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12/11/2020 | FRANCE | N°20DA00898

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 novembre 2020, 20DA00898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1907276 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, Mme F..., épouse E..., représentée pa

r Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1907276 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, Mme F..., épouse E..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., épouse E..., ressortissante algérienne, née le 22 novembre 1987, est entrée en France le 6 août 2015 munie de son passeport revêtu d'un visa de type C délivré le 28 mai 2015 par les autorités consulaires maltaises à Alger, valable du 23 juillet au 14 août 2015. Elle a sollicité, le 15 février 2018, la délivrance d'une carte de séjour en faisant valoir son état de santé. Par un arrêté du 30 juillet 2019, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour et a obligé l'intéressée à quitter le territoire français. Mme F..., épouse E..., relève appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme F..., épouse E..., le préfet du Nord s'est notamment fondé sur l'avis émis le 30 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cet avis relève également que l'intéressée peut voyager sans risque pour sa santé vers son pays d'origine. Afin d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale de son état de santé serait de nature à entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme F..., épouse E..., qui indique qu'elle souffre d'une pathologie mentale en raison d'un vécu traumatique intrafamilial en Algérie, se prévaut de certificats médicaux établis par un praticien hospitalier dont il ressort que l'intéressée est suivie régulièrement depuis le mois d'août 2017 pour une dépression sévère et qu'elle bénéficie à cet effet de traitements antidépresseurs et anxiolytiques. La requérante se prévaut en outre, en cause d'appel, d'une attestation du 28 janvier 2020 établie par son infirmière qui indique qu'une rupture de ces soins et un retour dans son pays d'origine serait désastreux pour sa santé mentale et son équilibre affectif. Toutefois, ce document, eu égard à son caractère succinct et peu circonstancié quant aux conséquences médicales de l'arrêt du suivi psychologique et du traitement médicamenteux dont bénéficie la requérante, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Nord au vu, notamment, de l'avis émis le 30 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité susceptibles de s'attacher à un défaut de prise en charge médicale de son état de santé, Mme F..., épouse E..., qui ne peut utilement se prévaloir de l'absence, selon ses allégations, d'un suivi psychologique et psychiatrique approprié à son état de santé dans son pays d'origine, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme F..., épouse E..., fait valoir sa présence sur le territoire français depuis 2015, que ses deux fils, nés en France, y sont scolarisés, et qu'elle bénéficie d'un accompagnement social et médical qui lui est indispensable et dont l'arrêt serait désastreux pour son équilibre mental. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, qui est séparée de son époux, contre lequel elle a déposé plainte le 19 novembre 2018 pour violences conjugales, ne démontre pas avoir noué en France des relations personnelles ou professionnelles d'une particulière intensité. Par ailleurs, il n'est pas davantage établi qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que trois de ses enfants. En outre, la requérante n'établit pas qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, où ses fils pourront poursuivre leur scolarité. Enfin, ainsi qu'il a été exposé au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme F..., épouse E..., empêcherait son retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté de même que, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme F..., épouse E....

8. Il résulte de ce qui précède que Mme F..., épouse E..., n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que Mme F..., épouse E..., n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Pour les motifs mentionnés au point 7, Mme F..., épouse E..., n'est ni fondée à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Ainsi qu'il a été exposé au point 7, la requérante n'établit pas qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, où ses deux fils, nés en France respectivement les 24 octobre 2015 et 2 avril 2017, pourront poursuivre leur scolarité. Dès lors, la décision contestée n'est pas de nature à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de la requérante qui est en principe de pouvoir vivre auprès de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F..., épouse E..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F..., épouse E..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F..., épouse E..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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N°20DA00898 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00898
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-12;20da00898 ?
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