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16/02/2021 | FRANCE | N°19DA01870

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 16 février 2021, 19DA01870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise aux fins de réévaluer la responsabilité du centre hospitalier d'Eu quant aux complications qu'il a subies à la suite de sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 23 juillet 2008 pour un traumatisme de la cheville gauche, de condamner le centre hospitalier d'Eu à lui verser, à titre provisionnel, une indemnité de 100 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement la somme

de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise aux fins de réévaluer la responsabilité du centre hospitalier d'Eu quant aux complications qu'il a subies à la suite de sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 23 juillet 2008 pour un traumatisme de la cheville gauche, de condamner le centre hospitalier d'Eu à lui verser, à titre provisionnel, une indemnité de 100 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702618 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de M. B..., celles de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise ainsi que les conclusions du centre hospitalier d'Eu présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août et 30 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise aux fins de réévaluer la responsabilité du centre hospitalier d'Eu quant aux complications qu'il a subies à la suite de sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 23 juillet 2008 pour un traumatisme de la cheville gauche ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Eu à lui verser, à titre provisionnel, une indemnité de 100 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juillet 2008, à la fin de sa journée de travail, M. B..., agent immobilier, s'est rendu au service des urgences du centre hospitalier d'Eu pour un traumatisme de la cheville gauche dû à un trébuchement sur une bordure de trottoir. M. B... est sorti de l'hôpital le soir même, le diagnostic ayant été posé d'une entorse de la cheville, avec prescription d'une orthèse de marche, d'un traitement antalgique et d'une consultation de contrôle à dix jours du traumatisme. Il lui a également été prescrit un arrêt de travail à l'expiration duquel, le 28 juillet 2008, M. B... a consulté son médecin traitant qui, face à la persistance des douleurs, a régulièrement prolongé cet arrêt. Des radiographies et une échographie réalisées le 14 septembre suivant ont mis en évidence un diastasis tibio-astragalien mesuré à 7° en varus forcé, sans lésion osseuse. Le 16 septembre 2008, M. B... a consulté un chirurgien orthopédique qui a prescrit la mise en place d'une botte en résine dont le retrait a été suivi de plusieurs séances de kinésithérapie et d'un traitement de la douleur. L'état de santé de M. B... a été regardé comme stabilisé au 1er avril 2013 par le médecin de la caisse primaire d'assurance maladie. Entre-temps, par une décision du 5 Juillet 2012, la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue. Estimant sa prise en charge au centre hospitalier d'Eu fautive, M. B... a déposé une demande en référé expertise et provision devant le tribunal administratif de Rouen le 30 juillet 2014. Par une ordonnance du 25 septembre 2014, le juge des référés a désigné le docteur Loisel en qualité d'expert judiciaire, qui a rendu son rapport définitif le 12 novembre 2014. Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 24 août 2017, M. B... a demandé l'organisation d'une nouvelle expertise et le versement d'une indemnité provisionnelle de 100 000 euros. Par un jugement n° 1702618 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur l'utilité d'une nouvelle expertise :

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...). " Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

3. Il résulte de l'instruction que les opérations d'expertise menées par le docteur Loisel, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, se sont régulièrement déroulées au contradictoire de l'ensemble des parties. L'expert s'est prononcé sur les conditions de la prise en charge de M. B... au service des urgences du centre hospitalier d'Eu et a répondu de façon suffisamment précise et circonstanciée à l'ensemble des questions qui lui étaient posées, notamment à la question de savoir si cette prise en charge avait été conforme aux données acquises de la science médicale au moment des faits, sur les investigations réalisées et la thérapeutique adoptée, sur l'origine des complications subies ultérieurement et, notamment, sur le lien entre les actes et prescriptions effectués au centre hospitalier d'Eu et le développement ultérieur d'un syndrome algoneurodystrophique, ainsi que sur la prise en charge de M. B... après son passage au service des urgences.

4. M. B... se prévaut, au soutien de sa demande d'une nouvelle expertise, de plusieurs avis médicaux postérieurs à cette prise en charge et, en particulier, d'un rapport d'expertise établi le 2 septembre 2016 par le docteur Mouillard, diplômé de réparation juridique du dommage corporel, dans le cadre d'un contentieux civil l'opposant à un organisme de crédit, aux termes duquel la prise en charge tardive de l'entorse après deux mois d'abstention thérapeutique adéquate chez un sujet de plus de 100 kilogrammes pourrait certainement, selon cet expert, être tenue pour responsable de la plupart des complications survenues dans les suites de cet accident. Toutefois, ce rapport, moins précis et circonstancié sur les conditions de prise en charge au centre hospitalier et non mené contradictoirement, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions du docteur Loisel sur la conformité aux règles de l'art et aux données acquises de la science de la prise en charge initiale de M. B... par le centre hospitalier, ni à établir que les éléments médicaux recueillis au cours de l'instruction par le tribunal étaient insuffisants pour apprécier en toute connaissance de cause le bien-fondé de la demande de M. B.... Il en va de même des observations médicales faites par les médecins consultés par M. B... à la suite de sa seconde chute survenue en janvier 2018, qui se bornent à établir un lien entre les deux traumatismes, sans apporter d'élément de contradiction sur la prise en charge au service des urgences du centre hospitalier d'Eu en juillet 2008. Ainsi, le tribunal administratif a pu régulièrement se prononcer sans ordonner une nouvelle expertise judiciaire, inutile en l'espèce. La cour disposant également des éléments lui permettant de statuer sur le litige, les conclusions présentées par M. B... afin que soit prescrite une nouvelle expertise doivent être rejetées.

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Eu et la demande de provision :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. "

6. S'agissant de la prise en charge du traumatisme subi par M. B... au service des urgences du centre hospitalier d'Eu le 23 juillet 2008, l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen relève qu'aucun manquement aux règles de l'art ne peut être retenu compte tenu de l'absence d'image en faveur d'une lésion post-traumatique ou d'œdème des parties molles et précise que " dans ce contexte, la mise en route d'un traitement antalgique avec un contrôle à J10 post-accident correspond à une prise en charge conforme à ce qui est habituel de constater et en rapport avec les données acquises de la science médicale ", l'intéressé s'étant aussi vu prescrire une orthèse de marche. Ces conclusions, qui ne sont sérieusement contredites par aucune des pièces médicales versées au dossier, y compris l'expertise médicale du docteur Mouillard, permettent de considérer que le centre hospitalier d'Eu n'a, au cours de la prise en charge de M. B... au service des urgences, commis aucune faute médicale, tant dans l'élaboration du diagnostic que dans le choix thérapeutique opéré, de nature à engager sa responsabilité. Il suit de là que M. B..., qui au surplus ne s'est pas présenté à la visite de contrôle qui lui avait été prescrite dix jours après, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'indemnisation, présentée à titre provisionnel, des préjudices subis en raison des complications survenues dans la suite de cette prise en charge.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête en appel de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au centre hospitalier d'Eu.

4

N°19DA01870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA01870
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : REGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-16;19da01870 ?
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