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15/07/2020 | FRANCE | N°19DA01139

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 juillet 2020, 19DA01139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mars 2017 par lequel le maire de Dommartin a refusé de lui accorder un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 2 rue Armand Lepage. Elle a également demandé au tribunal de condamner la commune de Dommartin à lui verser une indemnité de 30 182,65 euros en réparation du préjudice causé par ce refus.

Par un jugement n° 1701221 du 12 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mars 2017 par lequel le maire de Dommartin a refusé de lui accorder un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 2 rue Armand Lepage. Elle a également demandé au tribunal de condamner la commune de Dommartin à lui verser une indemnité de 30 182,65 euros en réparation du préjudice causé par ce refus.

Par un jugement n° 1701221 du 12 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, Mme C... B..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Dommartin du 10 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au maire de Dommartin de lui accorder le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ou, à défaut, d'examiner à nouveau la demande de permis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Dommartin une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Édouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me A... D..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... a acheté le 8 juillet 2016 un terrain situé 2 rue Armand Lepage à Dommartin, constitué de deux parcelles cadastrées nos Z 26 et 27. Le 3 juin 2016, le maire de la commune lui avait accordé un certificat d'urbanisme mentionnant que ce terrain, classé en zone UBai au plan d'occupation des sols, pouvait recevoir une maison d'habitation de 130 mètres carrés. Cependant, par un arrêté du 10 mars 2017 pris sur une demande de permis de construire déposée le 22 décembre 2016 par Mme B..., le maire a refusé de délivrer le permis sollicité. L'intéressée a contesté ce refus devant le tribunal administratif d'Amiens, en assortissant ses conclusions à fin d'annulation d'une demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi. Par un jugement du 12 mars 2019, le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes. Mme B... interjette appel de ce jugement, en maintenant seulement sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 10 mars 2017.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a reçu notification du jugement du 12 mars 2019 le 21 mars suivant. Son appel a été formé le 17 mai 2019, soit avant l'expiration du délai de deux mois courant à compter de cette notification. Sa requête, qui n'est pas tardive, est donc recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

5. Si la commune de Dommartin a soutenu en première instance que la demande présentée par Mme B... devant le tribunal était irrecevable, dès lors que la requête introductive d'instance ne contenait aucun moyen, il ressort des termes de cette requête qu'elle énonçait un moyen tiré de l'existence d'un certificat d'urbanisme indiquant que le projet pouvait être réalisé sur le terrain concerné. La circonstance que ce moyen aurait été, selon la commune, inopérant est sans incidence sur la recevabilité de la demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales (...) ". Il résulte de ces dispositions que les règles de distance imposées à l'implantation d'un bâtiment agricole, notamment en vertu de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, sont également applicables, par réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour accorder le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature. L'exigence d'éloignement imposée par ces dispositions aux projets de construction à usage d'habitation ne s'applique toutefois qu'à l'égard de bâtiments agricoles régulièrement édifiés et exploités.

7. Par un arrêté du 29 juillet 1996, le préfet de la Somme, au titre de ses pouvoirs sur les installations classées pour la protection de l'environnement, a édicté des prescriptions concernant les établissements renfermant des vaches laitières ou mixtes. L'article 1er de cet arrêté prévoit que : " Les établissements de vente, de transit, de soins, de garde, d'élevage, d'exposition, fourrière, etc. renfermant des vaches laitières et/ou mixtes, lorsque le nombre de vaches en présence simultanée est compris entre 40 et 80, relevant du régime de la déclaration, sont soumis aux prescriptions générales suivantes du présent arrêté (...) ". L'article 3 du même arrêté prévoit que : " Sans préjudice des dispositions réglementaires applicables par ailleurs, les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à plus de 100 mètres de toute habitation occupée par des tiers ou de tout local habituellement occupé par des tiers (...) ainsi que des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. / Lorsque la stabulation des animaux est prévue sur litière, cette distance est de 50 mètres (...) ".

