrait en être compromise, ainsi que l'état de santé de leur enfant, sont sans influence sur la légalité des décisions en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de contraindre le fils de l'appelant à quitter le territoire français. En tout état de cause, les décisions de la préfète de la Seine-Maritime en litige n'ont pas pour effet de séparer l'appelant et son épouse de leur jeune fils, dès lors que celui-ci, compte tenu de sa minorité, est en toute hypothèse insusceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, les décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment des termes des décisions en litige, que celles-ci seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'appelant et de sa famille.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de regroupement familial et de la décision du 15 mai 2017 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA01181
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-03 Famille. Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-02;19da01181 ?
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