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18/01/2022 | FRANCE | N°20DA01468

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 18 janvier 2022, 20DA01468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer une autorisation pour exploiter 14 ha 1 a et 34 ca de parcelles situées sur le territoire de la commune d'Arcy-Sainte-Restitue.

Par un jugement n° 1902395 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2020, le mi

nistre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement et de reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer une autorisation pour exploiter 14 ha 1 a et 34 ca de parcelles situées sur le territoire de la commune d'Arcy-Sainte-Restitue.

Par un jugement n° 1902395 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. F... présentée devant le tribunal administratif d'Amiens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... F... a, par des actes des 18 et 31 janvier 2019, donné congé à M. et Mme D... du bail dont ils bénéficiaient pour des parcelles d'une superficie de 14 ha 1 a et 34 ca situées sur le territoire de la commune d'Arcy-Sainte-Restitue (02130), en faveur de son fils, M. B... F.... Ce dernier a sollicité le 8 février 2019 l'autorisation d'exploiter ces parcelles cadastrées ZL42, XH27, ZC18, ZC19, ZC20 à ZC22, ZO17, ZO23, AB68 et AB69. Par un arrêté du 20 mai 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée aux motifs que M. D..., qui avait déposé une demande d'autorisation d'exploiter le 25 février 2019, se trouvait dans une situation prioritaire au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement n° 1902395 du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé, à la demande de M. F..., cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " L'article L. 331-3-1 du même code dispose : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ;/ 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Autres définitions : (...) UTANS : Unité de travail annuel non salariée : (...) chef d'exploitation ou associé d'exploitation à titre principal 1 UTANS (...) / conjoint collaborateur à titre principal 0,8 UTANS (...) ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Ordre de priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité (...) / 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après la reprise, le cas échéant. (...) / 4° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 5° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 à 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 6° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1,5 à 2 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 7° Autre situation. " et aux termes de l'article 4 de ce schéma : " fixation des seuils de contrôle : / seuils de surface : le seuil retenu correspond à 94% de la SAU moyenne régionale toutes productions confondues. Il est de 90 ha après opération (...) ".

4. Pour annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé d'accorder à M. F... l'autorisation d'exploiter les terres demandées, les premiers juges ont estimé que le préfet n'apportait aucun élément permettant d'établir que Mme D... avait la qualité de conjointe collaboratrice, ce qui portait l'exploitation de M. D... à 1,8 UTANS. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l'attestation d'affiliation à la MSA Picardie de Mme D..., produite pour la première fois en appel, que cette dernière est inscrite en qualité de conjoint collaborateur depuis le 1er janvier 2000. C'est dès lors à tort que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le préfet avait entaché sa décision d'une erreur de fait pour annuler l'arrêté du 20 mai 2019.

5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2019 :

6. En premier lieu, par un arrêté du 8 janvier 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Hauts-de-France, M. A... C..., directeur régional de l'alimentation et de la forêt des Hauts-de-France a reçu délégation du préfet de la région pour signer notamment tous actes, décisions et réponses relatifs au contrôle des structures des exploitations agricoles, et a été autorisé à déléguer sa signature aux agents placés sous sa responsabilité. Par un arrêté du 6 juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Hauts-de-France du 24 juillet 2018, une subdélégation a été accordée dans son domaine de compétence à Mme H... G..., cheffe du service régional de la performance économique et environnementale des entreprises de la direction régionale de l'alimentation et de la forêt des Hauts-de-France, signataire de l'arrêté contesté. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cet arrêté a été pris par une autorité incompétente manque en fait.

7. En deuxième lieu, M. F... se borne à soutenir qu'il n'a pas pu vérifier la régularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture en l'absence du procès-verbal de réunion de cette commission. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet de la région Hauts-de-France a produit le procès-verbal de la réunion de la commission départementale d'orientation de l'agriculture de l'Aisne du 10 mai 2019 qui a examiné sa situation et justifie ainsi de sa composition régulière. Par suite, le moyen, qui n'est pas davantage précisé, doit être écarté.

8. En troisième lieu, si M. F... se plaint de n'avoir pu obtenir communication de l'annexe 5 complétée par M. D..., preneur en place des parcelles faisant l'objet de sa demande d'autorisation, il ne conteste pas avoir été informé du dépôt d'une demande d'autorisation d'exploiter par ce dernier dont les éléments ont été portés à sa connaissance dans l'arrêté contesté. Or, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la communication aux personnes intéressées, de l'ensemble des pièces du dossier soumis à l'appréciation de la commission départementale, annexées à la demande d'autorisation d'exploiter du concurrent ou preneur en place, lesquelles comportent au demeurant des informations couvertes en partie par le secret de la vie privée. M. F... ne peut davantage utilement faire valoir que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives au droit au procès équitable, auraient été méconnues, l'instruction d'une demande d'autorisation d'exploiter ne présentant pas de caractère juridictionnel. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'instruction de la demande doit ainsi être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur régional des structures agricoles. Le schéma directeur régional des structures agricoles applicable en Picardie attribue le rang de priorité n° 4 pour l'agrandissement et le maintien d'une surface pour atteindre 1 fois inclus le seuil de contrôle par unité de travail non salariée après reprise et attribue le rang de priorité n° 5 pour l'opération atteignant 1 à 1,5 fois inclus ce seuil de contrôle par unité de travail non salariée, ce seuil étant fixé en Picardie à 90 hectares après opération, selon l'article 4 du schéma.

10. Il est constant que l'exploitation de M. D... atteindrait après reprise 119 ha 08 a 66 ca. Elle est composée de M. D... et de son épouse qui a la qualité, ainsi qu'il en est justifié en appel, de conjointe collaboratrice représentant 0,8 unité de travail non salariée. Dans ces conditions, la demande de M. D..., qui compte pour 1,8 unités de travail non salariée en application du calcul défini à l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, relève à la date de la décision contestée du rang de priorité n° 4 du schéma, alors que le projet de M. F..., qui est exploitant agricole à titre individuel comptant pour 1 unité de travail non salariée, porterait la surface de son exploitation à 121 ha 78 a 34 ca, ce qui le situe entre 1 et 1,5 fois le seuil de contrôle par unité de travail non salariée, correspondant au rang n° 5. La circonstance que M. D... aurait cessé son activité à compter du 31 octobre 2020 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2019, qui s'apprécie à la date de son édiction. Il suit de là que ce preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au demandeur au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, le préfet de la région Hauts-de-France a pu légalement refuser à M. F... l'autorisation sollicitée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision 20 mai 2019. Les conclusions présentées par M. F... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. F... doivent dès lors être rejetées.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1902395 du 15 juillet 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. B... F....

Copie sera adressée à M. et Mme D....

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

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N°20DA01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01468
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : LETISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-18;20da01468 ?
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