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10/12/2020 | FRANCE | N°20DA00993

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 décembre 2020, 20DA00993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1909054 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet et 10 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me F....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1909054 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet et 10 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me F... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 28 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous la même condition de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante du Kirghizistan née le 26 décembre 1989, est entrée en France le 20 mai 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 20 mai au 29 mai 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 28 septembre 2015 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 24 juin 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 28 août 2019, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 12 novembre 2018, sur lequel le préfet s'est notamment fondé, le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C..., qui souffre d'une spondyloarthrite ankylosante, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existait toutefois un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers cette destination. En réponse au courrier de Mme C... qui demandait les éléments ayant permis au collège de médecins de se prononcer sur l'offre de soins existante au Kirghizistan, l'office français de l'immigration et de l'intégration a, par un courrier du 6 août 2020, orienté la requérante vers son site internet sur lequel figure notamment la liste des ressources documentaires internationales publiques de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine. Mme C... soutient en se prévalant de la liste des médicaments disponibles au Kirghizstan figurant dans un document de l'Organisation mondiale de la santé, accessible sur le site de l'office français de l'immigration et de l'intégration, que le médicament qu'elle s'administre tous les quinze jours par injection, le Cimzia, agent anti-TNF et plus précisément son principe actif à savoir le certolizumabl pegol, ne figure pas dans la liste des médicaments disponibles dans son pays d'origine.

7. La requête d'appel de Mme C... a été communiquée le 24 août 2020 au préfet du Nord qui a été mis en demeure le 16 septembre 2020 de produire sous quinze jours un mémoire en défense. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. Le préfet du Nord doit être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête en application de l'article R. 612-6 précité. Cette circonstance ne dispense toutefois pas la juridiction de vérifier que les faits allégués par la requérante ne sont pas contredits par les autres pièces du dossier. En l'espèce, l'inexactitude des faits allégués par Mme C... ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, et notamment pas du dossier de première instance, dans lequel le préfet n'avait d'ailleurs versé que des pièces sans produire de mémoire en défense. Dans ces conditions, dès lors que la situation de fait alléguée par Mme C... quant à la disponibilité de son traitement n'est pas contredite par les pièces du dossier, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet du Nord a méconnu les stipulations du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que par voie conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à Mme C... un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les dépens :

10. L'instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme C... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 11 juin 2020 et l'arrêté du 28 août 2019 du préfet du Nord sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme C... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... D... pour Mme A... C..., au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur.

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N°20DA00993

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00993
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : LEQUIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-10;20da00993 ?
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