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16/03/2021 | FRANCE | N°19DA00524

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 mars 2021, 19DA00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Véloxygène a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole a refusé de prévoir des aménagements cyclables à l'occasion de travaux de rénovation de la rue Saint-Fuscien à Amiens.

Par un jugement n° 1603563 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er m

ars 2019 et des mémoires enregistrés les 23 avril 2020, 1er octobre 2020 et 3 novembre 2020, l'assoc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Véloxygène a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole a refusé de prévoir des aménagements cyclables à l'occasion de travaux de rénovation de la rue Saint-Fuscien à Amiens.

Par un jugement n° 1603563 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2019 et des mémoires enregistrés les 23 avril 2020, 1er octobre 2020 et 3 novembre 2020, l'association Véloxygène, représentée par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler la décision du 2 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération Amiens Métropole de réexaminer les demandes formulées par l'association et d'y répondre dans un délai de deux mois et sous astreinte de 100 euros ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens Métropole la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la route ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me E... B..., représentant l'association Véloxygène, et de Me F... C..., représentant la communauté d'agglomération Amiens Métropole.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. L'association Véloxygène a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole a refusé de modifier les aménagements cyclables prévus à l'occasion de travaux de rénovation de la rue Saint-Fuscien à Amiens. Le tribunal administratif a rejeté cette demande par un jugement du 18 décembre 2018 dont l'association fait appel.

Sur la recevabilité de la requête :

En ce qui concerne la production de la décision attaquée :

2. En application des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 81113 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué et non de la décision administrative qui a fait l'objet de la demande de première instance. Par suite, la communauté d'agglomération Amiens métropole ne peut utilement soutenir, en tout état de cause, que la décision du 2 novembre 2016 devait être produite en appel.

En ce qui concerne la qualité du président pour agir :

3. La présentation d'une action par un avocat ne dispense pas le juge administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action.

4. L'association requérante a précisé dans ses écritures qu'elle était représentée par M. D... A... son président en exercice à la date d'introduction de la requête et elle a produit d'une part ses statuts qui prévoient à leur article 3 que le président a qualité pour ester en justice après consultation et accord du conseil d'administration, d'autre part, un relevé de décisions du même conseil d'administration du 19 février 2019 qui a désigné M. A... pour représenter l'association en appel dans la présente affaire.

5. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant été été régulièrement autorisé à agir par le conseil d'administration de l'association requérante alors même que le relevé de décisions susmentionné n'a pas été signé, aucune disposition du code de justice administrative ni aucune stipulation des statuts de l'association n'exigeant un tel formalisme.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'existence d'une décision faisant grief :

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 22 juin 2016, l'association requérante a demandé au président de la communauté d'agglomération de revoir le projet de rénovation de la rue Saint-Fuscien. En réponse à cette lettre, cette autorité lui a indiqué, par un courrier du 22 juillet 2016, les propositions de modification qui seraient prises en compte. L'association requérante a alors sollicité auprès de la communauté d'agglomération des modifications supplémentaires, par une lettre du 13 septembre 2016, à laquelle le président a, par la lettre du 2 novembre 2016 en litige, opposé un refus. Compte tenor de son objet et de sa portée, un tel refus constituait un acte faisant grief susceptible de recours.

En ce qui concerne l'intérêt pour agir :

7. Aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association requérante a notamment pour objet, sur le territoire d'Amiens métropole et du pays du Grand Amiénois, de promouvoir l'usage de la bicyclette comme moyen de déplacement, de développer ou d'appuyer toute action de nature à en améliorer l'utilisation, de défendre les intérêts matériels et moraux des usagers cyclistes et de veiller au respect de la réglementation, notamment routière, urbanistique et environnementale, intéressant directement ou indirectement les usagers du vélo et la sécurité des cyclistes. Ainsi elle disposait d'un intérêt tant matériel que géographique lui donnant qualité à agir contre la décision en litige.

Sur la légalité de la décision attaquée :

8. Aux termes de l'article L. 228-2 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " A l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. / L'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu'il existe. ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'itinéraire cyclable dont elles imposent la mise au point à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation d'une voie urbaine doit être réalisé sur l'emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création d'une piste cyclable ou d'un couloir indépendant ou, à défaut, d'un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles. Les besoins et contraintes de la circulation doivent être pris en considération pour déterminer quels aménagements doivent être créés. Une dissociation partielle de l'itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l'impose au regard des besoins et contraintes de la circulation.

En ce qui concerne l'existence d'une rénovation au sens de l'article L. 228-2 du code de l'environnement :

10. Il ressort des pièces du dossier que les travaux entrepris sur la rue Saint Fuscien, voie urbaine, consistaient en la réfection complète de la chaussée. Ils entraient donc dans le champ d'application de la disposition précitée.

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée pour le tronçon nord :

11. Sur le tronçon nord de la rue Saint-Fuscien compris entre le carrefour de la Croix Rompue et le boulevard de Bapaume, le seul aménagement prévu pour les cyclistes a été de réaliser, par des marquages au sol, des remonte-files d'une longueur d'environ 25 mètres avec sas vélo à l'approche du carrefour de la Croix Rompue et des boulevards.

12. D'une part, la communauté d'agglomération indique que les objectifs du réaménagement de la rue étaient d'assurer la fluidité du trafic, de pacifier les vitesses et de prendre en compte une forte demande de stationnement et que, dans ce cadre, le tronçon nord de la rue, sur lequel la circulation est particulièrement dense, ne disposait pas d'une emprise suffisante permettant la création d'un itinéraire cyclable.

