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13/10/2020 | FRANCE | N°20DA00008

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 13 octobre 2020, 20DA00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 19 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour en France pendant un an et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1909871 du 27 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif le Lille a annulé l'arrêté du 19 novembr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 19 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour en France pendant un an et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1909871 du 27 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif le Lille a annulé l'arrêté du 19 novembre 2019 et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. D... A... une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2020, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter cette demande.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, l'a renvoyé vers l'Albanie, lui a interdit de revenir en France pendant un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet relève appel du jugement du 27 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa situation.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. (...) "

3. Auditionné par la police après son interpellation dans un bus à destination de la Grande-Bretagne à l'intérieur d'une zone protégée du site de l'eurotunnel à Coquelles, M. A..., en possession d'un passeport roumain appartenant à un tiers, a d'abord indiqué : " je veux aller en Grande-Bretagne " où réside son frère. C'est seulement après avoir été informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre que l'intéressé a déclaré vouloir solliciter l'asile en France, sans toutefois assortir sa demande d'aucune précision : " Je voudrais demander l'asile en France. J'ai des soucis en Albanie. Ma vie est en danger ".

4. Une telle demande, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle a été formée et alors qu'elle n'était étayée par aucun élément, présentait un caractère manifestement dilatoire.

5. D'ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. A... ait ensuite effectivement formalisé une demande d'asile, alors pourtant que ses droits, relatifs notamment à la possibilité de demander l'asile, lui avaient été notifiés le même jour à 15 H 30.

6. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, tenant compte de cette demande d'asile, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 19 septembre 2019.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

Sur le moyen commun à toutes les décisions :

8. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C... B..., chef du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. A..., a cité les éléments pertinents qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 19 novembre 2019, lequel a été signé par l'intéressé et par son interprète. A cette occasion, l'intimé a pu faire valoir ses observations concernant notamment sa situation administrative et personnelle et son parcours migratoire. Il a été informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre et a pu présenter ses observations sur ce point. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la brièveté de l'audition ait empêché l'intéressé de s'exprimer sur les aspects pertinents de sa situation. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A... disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

11. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

12. M. A... est célibataire et sans enfant à charge. Selon ses écritures, il était en France depuis une semaine à la date de l'arrêté attaqué. Il ne justifie d'aucune attache familiale en France, ni d'aucune insertion sociale ou professionnelle. Dans ses conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. A... et énonce que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait.

16. M. A... affirme que sa vie serait en danger en cas de retour en Albanie en raison d'une vendetta dont il serait victime. Cependant, il se borne à faire état de la situation générale en Albanie et ne produit aucun élément probant de nature à appuyer ses déclarations ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels il serait susceptible d'être personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision refusant un délai de départ volontaire :

18. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. L'arrêté attaqué vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. A... ne justifie pas résider régulièrement sur le territoire, n'a pas sollicité de titre de séjour et n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective et permanente. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

20. Il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de M. A... qu'il est entré irrégulièrement en France. Il ne présente pas de document d'identité et ne justifie ni de ressources, ni d'un lieu de résidence effective. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence même de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressé n'a fait état ni devant l'administration, ni devant la juridiction administrative d'éléments susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

22. Compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

23. Après s'être référé aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir évoqué les conditions d'entrée et de séjour de M. A... en France, le préfet du Pas-de-Calais a également pris en compte l'absence de liens privées et familiaux en France, l'absence de mesure d'éloignement précédente et le fait que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.

24. La circonstance que M. A... n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 2 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision de retour sur le territoire français.

25. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 19 novembre 2019.

27. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°20DA00008 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00008
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-13;20da00008 ?
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