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30/12/2020 | FRANCE | N°18DA01733

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 décembre 2020, 18DA01733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une instance enregistrée le 31 août 2015 sous le n°1507078, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 à hauteur de la somme totale de 423 152 euros. Par une instance enregistrée le 2 janvier 2017 sous le n°1704947, l'administration a soumis d'office à ce tribunal la réclamation présent

e aux mêmes fins par M. C....

Par un jugement n° 1507078,1704947 du 12 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une instance enregistrée le 31 août 2015 sous le n°1507078, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 à hauteur de la somme totale de 423 152 euros. Par une instance enregistrée le 2 janvier 2017 sous le n°1704947, l'administration a soumis d'office à ce tribunal la réclamation présentée aux mêmes fins par M. C....

Par un jugement n° 1507078,1704947 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille, qui a joint ces deux instances, a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. C... à hauteur du dégrèvement de la somme de 14 858 euros, en droits et pénalités, intervenu en cours d'instance en matière de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2010, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande et de sa réclamation soumise d'office par l'administration.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 août 2018, le 21 mars 2019 et le 3 décembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal n'a pas fait droit aux conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer, d'une part, la réduction à concurrence de 57 488 euros, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées au titre de l'année 2010 et à concurrence de 52 597 euros, en droits et pénalités, les prélèvements sociaux assignés au titre de cette même année, d'autre part, de réduire les prélèvements sociaux assignés au titre de l'année 2011 du coefficient de 1,25 appliqué par l'administration sur le fondement du 7. de l'article 158 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les droits de plaidoirie.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... était le gérant de la SARL Multisolutions Bâtiment, placée en liquidation judiciaire le 19 octobre 2010, dont le capital était détenu par la SARL Concept Invest dont il était l'associé unique. A la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le service vérificateur lui a fait savoir, par une proposition de rectification du 8 juillet 2013, qu'il envisageait des rectifications, en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, à hauteur de la somme totale, en droits et pénalités, de 319 254 euros, au titre de l'année 2010 et de 103 898 euros, au titre de l'année 2011. Pour asseoir ces rehaussements, le vérificateur a relevé que M. C... avait bénéficié, au titre de l'année 2010, de la part de la société Multisolutions Bâtiment, de la distribution d'avantages occultes, au sens des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, tenant, d'une part, à l'utilisation, pour la rénovation de son habitation au 14 rue Félix Coquelle à Dunkerque, de matériaux acquis par cette société pour un montant de 69 238 euros ainsi qu'au recours, à cet effet, au personnel de cette société pour un montant de 178 207 euros, et, d'autre part, au détournement de biens appartenant à cette société pour un montant de 93 349 euros. En outre, au titre de l'année 2011, l'administration a imposé entre les mains de M. C... la somme de 102 265 euros qu'elle a regardée comme une distribution, au sens des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du même code, effectuée par la société Concept Invest, par l'inscription de cette somme au compte courant d'associé de l'intéressé. Ces suppléments d'imposition ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2014. M. C... relève appel du jugement du 12 juillet 2018 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande aux fins de décharge de ces suppléments d'imposition.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C... soutenait, dans son mémoire enregistré le 30 décembre 2015 au greffe du tribunal, que l'administration avait méconnu le principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu, dès lors qu'elle avait imposé au titre de l'année 2010 l'ensemble des avantages occultes rehaussés, alors que certaines de ces distributions se rattachaient aux années antérieures. Au point 15 du jugement attaqué, les premiers juges ont écarté ce moyen, en tant qu'il était soulevé à l'encontre des rectifications procédant des prestations de rénovation de l'habitation de M. C..., au regard de la date de réalisation de ces prestations, mais n'ont pas exposé les motifs pour lesquels ce moyen, qui n'était pas inopérant, devait être écarté s'agissant du chef de redressement se rapportant au détournement d'actifs de la société Multisolutions Bâtiment, alors que le demandeur avait fait valoir au soutien de ce moyen un argumentaire, certes sommaire, tiré de ce que les actifs détournés avaient été acquis avant l'exercice clos en 2010 par cette société. M. C... est donc fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur ce chef de redressement d'un montant de 74 679 euros en base, avant majoration par le coefficient prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts, est insuffisamment motivé et est entaché, à ce titre, d'irrégularité.

