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20/01/2022 | FRANCE | N°19DA01975

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 20 janvier 2022, 19DA01975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) MCB Conseil a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la somme qu'elle a acquittée à ce titre.

Par un jugement n° 1707304 du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2019, la SAS M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) MCB Conseil a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la somme qu'elle a acquittée à ce titre.

Par un jugement n° 1707304 du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2019, la SAS MCB Conseil, représentée par Me Waymel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, ainsi que la restitution de la somme de 128 619 euros qu'elle a acquittée à ce titre, augmentée des intérêts moratoires à compter du 5 mai 2016, date à laquelle elle a effectué ce paiement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers frais et dépens de l'instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Waymel, représentant la SAS MCB Conseil.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) MCB Conseil a pour objet social l'exercice d'une activité de conseil, consistant à fournir à des entreprises exerçant une activité de commerce de détail des éléments d'information leur permettant de constituer un dossier de demande d'exonération de la taxe sur les surfaces commerciales. Son siège social était situé, jusqu'au 20 septembre 2014, dans un quartier de Lille inclus dans une zone franche urbaine. La SAS MCB Conseil a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause le régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des activités exercées en zone franche urbaine, sous lequel la société avait placé son activité au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions requises pour y prétendre. L'administration a fait connaître à la SAS MCB Conseil sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 27 novembre 2014. Les observations formulées par la SAS MCB Conseil ainsi que l'entretien accordé à cette société par le supérieur hiérarchique du vérificateur, n'ont pas amené l'administration à reconsidérer son point de vue. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, consultée à la demande de la société, a émis un avis favorable au maintien des rectifications. Dans ces conditions, les suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la SAS MCB Conseil au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ont été mis en recouvrement le 18 avril 2016 à hauteur d'un montant, en droits et pénalités, de 128 619 euros. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS MCB Conseil a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ainsi que la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la somme de 128 619 euros qu'elle a acquittée à ce titre. Elle relève appel du jugement du 29 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. / (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération qu'elles instituent, une entreprise doit exercer une activité dans une zone franche urbaine et y disposer des moyens d'exploitation nécessaires à cette activité. Le juge se fonde sur l'instruction pour apprécier si le contribuable entre dans le champ de cette exonération.

4. Il résulte de l'instruction que la SAS MCB Conseil avait, au cours des exercices 2011 à 2013, la disposition, en vertu d'un bail professionnel qui lui avait été consenti le 27 décembre 2010, d'une maison d'habitation, située dans un quartier de Lille inclus en zone franche urbaine, qui avait été réaménagée en immeuble de bureaux. Aux termes de ce bail, la SAS MCB Conseil s'est ainsi vu accorder, moyennant le paiement d'un loyer fixé toutes charges locatives comprises, la jouissance d'un espace à usage de bureau, situé au rez-de-chaussée, représentant une surface d'environ 10 m², ainsi que l'usage, partagé avec les deux autres sociétés ayant leur siège à la même adresse, de parties communes comportant notamment des locaux sanitaires et une cuisine. Il résulte, en outre, des éléments avancés par le ministre, et non contestés, que, lors de sa première venue sur place pour remettre l'avis de vérification, le vérificateur, qui n'a pas constaté d'activité visible au rez-de-chaussée de l'immeuble, dont les volets roulants étaient baissés, a relevé l'absence, sur la façade de cet immeuble, de toute signalétique identifiant la SAS MCB Conseil ainsi que l'absence de boîte aux lettres au nom de celle-ci. Si la SAS MCB Conseil fait valoir que l'une de ses salariées était en congé le jour de la visite du vérificateur et que la boîte aux lettres avait été déposée quelques temps auparavant en raison des dégradations récurrentes dont elle faisait l'objet de la part de passants malveillants, elle n'établit pas cette dernière assertion par le procès-verbal de constat d'huissier, dressé le 10 septembre 2014 à sa demande, qui fait seulement état de traces de fixation sur la façade de l'immeuble, mais ne contient aucune constatation permettant de tenir pour établi qu'une boîte aux lettres au nom de la SAS MCB Conseil, ou tout autre signalétique permettant d'identifier celle-ci, ait pu précédemment être en place.

