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07/12/2021 | FRANCE | N°21DA00500

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 07 décembre 2021, 21DA00500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2020 par lesquels le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2009163 du 2 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 mars et 16 juillet 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2020 par lesquels le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2009163 du 2 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 mars et 16 juillet 2021, Mme A... représentée par Me Sanjay Navy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les arrêtés du préfet du Nord du 16 décembre 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros à verser à son conseil qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante algérienne née le 13 juillet 1981, est entrée en France le 19 septembre 2017 muni d'un visa court séjour. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 octobre 2018. Par un arrêté du 16 décembre 2020 le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an et, par un arrêté du même jour, il l'a assignée à résidence. Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 du même code, en particulier lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;/ 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6°. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° du I de cet article.

3. Si Mme A... soutient qu'elle aurait déposé, le 19 octobre 2020, un dossier de demande de titre de séjour auprès de la sous-préfecture de Douai, elle se borne à produire la première page d'un formulaire non daté, non signé et qui ne comporte pas même le fondement de sa demande. Il suit de là qu'en estimant dans l'arrêté contesté qu'aucune demande de titre de séjour n'était en cours d'instruction, alors en outre que l'intéressée avait déclaré avoir sollicité un titre auprès de ses services en septembre, et qu'elle entrait ainsi dans le champ du 6° de l'article L. 511-1 précité, le préfet du Nord n'a pas entaché son arrêté d'erreur de droit.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui s'est mariée en juillet 2013 en Algérie avec un compatriote avec lequel elle a eu un enfant né le 26 mars 2015, est entrée seule en France en septembre 2017, à l'âge de trente-six ans, alors enceinte de son deuxième enfant, né le 3 mars 2018 sur le territoire français. Si elle soutient avoir fui l'Algérie en raison d'un époux violent dont elle aurait divorcé, elle se borne à produire un jugement du 20 juillet 2020 du tribunal de Tlemcen en Algérie qui atteste qu'elle a sollicité la dissolution du lien conjugal le 15 décembre 2019, mais que son affaire a été radiée les époux ne s'étant pas présentés. Ce document ne constitue pas un jugement de divorce, ni ne donne aucun élément quant aux violences alléguées. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme A... s'est maintenue sur le territoire après le rejet de sa demande d'asile et n'établit pas ainsi qu'il a été dit au point 3 avoir sollicité un titre de séjour. Si elle fait valoir qu'elle réside chez ses parents et que sa présence en France est indispensable à sa mère qui a été reconnue handicapée et à qui elle apporte son assistance dans les tâches de la vie quotidienne, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa mère ne pourrait bénéficier de l'aide d'une tierce personne et, notamment, de son époux et de ses autres frères et sœurs, présents sur le territoire français et en situation régulière. En outre, la requérante ne justifie d'aucune insertion professionnelle ou sociale et n'établit pas non plus qu'elle serait isolée en cas de retour en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où réside son fils ainé, âgé de 5 ans. Par suite, le préfet du Nord dont les décisions contestées n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de son autre enfant qui n'est pas encore scolarisé, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Mme A... soutient craindre pour sa vie en cas de retour en Algérie en raison de la violence de son époux à son égard. Elle n'apporte toutefois pas d'éléments probants au soutien de ses allégations alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée et que ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français d'un an :

8. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, Mme A... n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français.

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français "

10. Pour faire interdiction à Mme A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet du Nord a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, pris en compte les conditions de l'entrée et la durée du séjour en France de l'intéressée, et le fait qu'elle s'est soustraite volontairement à une mesure d'éloignement en date du 26 mars 2019. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... ne peut être regardée comme justifiant d'aucune circonstance humanitaire qui ferait obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Sanjay Navy.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°21DA00500 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00500
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : LEHINGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-07;21da00500 ?
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