3. Par suite, il y a lieu d'évoquer dans cette mesure, de statuer immédiatement sur les conclusions de M. C... devant le tribunal administratif de Lille aux fins de décharge des suppléments d'imposition assignés au titre de l'année 2010 à raison du détournement des actifs de la société Multisolutions Bâtiment et de statuer sur les autres conclusions de la requête par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. La méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié. Cette obligation n'implique pas, toutefois, que l'administration soumette au débat l'ensemble des éléments qu'elle a rassemblés à cet effet. En particulier, l'administration n'est pas tenue d'engager avec le contribuable un débat oral préalable à la notification de redressement contradictoire qu'elle adresse à partir des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication.

5. Il résulte de l'instruction que la procédure d'imposition a donné lieu à cinq entretiens, dans les locaux du service vérificateur, en présence du contribuable, entre le 17 octobre 2012 et le 5 juillet 2013. Trois de ces entretiens se sont tenus après la remise à M. C..., le 19 décembre 2012, des documents relatifs à la procédure pénale, dont l'intéressé faisait l'objet, que l'autorité judiciaire avait transmis à l'administration en application de l'article 101 du livre des procédures fiscales et dont la teneur avait été exposée oralement au contribuable dès le premier de ces entretiens. Au cours de la dernière réunion, le 5 juillet 2013, le vérificateur a présenté à M. C... l'ensemble des rectifications envisagées. Si, comme il ressort de la proposition de rectification du 8 juillet 2013, ont été particulièrement évoqués, au cours de ces entretiens, les crédits portés sur les comptes bancaires de M. C... ainsi que les justificatifs de ces opérations apportés par ce dernier, il n'est pas établi pour autant que l'intéressé aurait été privé, au cours de ces opérations de contrôle, de la possibilité de débattre avec le vérificateur des renseignements issus de la procédure pénale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité à ce titre.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne les avantages occultes imposés au titre de l'année 2010 :

6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c) les rémunérations et avantages occultes ;/ (...) ".

7. Il est constant que M. C... a été condamné, par un jugement du 19 octobre 2012 du tribunal correctionnel de Dunkerque, des chefs d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actifs commis dans le cadre de son activité de gérant de la société Multisolutions Bâtiment. Par un second jugement du 4 décembre 2014, statuant sur l'action civile, M. C... a été condamné par ce tribunal à verser au liquidateur de cette société, respectivement, la somme de 218 379 euros au titre du chef d'abus de biens sociaux et celle de 50 000 euros au titre de celui de banqueroute par détournement d'actifs. A l'issue de la procédure de rectification contradictoire, l'administration a estimé que M. C... avait, dans le cadre de la commission de ces infractions, bénéficié d'avantages occultes et, sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'a imposé, au titre de l'année 2010, à hauteur de 247 445 euros en base s'agissant de l'abus de biens sociaux et de 74 679 euros en base s'agissant du détournement d'actifs de la société.

S'agissant des avantages occultes se rapportant à la rénovation de l'habitation de M. C... :

8. En vertu de l'article 12 du code général des impôts, les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de l'année concernée. Pour l'application de ces dispositions, les distributions occultes sont imposées en fonction de la date de leur versement si elle peut être établie. A défaut, elles sont présumées opérées à la clôture de l'exercice auquel la société distributrice les a rattachées.