8. Pour refuser, par l'arrêté du 10 mars 2017 contesté, d'accorder à Mme B... le permis de construire sollicité, le maire de Dommartin a relevé que le projet était situé à 55 mètres environ de bâtiments d'élevage de vaches laitières et ne respectait pas " le principe de réciprocité défini par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ". Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis émis le 30 janvier 2017 par la chambre d'agriculture de la Somme sur la demande de permis de construire de Mme B..., que le terrain d'assiette du projet, classé en zone UBai dans le plan d'occupation des sols, est situé respectivement à 55 et 60 mètres de bâtiments d'élevage de vaches laitières relevant du régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Alors que le maire de Dommartin n'a mentionné, dans l'arrêté en litige, ni les dispositions prescrivant la distance ni la distance elle-même à laquelle les bâtiments d'élevage concernés devaient être implantés par rapport aux zones destinées à l'habitation, dont il est constant que fait partie le terrain d'assiette du projet, la requérante fait valoir, sans être utilement contredite sur ce point, que ces bâtiments, dont l'un a été déclaré le 31 mai 2001 pour l'élevage de 50 vaches laitières, sont régis par les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 29 juillet 1996 cité ci-dessus. L'article 3 de cet arrêté autorisant l'implantation de bâtiments renfermant des vaches laitières à une distance minimale de 100 mètres ou, lorsque les vaches sont stabulées sur litière, de 50 mètres par rapport aux zones destinées à l'habitation, Mme B... soutient à bon droit, en l'absence d'élément au dossier démontrant l'inverse, que les bâtiments d'élevage, situés respectivement à 55 et 60 mètres du terrain d'assiette de son projet, sont implantés et exploités dans le respect des prescriptions réglementaires, auquel cas la règle de réciprocité énoncée à l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime n'impose à l'intéressée que le respect d'un éloignement de 50 mètres par rapport aux bâtiments d'élevage concernés. A défaut, l'implantation de ces bâtiments a méconnu les dispositions de l'arrêté préfectoral du 29 juillet 1996, auquel cas la règle de réciprocité ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce. Par suite, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime pour refuser d'accorder un permis de construire à Mme B..., le maire de Dommartin a commis une erreur de droit.

9. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

10. A supposer que l'arrêté du 10 mars 2017 contesté, qui cite les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sans assortir cette référence d'une motivation propre en fait, puisse être regardé comme fondé sur un motif distinct de celui censuré au point 7 du présent arrêt, le dossier ne contient aucun élément concernant l'atteinte que le projet de construction de Mme B... pourrait porter à la salubrité ou à la sécurité publique. Au contraire, il ressort d'un courrier du 20 février 2017 adressé par le maire de Dommartin aux services de la direction départementale des territoires et de la mer de la Somme et d'un courriel de réponse de ces services du 9 mars 2017 que le maire a estimé que, eu égard aux conditions d'implantation des bâtiments agricoles, il " conviendrait donc dans le cas d'espèce d'obtenir une dérogation de la chambre d'agriculture " et a demandé à ce que la chambre reconsidère son premier avis négatif. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire, qui avait délivré le 3 juin 2016 un certificat d'urbanisme à Mme B... indiquant qu'elle pouvait réaliser son projet de construction sur le terrain en cause, aurait pris la même décision refusant le permis de construire s'il s'était uniquement fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de la décision du maire de Dommartin.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 12 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Dommartin du 10 mars 2017 refusant de lui accorder un permis de construire.

Sur l'injonction :

13. Il résulte des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, de l'article L. 600-4-1 du même code et de l'article L. 911-1 du code de justice administrative que, lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à cette autorité de délivrer l'autorisation.

14. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le maire de Dommartin fasse droit à la demande de permis de construire présentée par Mme B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Dommartin d'accorder le permis sollicité par la requérante, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

15. Il y a lieu, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, de condamner la commune de Dommartin à verser au conseil de Mme B... une somme de 2 000 euros, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir l'aide juridictionnelle. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Dommartin au titre des frais exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701221 du tribunal administratif d'Amiens du 12 mars 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Dommartin du 10 mars 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Dommartin d'accorder à Mme B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, le permis de construire qu'elle a sollicité.

Article 4 : La commune de Dommartin versera à Me D... une somme de 2 000 euros, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Dommartin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la commune de Dommartin et à Me A... D....

No19DA01139 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01139
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : GRAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-15;19da01139 ?
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