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02/07/2020 | FRANCE | N°19DA02630

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 19DA02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1900969 du 14 juin 201

9, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1900969 du 14 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler de jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Oise du 27 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Caron Daquo Amouel B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 15 janvier 2001, est entré irrégulièrement en France le 20 février 2017, à l'âge de seize ans. Eu égard à sa situation de mineur isolé sur le territoire français, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise, puis confié à une association qui assure son hébergement et l'aide à préparer son insertion professionnelle. Il a sollicité, le 27 décembre 2018, la régularisation de sa situation administrative au regard du droit au séjour en faisant état de la signature d'un contrat d'apprentissage. Par un arrêté du 27 février 2019, le préfet de l'Oise a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel M. A... pourrait être reconduit d'office. L'intéressé relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

2. Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 31311 de ce code ou la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 313-10 du même code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre de plein droit à l'un de ces titres. Toutefois, cette faculté est subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Ce régime d'admission exceptionnelle au séjour est complété, afin de prendre en compte la situation particulière des étrangers entrés en France alors qu'ils étaient mineurs, par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du même code, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoient que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour autorise, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail. Le dispositif de régularisation ainsi institué par les articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc être regardé comme dispensant d'obtenir cette autorisation avant que ne soit exercée l'activité professionnelle ou la formation qualifiante considérées.

4. Pour autant, la demande présentée par un étranger sur le fondement de ces articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite suivant les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. Il s'ensuit que l'autorité préfectorale n'est pas tenue d'accorder ou de refuser à un étranger qui sollicite la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour, une telle autorisation de travail avant de se prononcer sur sa demande de délivrance de ce titre de séjour. La demande d'autorisation de travail pourra, en tout état de cause, être présentée auprès de l'administration compétente lorsque l'étranger disposera d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée. Au demeurant, si, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018, l'article L. 5221-5 du code du travail prévoit qu'une autorisation de travail est délivrée de plein droit aux jeunes majeurs qui avaient été pris en charge, en tant que mineurs isolés, par les services de l'aide sociale à l'enfance et qui justifient avoir conclu un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, ce texte subordonne expressément ce droit à la condition que les intéressés aient été préalablement autorisés à séjourner en France, c'est-à-dire qu'ils aient été mis en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le préfet de l'Oise n'avait pas à apprécier, selon les règles fixées par le code du travail, si M. A..., qui l'avait saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, pouvait ou non être autorisé à travailler avant de se prononcer sur cette demande. Au demeurant, l'intéressé, qui ne s'était vu délivrer aucun récépissé de demande de titre de séjour, mais seulement une attestation ne valant pas autorisation provisoire de séjour, n'était pas en situation de bénéficier de plein droit d'une telle autorisation de travail sur le fondement des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail quand bien même il avait conclu un contrat d'apprentissage. Dans ces conditions, si M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Oise n'a pu légalement lui opposer, pour rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, qu'il ne justifiait pas avoir formé une demande d'autorisation de travail, il ressort des mentions mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Oise ne s'est pas fondé sur ce seul motif, mais aussi notamment sur ceux que la situation de M. A... ne caractérisait pas l'existence de motifs exceptionnels de nature à justifier qu'il soit admis au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la possession d'un contrat d'apprentissage ne pouvant suffire à elle seule à constituer de tels motifs, et que M. A..., qui d'une part continuait d'entretenir des relations téléphoniques avec son père resté dans son pays d'origine, d'autre part, cultivait plus particulièrement des liens amicaux avec des compatriotes présents sur le territoire français et qui, enfin, n'établissait pas une impossibilité de poursuivre sa vie personnelle et son insertion professionnelle dans son pays d'origine, n'était pas davantage en situation de bénéficier des dispositions de l'article L. 313-15 de ce code. Dès lors que ces derniers motifs suffisaient à justifier le refus de séjour contesté et qu'il n'est pas établi que le motif tiré de l'absence de preuve du dépôt d'une demande d'autorisation de travail aurait été prépondérant dans l'appréciation à laquelle le préfet de l'Oise s'est livré, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce qu'en retenant ce motif, cette autorité aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit.

6. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise ne se serait pas livré à un examen suffisamment approfondi de la situation de M. A... avant de refuser de régulariser sa situation administrative au titre de l'admission exceptionnelle au séjour.

7. M. A..., qui, comme il a été dit au point 1, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 20 février 2017, à l'âge de seize ans, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise et a pu, après une phase d'adaptation et de mise à niveau suivie de plusieurs stages de découverte du milieu professionnel, rejoindre une formation qualifiante au sein de laquelle il prépare, en alternance, un certificat d'aptitude professionnelle en tant que peintre - applicateur en revêtement. Ses démarches et celles de ses accompagnants ont pu ainsi aboutir à la conclusion, le 31 octobre 2018, d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise du secteur du bâtiment. Un rapport éducatif établi le 28 décembre 2018 par le chef du service éducatif de l'association qui héberge M. A... et qui l'accompagne dans ses démarches relève que l'intéressé s'est montré, dès son arrivée, agréable et respectueux des éducateurs et que, compte-tenu de son attitude positive, il a pu lui être proposé un logement dans des conditions lui procurant davantage d'autonomie. Ce rapport relève aussi qu'une relation de confiance a pu se nouer, au fil du temps, entre l'intéressé et ses éducateurs qu'il tient régulièrement informés de ses démarches. Toutefois, ce même document relève également que, si M. A... a trouvé sa place au sein d'un groupe d'adolescents de différentes cultures, il privilégie cependant le développement de relations amicales avec des jeunes issus de sa communauté, ce qui ne l'aide pas dans l'apprentissage de la langue française. En outre, si ce rapport souligne l'engagement et la persévérance dont M. A... a fait montre dans ses démarches, l'intéressé n'a produit au dossier aucun relevé de note, ni aucune attestation de ses formateurs ou maîtres de stage permettant d'apprécier son implication dans sa formation ainsi que la réalité de ses perspectives d'insertion dans le secteur qu'il a choisi. De surcroît, M. A..., qui ne se prévaut pas des relations amicales qu'il aurait tissées sur le territoire français depuis son arrivée, n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où demeure notamment son père, avec lequel il admet entretenir des relations par téléphone, fussent-elles peu fréquentes, et où il serait à même de poursuivre son insertion professionnelle dans le secteur du bâtiment. Ainsi, d'une part, les éléments caractérisant la situation de M. A... à la date de l'arrêté contesté ne révèlent pas, malgré l'obtention de son contrat d'apprentissage, que des motifs exceptionnels auraient pu justifier la régularisation de sa situation administrative de séjour. D'autre part, M. A... ne justifie, par les seules pièces qu'il verse au dossier, ni du sérieux avec lequel il suit sa formation en alternance, ni d'une intégration significative au sein de la société française, en dépit de l'attitude positive qu'il a adoptée dès son entrée dans la structure qui l'héberge et des démarches qu'il a pu accomplir pour rejoindre une formation qualifiante. Dans ces conditions, pour refuser de faire bénéficier M. A... de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article L. 313-15 de ce code et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Enfin, si M. A... fait, au terme de sa requête, une référence expresse aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit toutefois cette simple mention d'aucun argumentaire de nature à permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé du moyen que l'intéressé aurait ainsi entendu invoquer.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise.

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N°19DA02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02630
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;19da02630 ?
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