9. D'une part, l'administration a regardé comme étant des rémunérations et avantages occultes visés au c) de l'article 111 du code général des impôts et imposés au titre de l'année 2010 pour un montant global de 247 445 euros, des achats de matériaux effectués pour le compte de M. C... par la société Multisolutions Bâtiment ainsi que des prestations de main d'oeuvre effectuées par cette dernière au domicile du contribuable situé au 14, rue Félix Coquelle à Dunkerque. M. C... soutient que, en procédant de la sorte, l'administration a méconnu le principe d'annualité de l'impôt en regardant l'ensemble de ces avantages comme ayant été mis à sa disposition au cours de l'année 2010 alors que la majorité des achats et des travaux était intervenue en 2008 et en 2009. Au soutien de ces assertions, M. C... produit en cause d'appel des factures d'achat de matériaux par la société Multisolutions Bâtiment établies en 2008 et 2009, dont trois seulement, d'ailleurs, comportent une mention permettant de les rattacher au chantier de son habitation, sans justifier, toutefois, que ces factures auraient été réglées par la société avant l'année 2010, ou même comptabilisées en charges par celle-ci avant l'exercice clos en 2010. Par ailleurs, le jugement du 19 octobre 2012 portant condamnation M. C... pour abus de biens sociaux, s'il indique que les faits réprimés de ce chef, qui ne se limitaient pas au chantier de l'habitation de M. C..., ont été commis entre le 1er janvier 2008 et le mois d'août 2010, qui correspond à l'achèvement du chantier de rénovation de son domicile, ne comporte toutefois aucune mention de nature à établir que les prestations que l'administration a regardées comme constitutives d'avantages occultes, auraient été distribuées à l'intéressé avant l'année 2010. Il en est de même des extraits du rapport d'expertise versé à l'instruction par le requérant, ayant trait à l'évaluation des prestations en cause à partir des factures produites par l'intéressé. Par suite, en intégrant au titre de la seule année 2010 l'ensemble des avantages occultes procurés par l'achat de ces matériels et matériaux dont M. C... a bénéficié, l'administration n'a pas méconnu le principe d'annualité de l'impôt.

10. D'autre part, contrairement à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les avantages occultes résultant pour M. C... de l'utilisation du personnel de la société Multisolutions Bâtiment pour les travaux de rénovation de son habitation aurait constitué un ensemble indissociable, leur versement doit être réputé intervenu non à la date de l'achèvement du chantier mais au regard des périodes d'intervention de ce personnel. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapprochement des déclarations de salariés effectuées dans le cadre de l'expertise mentionnée au point précédent, sur lesquelles l'administration s'est fondée pour assigner les rectifications contestées, que M. R. a été employé par la société Multisolutions Bâtiment pour participer, durant deux des trois mois de son engagement à temps complet durant la seule année 2009, au chantier de rénovation de l'habitation de M. C.... L'avantage estimé par juste appréciation à 300 heures de main d'oeuvre, dont M. C... a ainsi bénéficié, doit donc être retranché des 3 773 heures de main d'oeuvre que l'administration a retenues pour assoir ce chef de redressement. En faisant application de l'estimation à un montant horaire de 44,77 euros hors taxes, majoré par l'application d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %, sur laquelle l'administration s'est fondée pour évaluer l'avantage de main d'oeuvre dont a bénéficié M. C..., il y a lieu de réduire d'un montant de 14 170 euros, la base de 247 445 euros soumise, à l'impôt sur le revenu de l'appelant au titre de l'année 2010 sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 de ce code. En revanche, il ne résulte pas des autres éléments versés à l'instruction, qui ne permettent pas de déterminer la date de réalisation des différents travaux de rénovation de l'habitation, que le surplus du montant de main d'oeuvre rehaussé par l'administration correspondrait, comme M. C... le soutient, à des interventions antérieures à l'année 2010.

