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03/02/2022 | FRANCE | N°21DA01260

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 03 février 2022, 21DA01260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision implicite de l'inspectrice du travail rejetant la demande d'autorisation de son licenciement présentée par l'office public de l'habitat Rouen habitat (OPH), et a autorisé ce licenciement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901539 du 15 a

vril 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de la minis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision implicite de l'inspectrice du travail rejetant la demande d'autorisation de son licenciement présentée par l'office public de l'habitat Rouen habitat (OPH), et a autorisé ce licenciement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901539 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de la ministre du travail du 19 février 2019.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA01260, le 7 juin 2021 et un mémoire enregistré le 10 décembre 2021, l'office public de l'habitat Rouen habitat, représenté par Me Olivier Bodineau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête enregistrée sous le n° 21DA01261, le 7 juin 2021, l'OPH Rouen habitat, représenté par Me Olivier Bodineau, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 15 avril 2021 à titre principal sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ou à titre subsidiaire sur le fondement de l'article R. 811-17 du même code ou à titre encore plus subsidiaire sur le fondement de l'article R. 811-16 du même code ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est employé depuis le 1er juin 1986 par l'office public de l'habitat (OPH) Rouen habitat, Il y exerçait depuis le 1er avril 2008 les fonctions de gestionnaire technique. Il était par ailleurs délégué du personnel et membre suppléant du comité d'entreprise. Le 16 mars 2018, l'office lui a proposé une modification de son contrat de travail pour l'affecter comme auditeur formateur, ce que l'intéressé a refusé. L'établissement public a alors demandé le 4 juillet 2018, l'autorisation de le licencier pour motif économique. Cette demande a été implicitement rejetée par l'inspecteur du travail. Toutefois, sur recours hiérarchique de l'office, la ministre du travail a annulé cette décision implicite par décision du 19 février 2019 et a autorisé le licenciement. Saisi par M. A..., le tribunal administratif de Rouen a annulé, par jugement du 15 avril 2021, la décision ministérielle pour méconnaissance de l'obligation de reclassement et a enjoint à la ministre chargée du travail de réexaminer la demande de l'office dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L'OPH Rouen habitat relève appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes, enregistrées sous les nos 21DA01260 et 21DA01261, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

4. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. Le ministre saisi d'un recours hiérarchique doit, lorsqu'il statue sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de cette décision. Si le ministre annule la décision de l'inspecteur du travail et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, il doit alors, en principe, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date à laquelle il statue.

5. Conformément à ce qui est indiqué au point 4, la recherche de reclassement devait s'effectuer durant la période du 14 juin 2018, date de convocation à l'entretien préalable au licenciement, jusqu'au 19 février 2019, date de la décision ministérielle. La proposition de modification du contrat de travail, faite par l'OPH Rouen habitat à M. A..., d'exercer les fonctions d'auditeur-formateur, le 18 mars 2018, ne pouvait donc, en tout état de cause, eu égard à sa date, s'analyser comme une proposition de reclassement, sans que la circonstance que M. A... ait, lors de son entretien professionnel du 23 juin 2016, exprimé le souhait d'évoluer vers un tel poste ait une incidence. Le refus de M. A... opposé à cette proposition de poste ne dispensait pas l'entreprise de son obligation de reclassement.

6. Une seule offre personnalisée de reclassement a été faite le 5 juillet 2018 à M. A... sur la période de recherche de reclassement, celle concernant un poste d'agent d'entretien. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le poste d'agent d'entretien est classé en catégorie 1 niveau 1 et bénéficiait d'un salaire brut mensuel de 1 748,58 euros alors que le poste occupé par M. A... était classé en catégorie 2 niveau 1, rémunéré sur une base de 2 100 euros brut par mois. Le poste de reclassement proposé était donc de catégorie inférieure et supposait l'accord exprès du salarié, ce qui n'a pas été le cas. Si la décision du 19 février 2019 de la ministre du travail a considéré qu'aucun autre poste disponible n'avait pu être identifié, M. A... a produit une liste de postes vacants, pourvus entre juillet 2018 et mars 2019, qui auraient, selon lui, pu lui être proposés. En cause d'appel, l'OPH Rouen habitat soutient que ces postes ne pouvaient convenir à l'intéressé, compte tenu de son profil et des compétences recherchées. Or, M. A... ayant occupé depuis son embauche par l'office, soit depuis plus de trente ans, uniquement des fonctions techniques de supervision des travaux puis de gestionnaire technique et ayant en outre, comme l'établit son compte-rendu d'entretien professionnel, déjà suivi des formations techniques de courte durée, le poste d'assistant technique d'agence aurait pu lui convenir moyennant une formation permettant son adaptation à de telles fonctions dans un délai raisonnable, mais ne lui a pas été proposé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que plusieurs postes ont été pourvus sur la période, dont l'office ne démontre pas plus qu'ils n'auraient pas pu convenir à M. A..., notamment des postes de gestionnaire administratif et accueil, pour lesquels l'office se borne à soutenir qu'ils n'étaient pas compatibles avec le profil de M. A..., sans apporter aucun élément au soutien de ses allégations. Enfin, si l'office a adressé à M. A..., comme aux autres représentants syndicaux, le 27 juillet 2018, une liste de postes disponibles, ce courrier ne constitue pas une offre personnalisée de reclassement de l'intéressé. Or, l'office n'a effectué aucune autre démarche en vue du reclassement de M. A... après cette date.

7. Dans, ces conditions et en dépit des nouvelles pièces et argumentations apportées en cause d'appel, l'OPH Rouen habitat ne démontre pas qu'il a accompli ses obligations de reclassement à l'égard de M. A..., avec sérieux et loyauté jusqu'à la date de l'autorisation ministérielle. Par suite, cet établissement public n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 19 février 2019 de la ministre du travail autorisant le licenciement de M. A....

Sur la demande de sursis à exécution :

8. La cour rejetant par le présent arrêt les conclusions de l'OPH Rouen habitat tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 avril 2021, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont donc privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'OPH Rouen habitat dans la requête n° 21DA01260. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de cet établissement public présentées au même titre dans la requête 21DA01261. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPH Rouen habitat la somme de 2 000 euros, à verser à M. A..., sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête, enregistrée sous le n° 21DA01260 de l'OPH Rouen habitat est rejetée.

Article 2 : L'OPH Rouen habitat versera la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution présentées par l'OPH Rouen habitat dans la requête n° 21DA01261.

Article 4 : Les conclusions de l'OPH Rouen habitat dans la requête n° 21DA01261 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat, Rouen habitat, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. B... A....

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N°21DA01260, 21DA01261

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01260
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique. - Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES;SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES;SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-03;21da01260 ?
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