13. Toutefois, l'association requérante indique que les places de stationnement pour voitures aménagées sur la rue Saint-Fuscien à l'occasion de la rénovation sont sous-utilisées et la communauté d'agglomération n'a produit à l'instance aucun élément de nature à établir l'importance du besoin de stationnement sur cette rue qui n'est ni commerçante ni densément construite et qui présente des espaces de stationnement privés.

14. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les besoins et contraintes de la circulation imposaient la réalisation de places de stationnement pour voitures de chaque côté de la rue et faisaient ainsi obstacle à la mise en place, sur ce tronçon de rue qui présentait pourtant une largeur suffisante, d'itinéraires cyclables pourvus d'aménagements plus sécurisés que les simples marquages au sol prévus, lesquels en outre étaient réalisés seulement à l'approche des intersections.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'itinéraire alternatif plus sécurisé pour les cyclistes situé à l'ouest de la rue Saint-Fuscien dont fait état la communauté d'agglomération, qui n'a d'ailleurs été achevé qu'en 2020 soit quatre ans après la rénovation de la rue Saint-Fuscien, a allongé de deux tiers la distance à parcourir entre le carrefour de la Croix Rompue et le boulevard de Bapaume.

16. Or une telle dissociation de l'itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne présente pas la mesure limitée requise, ainsi qu'il a été dit, pour l'application de l'article L. 228-2 du code de l'environnement.

17. Il résulte de ce qui précède que l'aménagement du tronçon nord de la rue Saint-Fuscien ne répond pas aux exigences de l'article L. 228-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée pour le tronçon sud :

18. Sur le tronçon sud de la rue Saint-Fuscien compris entre le carrefour de la Croix Rompue et la rocade, l'aménagement de l'accotement en voie verte a été prévu pour permettre la circulation dans les deux sens, indépendante des voitures, des cyclistes et des piétons.

19. D'une part, si l'article L. 228-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, ne mentionnait pas parmi les itinéraires cyclables les voies vertes, qui selon l'article R. 110-2 du code de la route sont les " routes exclusivement réservées à la circulation des véhicules non motorisés, des piétons et des cavaliers ", il ne prévoyait pas que ces itinéraires devaient être destinés exclusivement aux cyclistes et il n'interdisait donc pas leur utilisation par les autres modes de déplacement non motorisés. La création d'une voie verte ne méconnaissait donc pas par elle-même cet article L. 228-2.

20. D'autre part, la seule circonstance que la voie verte était à double sens cyclable ne rendait pas cet aménagement incompatible avec le schéma directeur des aménagements cyclables inclus dans le plan de déplacements urbains auquel se référait l'article L. 228-2 du code de l'environnement, qui s'était notamment fixé pour objectifs de créer " des aménagements variés avec une répartition relativement équilibrée entre bande cyclable, piste cyclable, voie verte et rue en circulation apaisée " et " des continuités cyclables entre les aménagements existants en privilégiant des circuits sécurisés et en limitant les doubles-sens cyclables ".

21. Enfin, si l'association requérante soutient que l'aménagement ainsi prévu n'offrait pas un itinéraire cyclable indépendant et sécurisé dans les deux sens, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet aménagement, nonobstant ses imperfections, ne présentait pas des conditions de sécurité suffisantes.

22. Il résulte de ce qui précède que l'aménagement du tronçon sud de la rue Saint-Fuscien n'a pas méconnu l'article L. 228-2 du code de l'environnement et n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la sécurité des cyclistes et des piétons.

23. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole du 2 novembre 2016 en tant qu'elle a refusé de modifier les aménagements cyclables prévus à l'occasion des travaux de rénovation du tronçon nord de la rue Saint-Fuscien à Amiens.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Le présent arrêt implique nécessairement, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et ainsi que l'association requérante l'a demandé, que le président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole réexamine la demande de cette association tendant à la modification des modalités de réaménagement du tronçon nord de la rue Saint-Fuscien. Il appartiendra à cette autorité de procéder à ce réexamen au regard des dispositions de l'article L. 228-2 du code de l'environnement issues de loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'impartir au président de la communauté d'agglomération un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, pour procéder à ce réexamen, sans toutefois qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

26. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Véloxygène, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté d'agglomération Amiens Métropole réclame au titre des frais liés au litige.

27. D'autre part, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole une somme de 1 500 euros à verser à l'association Véloxygène au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du président de la communauté d'agglomération Amiens Métropole du 2 novembre 2016 est annulée en tant qu'elle a refusé de modifier les aménagements cyclables prévus à l'occasion des travaux de rénovation du tronçon nord de la rue Saint-Fuscien à Amiens.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la communauté d'agglomération Amiens Métropole de réexaminer la demande de l'association Véloxygène tendant à la modification des modalités de réaménagement du tronçon nord de la rue Saint-Fuscien, au regard de l'article L. 228-2 du code de l'environnement dans sa version issue de loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La communauté d'agglomération Amiens Métropole versera une somme de 1 500 euros à l'association Véloxygène au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Amiens Métropole tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... B... pour l'association Véloxygène et à la communauté d'agglomération Amiens Métropole .

N° 19DA00524

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00524
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GUILMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-16;19da00524 ?
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