S'agissant du détournement d'actifs de la société Multisolutions Bâtiment :

11. En premier lieu, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition.

12. D'une part, il résulte des mentions même du jugement du 19 octobre 2012 du tribunal correctionnel de Dunkerque, que les faits de détournement d'actifs, qui sont le support de la condamnation prononcée par le juge pénal à partir des constats que le liquidateur de la société Multisolutions Bâtiment a effectués en 2010, ont été commis du 14 septembre 2010 au 19 octobre 2010. Par suite, en intégrant les avantages occultes procurés par ces détournements au titre de la seule année 2010, l'administration n'a pas méconnu le principe d'annualité de l'impôt. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point précédent et contrairement à ce que soutient M. C..., l'administration n'était pas tenue par les montants indiqués dans le jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal correctionnel de Dunkerque a statué sur les intérêts civils, après qu'a été retenue la responsabilité pénale de l'intéressé à raison du détournement d'actifs de la société Multisolutions Bâtiments.

13. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'administration a retenu un montant exagéré en évaluant à la somme de 74 679 euros les revenus distribués liés à l'appréhension par celui-ci, constitutive du délit de détournement d'actif, de matériels appartenant à la société Multisolutions Bâtiment. Il fait notamment valoir que ce matériel a été évalué par un commissaire-priseur à un montant de 65 321 euros et que le juge pénal l'a condamné à réparer le préjudice subi par la société Multisolutions Bâtiment, du fait de la dissimulation de ce même matériel, à hauteur de 45 000 euros, pour tenir compte de sa dépréciation. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, la méthode d'appréciation retenue par le juge pénal ne s'imposait pas au vérificateur. En outre, M. C..., en tout état de cause, n'établit pas, par l'état simplifié des immobilisations de la société Multisolutions Bâtiment qu'il produit, qui ne permet pas un recoupement avec le matériel détourné, que certains des biens concernés auraient fait, comme il l'allègue, l'objet d'un amortissement par cette société. Il ne peut davantage se prévaloir, pour estimer la valeur vénale des actifs détournés, de ce que certains d'entre eux étaient susceptibles de faire l'objet d'une écriture comptable d'amortissement sur cinq ans, et n'apporte au soutien de ses assertions, d'ordre général, aucun élément circonstancié de nature à établir la dépréciation de la valeur des actifs en cause, acquis entre un et deux ans avant le détournement, y compris en ce qui concerne les biens consommables ou de faible valeur. Par suite, le vérificateur était fondé, pour reconstituer le montant du revenu ainsi distribué, à retenir le prix d'achat des matériels et fournitures en cause.

14. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., le montant des revenus distribués résultant du matériel détourné par lui doit nécessairement intégrer la taxe sur la valeur ajoutée, quand bien même la société Multisolutions Bâtiment aurait procédé à la récupération de ladite taxe sur la valeur ajoutée lors de l'achat du matériel, dès lors qu'il aurait dû s'en acquitter en cas d'achat de ce même matériel par lui directement. Il ne peut utilement soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux biens usagés dès lors qu'aucune transaction n'est intervenue entre lui-même et la société dont il a détourné le matériel. Par suite, le moyen tiré de ce que la taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas dû être incluse dans la base d'imposition du requérant ne peut qu'être écarté.

15. En quatrième lieu, M. C... soutient que l'administration, en rehaussant à hauteur d'un montant de 28 740,26 euros toutes taxes comprises l'avantage occulte constitué par le détournement de matériels acquis par la société Multisolutions Bâtiment auprès de la société Hilti, a nécessairement procédé à un double compte de la taxe sur la valeur ajoutée à un taux de 19,6 %, dès lors que le montant des factures délivrées par cette société, produites au dossier, s'élève à un montant de 24 030,32 euros toutes taxes comprises. Toutefois, contrairement à ce qu'il fait valoir, le total de ces 18 factures, accompagnées d'un avoir, s'élève à un montant de 22 310,33 euros toutes taxes comprises, auquel il convient d'ajouter, ainsi que le relève le ministre de l'action et des comptes publics, deux factures d'un montant respectif de 6 169,57 euros toutes taxes comprises et de 259,41 euros toutes taxes comprises qui, si elles ne sont pas produites, sont mentionnées dans l'état récapitulatif des factures délivrées par la société Hilti, également versé à l'instruction, qui est lui aussi tiré des éléments de la procédure pénale issus du droit de communication. La circonstance avancée par M. C..., tirée de ce que la facture de 6 169,57 euros correspond au cumul de deux autres factures établies à une date antérieure, n'est pas de nature, à elle seule, à infirmer la valeur probante de cet état quant à la réalité de cette facturation. Dès lors, compte tenu de la différence de 95 centimes d'euros seulement entre le montant de 28 740,26 euros toutes taxes comprises indiqué dans la proposition de rectification du 8 juillet 2013 et celui de 28 739,31 euros résultant de l'addition des factures mentionnées sur cet état récapitulatif, le moyen, tel qu'il est articulé, doit être écarté.

