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16/06/2020 | FRANCE | N°18DA01946

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 16 juin 2020, 18DA01946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... née F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le préfet du Nord a déclaré insalubre le logement dont elle est propriétaire au 83, rue Jean-Jaurès à Santes (Nord) et lui a ordonné de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cet état au plus tard à la date du 1er mars 2015 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer précisément la liste des travaux à engager.

Par un jugement n° 1503758

du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... née F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le préfet du Nord a déclaré insalubre le logement dont elle est propriétaire au 83, rue Jean-Jaurès à Santes (Nord) et lui a ordonné de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cet état au plus tard à la date du 1er mars 2015 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer précisément la liste des travaux à engager.

Par un jugement n° 1503758 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2018, Mme E..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 novembre 2014 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la main levée partielle de l'arrêté du 3 novembre 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... née F... est propriétaire d'une maison d'habitation située au 83A rue Jean Jaurès à Santes, qu'elle a donné à bail à M. A... G.... Un rapport d'enquête sanitaire établi par le directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais a fait apparaître un certain nombre de désordres présentant un danger imminent pour la santé ou la sécurité de l'occupant. Par un arrêté du 3 novembre 2014, le préfet du Nord a déclaré insalubre ce logement et a ordonné à Mme E... de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cet état au plus tard à la date du 1er mars 2015. Mme E... relève appel du jugement du 19 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 novembre 2014.

2. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé (...) concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. / Le directeur général de l'agence régionale de santé établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d'urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble ou de l'un des immeubles concernés (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-28 du même code : " I. - Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare par arrêté l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble. / Le représentant de l'Etat dans le département prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage de l'immeuble au fur et à mesure de son évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. / II.- Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département prescrit par arrêté les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux. / Ces mesures peuvent comprendre, le cas échéant, les travaux nécessaires pour supprimer le risque d'intoxication par le plomb prévus par l'article L. 1334-2 ainsi que l'installation des éléments d'équipement nécessaires à un local à usage d'habitation, définis par référence aux caractéristiques du logement décent. "

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aucune disposition ne prévoit, et aucun principe n'impose, que la visite du logement par l'agence régionale de santé en vue de l'établissement du rapport prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique soit réalisée de manière contradictoire avec le propriétaire. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'appelante n'a pas été avertie de la visite du logement par le représentant de l'agence régionale de santé en vue de l'établissement de son rapport est inopérant.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Saisi d'un recours de plein contentieux formé contre un arrêté préfectoral de mise en demeure pris en application de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique afin que le propriétaire prenne les mesures appropriées afin de faire cesser un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le juge administratif peut être amené à constater que les mesures prescrites, qui étaient légalement justifiées lorsqu'elles ont été prises, ne sont plus nécessaires à la date à laquelle il statue.

5. Il ressort de l'instruction que le logement en cause est alimenté en électricité par l'intermédiaire d'une habitation voisine, occupée par le fils de Mme E..., la consommation étant ensuite refacturée au locataire par la famille de l'appelante. L'alimentation en électricité du logement a d'ailleurs été coupée par le mari de Mme E... au motif que son occupant ne payait plus les sommes qui lui étaient réclamées à ce titre. Il ressort également de l'instruction qu'aucun compteur électrique en état de fonctionnement n'existe dans le logement en cause et que l'occupant en est réduit à utiliser un générateur électrique pour alimenter le respirateur dont il a besoin pendant la nuit et des batteries de voiture pour éclairer sa salle de bains. L'installation électrique présente de nombreuses anomalies telles que des fils dénudés, des prises désolidarisées de leur support et des douilles en métal. Un cumulus électrique a été placé dans la cave régulièrement inondée, la pompe d'évacuation des eaux qui fonctionnait en permanence n'étant plus alimentée en électricité. Une chaudière au fioul est présente dans la cave mais elle n'est plus utilisée par l'occupant en raison notamment d'un problème de cuve de fioul commune à deux logements. Le logement est équipé d'un convecteur " bois et charbon ", qui ne présente ni trappe de ramonage, ni arrivée d'air et de comburant. Le conduit de raccordement de la cheminée est coudé à trois reprises et le conduit de fumée, installé sous un hangar en construction, présente une hauteur insuffisante, en méconnaissance de la réglementation en vigueur. Le système de récupération de chaleur diffuse dans la chambre de la maison implique ainsi, en cas de dysfonctionnement, un risque élevé d'intoxication au monoxyde de carbone. À supposer qu'il soit établi que l'insalubrité du logement serait due à l'attitude du locataire, la propriétaire dispose des voies de droit lui permettant de contraindre son locataire à permettre la réalisation des travaux ou d'engager sa responsabilité dans l'hypothèse où il serait à l'origine des dégradations. Le logement est également dépourvu de compteur d'eau et l'alimentation en eau potable, qui dépend du bâtiment voisin appartenant au fils de l'appelante, a été interrompue à plusieurs reprises par suite de conflits de voisinage. La circonstance que le compteur d'eau individuel dont disposait le logement aurait été volé est inopérante. L'allégation de l'appelante selon laquelle " les écoulements d'eaux usées ne posent pas de problème " n'est assortie d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le caractère d'insalubrité du logement est établi.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que le raccordement du logement à l'eau potable ne pourrait pas être réalisé. Il n'est pas établi que la desserte du logement par le réseau public d'électricité serait juridiquement et matériellement impossible. En particulier, ni le besoin d'une servitude de passage sur les parcelles voisines, qui appartiennent également à Mme E... et à sa famille, ni le classement de ces parcelles par le plan local d'urbanisme, qui n'interdit pas en tout état de cause le passage des réseaux, ne sont de nature à établir l'existence d'une telle impossibilité. Dans ces conditions, l'insalubrité du logement ne peut pas être qualifiée d'irrémédiable. Il résulte de ce qui précède que le caractère remédiable de l'insalubrité du logement et les mesures prescrites par l'arrêté en litige ne sont pas entachés d'une erreur d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2014 par lequel le préfet du Nord a déclaré insalubre le logement dont elle est propriétaire et lui a ordonné de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cet état au plus tard à la date du 1er mars 2015.

En ce qui concerne la demande de mainlevée de l'arrêté préfectoral du 3 novembre 2014 :

8. Aux termes de l'article L. 1331-28-3 du code de la santé publique : " L'exécution des mesures destinées à remédier à l'insalubrité ainsi que leur conformité aux prescriptions de l'arrêté pris sur le fondement du II de l'article L. 1331-28 sont constatées par le représentant de l'Etat dans le département, qui prononce la mainlevée de l'arrêté d'insalubrité et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. ".

9. Il ne résulte pas de l'instruction que les travaux prescrits par l'arrêté préfectoral du 3 novembre 2014 auraient été exécutés, ni que ces travaux auraient été réalisés d'office par l'administration. La demande tendant à ce que la mainlevée de l'arrêté préfectoral d'insalubrité soit prononcée doit être écartée, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité.

Sur les frais liés au litige :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme E... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... née F... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA01946
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : ABBAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-16;18da01946 ?
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