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19/10/2021 | FRANCE | N°21DA00482

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 19 octobre 2021, 21DA00482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de reto

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Par un jugement n° 2004275 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2004275 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2021, Mme B... représentée par Me Méhana Mouhou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 15 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 1er mai 1983, est entrée en France le 21 décembre 2014 avec son époux et leurs deux enfants mineurs. Le 27 décembre 2014, Mme B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 7 avril 2015, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, décision confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 mai 2017 devenu définitif. Le 11 février 2020, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé l'Algérie comme pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour. Mme B... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Mme B... réitère devant la Cour son moyen tiré du défaut de motivation. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal sur ce moyen. Par suite, il y a lieu de l'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

3. Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui ne contient que des orientations générales destinées à éclairer l'autorité préfectorale dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. Mme B... se prévaut de ses aïeux combattants, notamment son grand père " mort pour la France ", de la circonstance qu'elle remplirait les conditions pour obtenir sa naturalisation en sa qualité d'enfant de rapatrié d'Algérie et de l'ancienneté, la stabilité et l'intensité des liens familiaux qu'elle entretient sur le territoire avec sa mère, de nationalité française, chez qui elle habite avec ses deux enfants depuis presque six ans à la date de l'arrêté contesté. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 21 décembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour qui ne l'autorisait pas à s'installer durablement et s'y est maintenue alors qu'une mesure d'éloignement confirmée par le tribunal administratif avait été prise à son encontre le 7 avril 2015 et elle n'a sollicité un nouveau titre de séjour qu'en février 2020. En se bornant à faire valoir qu'elle n'a pas de nouvelle de son mari et père de ses enfants depuis 2018, elle ne remet pas en cause les nombreuses attaches dont elle dispose dans son pays d'origine, où résident son époux et plusieurs membres de sa fratrie et où elle a vécu depuis sa naissance jusqu'à ses trente-et-un ans. Elle n'établit pas davantage, par les pièces médicales qu'elle fournit, que l'état de santé et de dépendance de sa mère, âgée de soixante-neuf ans à la date de la décision, nécessiterait une assistance indispensable 24 heures sur 24 qu'elle serait la seule à pouvoir assurer, ni qu'elle ne pourrait bénéficier de l'aide d'une autre tierce personne au quotidien. La requérante qui, par ailleurs, en dehors du contrat d'assistante de vie pour s'occuper de sa mère, ne se prévaut d'aucune perspective d'insertion professionnelle, ne démontre pas que sa cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Algérie avec son époux et ses enfants qui sont également de nationalité algérienne. Par suite, compte tenu des conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision contestée n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Mme B... ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision refusant de l'admettre au séjour, les stipulations des articles 7, 9, 27 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des pièces du dossier que la cellule familiale, constituée de l'époux de Mme B... et de leurs deux enfants, peut se reconstituer en Algérie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité et où les enfants pourraient y poursuivre leur scolarité. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime, dont la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants, ni ces derniers de leur grand-mère, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de ces derniers une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Mme B... se borne à reprendre les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur un refus de séjour lui-même illégal, et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter, en appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance ni critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

9. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, rien ne fait obstacle à la poursuite de la vie familiale de Mme B... avec ses enfants, âgés de dix ans et sept ans à la date des arrêtés contestés, dans le pays dont ils possèdent tous la nationalité. Il n'est notamment pas établi que ses enfants, respectivement scolarisés en cours moyen 2ème année et en cours préparatoire, ne pourraient y continuer une scolarité appropriée, ni, eu égard à leur âge, s'adapter à un autre environnement social. Ainsi en faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, ni méconnu, par suite, les stipulations précitées du 1 de l'article 3 et de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français :

10. Le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, Mme B... n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français.

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

12. Pour faire interdiction à Mme B... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de la Seine-Maritime a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, pris en compte les conditions et la durée de l'entrée et du séjour en France de l'intéressée et de sa famille, l'absence d'autres liens familiaux en France et le fait qu'elle se soit soustraite volontairement à une mesure d'éloignement en 2015. Par suite, le préfet, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision d'interdiction de retour.

13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus concernant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3, 7, 9, 27 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, pour les motifs précédemment exposés, être écartés.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

14. Mme B... persiste à demander l'annulation de la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en soutenant comme en première instance, sans assortir ses moyens d'éléments de fait ou de droit nouveaux, qu'elle est entachée d'une motivation insuffisante et est disproportionnée et sans critiquer la réponse faite par le tribunal. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, de rejeter ces conclusions comme irrecevables.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00482 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00482
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : MOUHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-19;21da00482 ?
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