S'agissant de la somme de 102 265 euros portée au compte courant d'associé de la société Concept Invest :

16. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il incombe à l'associé qui souhaite échapper à cette imposition, de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

17. En premier lieu, M. C... soutient que la somme de 102 665 euros, inscrite à son compte courant d'associé de la société Concept Invest, ne peut être regardée comme une distribution au sens des dispositions rappelées au point précédent, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, dès lors qu'elle constitue la contrepartie de la vente de matériels qu'il a opérée à cette société, le 17 janvier 2011. Toutefois, pour établir la réalité de cette cession, M. C... se borne à produire une facture de ce montant, qui ne comporte toutefois aucune description des biens cédés et que l'administration considère être de complaisance dès lors que, selon les déclarations mêmes de l'intéressé au cours des opérations de contrôle, les matériels en cause sont ceux qui ont été détournés par ses soins directement de la société Multisolutions Bâtiment à la société MSB nouvellement créée. En outre, ainsi que les premiers juges l'ont indiqué à bon droit, la condamnation pénale pour détournement d'actifs ne saurait avoir emporté transfert de propriété au bénéfice de M. C.... Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé la somme de 102 665 euros comme une distribution, au sens des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et l'a intégrée dans les revenus imposables de M. C... au titre de l'année 2011, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le rehaussement résultant de la réintégration énoncée au point précédent n'a pas été assorti du coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être fait légalement application de ce coefficient de majoration ne peut qu'être écarté.

19. Enfin, M. C... se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, le moyen tiré de ce qu'il a fait l'objet, s'agissant de ce chef de rehaussement, d'une double imposition. Il y a lieu, par adoption des motifs énoncés à bon droit par les premiers juges au point 18 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.

20. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille doit être annulé, en tant que les premiers juges ont rejeté la demande de M. C... aux fins de décharge du supplément d'imposition au titre de l'année 2010 résultant, à hauteur d'un montant de 74 679 euros en base, du détournement d'actifs de la société Multisolutions Bâtiment et que la demande tendant à la décharge de ce supplément d'imposition doit être rejetée. D'autre part, M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la réduction de l'imposition des avantages occultes assignée au titre de l'année 2010, à concurrence de la somme de 14 170 euros en base, et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés devant la cour. Enfin, les conclusions de M. C... tendant au remboursement de droits de plaidoirie, qui ne sont pas au nombre des dépens de l'instance, doivent, en tout état de cause, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La base soumise à l'impôt sur le revenu de M. C... au titre de l'année 2010 est réduite à concurrence de la somme de 14 170 euros.

Article 2 : M. C... est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été soumis au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, dans la mesure de la réduction en base prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt et annulé en tant que les premiers juges ont rejeté la demande de M. C... aux fins de décharge du supplément d'imposition au titre de l'année 2010 résultant, à hauteur de 74 679 euros en base, du détournement d'actifs de la société Multisolutions Bâtiment.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille aux fins décharge du rehaussement mentionné à l'article 3 ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

8

N°18DA01733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01733
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.

Procédure - Jugements - Chose jugée - Chose jugée par la juridiction judiciaire - Chose jugée par le juge pénal.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-30;18da01733 ?
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