5. Il résulte également de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que, dans le local à usage de bureau qui lui était attribué au rez-de-chaussée de l'immeuble en cause, la SAS MCB Conseil disposait d'un mobilier de bureau composé de deux plans de travail, de deux chaises, d'un fauteuil de bureau, ainsi que de deux placards et d'une armoire, ce que confirme d'ailleurs le procès-verbal de constat d'huissier cité au point précédent. En outre, la SAS MCB Conseil disposait, dans une pièce commune attenante aménagée en cuisine, d'un photocopieur qu'elle avait acquis le 13 juin 2012, ainsi que d'une imprimante, ce qu'a pu également constater l'huissier. Selon les éléments avancés par le ministre, le vérificateur a constaté que ces matériels faisaient l'objet d'une utilisation partagée entre les trois sociétés disposant de locaux dans l'immeuble. Si la SAS MCB Conseil conteste expressément cette assertion, en soutenant que cette photocopieuse et cette imprimante étaient utilisées exclusivement par ses salariés, elle n'apporte aucun élément probant au soutien de cette allégation, alors que la circonstance que la photocopieuse était sa propriété ne peut suffire, à elle seule, à exclure l'utilisation de ce matériel par les deux autres entreprises présentes sur le site, avec lesquelles la SAS MCB Conseil entretenait, au demeurant, des liens privilégiés, notamment parce-que l'une de ces deux sociétés était liée par un contrat de mandat avec son dirigeant. La SAS MCB Conseil ne peut, dans ces conditions, tirer argument du nombre de photocopies relevé, durant au demeurant une partie seulement de la période vérifiée, sur le compteur équipant cette photocopieuse pour justifier du volume de travail que ses salariés auraient effectué dans ce local. En outre, il n'est pas contesté qu'aucun autre matériel n'était mis à la disposition des salariés de la SAS MCB Conseil, qui utilisaient, pour l'exercice de leurs missions, leur téléphone et leur ordinateur portables personnels, la société, qui ne disposait pas davantage d'un accès à internet ouvert à son nom, n'ayant inscrit en comptabilité aucune prise en charge des dépenses et frais exposés par les intéressés à ce titre.

6. Il résulte, enfin, de l'instruction et notamment des éléments, non contestés, avancés par le ministre à partir des constatations opérées par le vérificateur, que le dirigeant de la SAS MCB Conseil, qui n'est pas un salarié de cette entreprise, n'en exerçait pas non plus la direction effective au cours de la période vérifiée, mais qu'il avait, dès la constitution de la SAS MCB Conseil, donné mandat, pour ce faire, à l'une des deux sociétés d'avocats domiciliées dans les locaux en cause, ainsi qu'à un avocat membre de l'autre société. Ce mandat comportait une délégation de pouvoir aux fins de signer tous documents engageant la SAS MCB Conseil et portait sur l'exercice conjoint des missions de négociation et de mise au point des contrats proposés aux clients de celle-ci, tous domiciliés hors de la zone franche urbaine, ou encore de gestion juridique, comptable et financière de l'exécution des contrats conclus. Ce mandat incluait, en outre, la présentation de toute réclamation administrative et de tout recours, gracieux ou contentieux, afin d'obtenir, pour le compte des entreprises clientes, des restitutions de taxe sur les surfaces commerciales, ainsi que la gestion des encaissements correspondants sur les comptes ouverts auprès de la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Il résulte de ces éléments, non contestés, que l'essentiel de l'activité de la SAS MCB Conseil était, en réalité, exercé, hors de la zone franche urbaine, par les avocats occupant les mêmes locaux, tandis que les sept salariés que cette société a successivement recrutés, à compter du mois d'octobre 2011, doivent être regardés, en l'absence de tout élément contraire versé à l'instruction, comme ayant réalisé exclusivement des tâches de recherches historiques en ce qui concerne l'activité des entreprises clientes, lesquelles recherches étaient principalement effectuées à Paris, notamment à la bibliothèque historique des postes et télécommunications, alors même que les archives correspondantes étaient stockées dans le bureau de Lille. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que ces salariés, à l'exception d'une personne employée pour une quotité de seize heures par semaine et qui était par ailleurs également employée par l'une des deux sociétés d'avocats, n'ont été recrutés que pour des missions de courte durée. Par suite, les volumes horaires de travail réalisés annuellement par les salariés de la SAS MCB Conseil, alors même qu'ils pourraient être regardés, pris dans leur ensemble, comme significatifs, notamment par comparaison avec le temps de travail annuel correspondant à un emploi à plein temps, ne peuvent, en l'absence de tout élément permettant de déterminer la part de ce temps de travail réalisée dans la zone franche, permettre de tenir pour établi l'accomplissement par la SAS MCB Conseil, en ses locaux de Lille, dans le périmètre de cette zone, d'une part significative du travail ainsi réalisé, quand bien même cette société a porté en comptabilité des frais d'affranchissement importants qu'elle aurait acquittés auprès d'un bureau de poste situé à proximité de son siège, alors d'ailleurs que la majeure partie des pièces justificatives produites à cet égard ne sont pas nominatives.

7. Dans ces conditions, compte tenu des éléments énoncés aux points 4 à 6, il ne résulte pas de l'instruction que la SAS MCB Conseil aurait exercé, dans son local professionnel de Lille, situé en zone franche urbaine, une part significative de son activité. Par suite, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, sans se méprendre dans l'appréciation des éléments qui leur étaient soumis, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice, au titre des trois exercices en litige, du régime d'exonération prévu au I de l'article 44 octies A du code général des impôts, sous lequel la SAS MCB Conseil avait entendu placer son activité, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier si celle-ci présentait ou non un caractère sédentaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS MCB Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions afférentes aux frais et dépens de l'instance, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS MCB Conseil est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS MCB Conseil et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01975
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables. - Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : WAYMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-20;19da01975 ?
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