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21/10/2021 | FRANCE | N°20DA01976

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 octobre 2021, 20DA01976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et d'enjoindre au préfet de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par

un jugement n° 2006058 du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et d'enjoindre au préfet de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 2006058 du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Gommeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de cette notification, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le gouvernement de la République française relatif à la réadmission et au transit des personnes en situation irrégulière signé le 10 février 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est un ressortissant albanais né le 3 mai 1998 à Rrëshen (Albanie). Par un arrêté du 26 août 2020, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 3 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; [...] " Aux termes du I de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. [...] ".

3. Il ressort des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'obligation de quitter le territoire français, et des articles L. 531-1 et suivants du même code, relatives aux procédures de remise aux Etats membres de l'Union européenne ou parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'UE ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'UE ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet du Pas-de-Calais n'était pas tenu de décider de remettre M. A... aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne d'où il indiquait provenir plutôt que de l'obliger à quitter le territoire français dès lors que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. En tout état de cause, il ne ressort pas de l'audition de M. A... par les services de police, le 26 août 2020, que, quand bien même il a indiqué qu'il envisageait de se marier en Allemagne et qu'il y avait une adresse, il aurait demandé expressément à être éloigné vers ce pays. En outre, l'appelant a mentionné ne pas être en possession d'un titre de séjour lui permettant de séjourner régulièrement en Allemagne. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais n'était pas tenu d'examiner s'il y avait lieu de le réadmettre dans cet Etat. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

6. Si M. A... soutient qu'il a, du fait de son homosexualité, fait l'objet de harcèlement et de violence au sein de sa famille, à l'école ainsi que dans la rue et que la police a refusé d'enregistrer ses plaintes, il n'établit pas les risques personnels qu'il encourt en cas de retour en Albanie en se bornant à produire des rapports généraux sur la situation des personnes homosexuelles dans ce pays. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas sollicité l'asile en Allemagne, où il est arrivé fin 2019, et que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile le 11 septembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision en litige, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas examiné la situation de l'appelant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes du III l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...). La durée de l'interdiction de retour [...] [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le jour de son interpellation par les services de police au port de Calais, le 26 août 2020, alors qu'il souhaitait rejoindre la Grande-Bretagne après avoir passé plusieurs mois en Allemagne. Il n'allègue pas avoir d'attaches sur le territoire français et a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans en Albanie. Si l'intéressé indique que le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen qui assortit la décision est susceptible de fonder un refus d'entrée sur le territoire allemand où il projette de se marier, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la communauté de vie avec un ressortissant allemand depuis le mois de décembre 2019 dont il se prévaut. Ainsi, quand bien même il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que mentionnés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision en litige, que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas examiné la situation de l'appelant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Gommeaux.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°20DA01976

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01976
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-21;20da01976 ?
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