La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2022 | FRANCE | N°21DA00210

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 février 2022, 21DA00210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 décembre 2017 par laquelle la commune d'Hénin-Beaumont a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de dire et juger son état de santé imputable au service et de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 180

0066 du 4 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a annulé la décision d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 décembre 2017 par laquelle la commune d'Hénin-Beaumont a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de dire et juger son état de santé imputable au service et de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800066 du 4 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 8 décembre 2017 du maire de la commune d'Hénin Beaumont et la décision rejetant le recours gracieux de M. C..., enjoint au maire d'Hénin-Beaumont de reconnaître imputable au service la maladie de M. C... constatée le 10 octobre 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, mis à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont le versement à M. C... A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la commune d'Hénin-Beaumont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février 2021 et 2 décembre 2021, la commune d'Hénin-Beaumont, représentée par Me Frölich, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Cliquennois, représentant la commune d'Hénin-Beaumont, et de Me Théry, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M C..., adjoint technique de 2ème classe, exerce ses fonctions au sein du service " Jeunesse et Citoyenneté " de la commune d'Hénin-Beaumont. A partir du 30 mai 2016, il a été placé en arrêt de travail pour un syndrome dépressif constaté le 10 octobre 2016. La commission de réforme s'est prononcée favorablement à l'imputabilité de son affection au service par un avis du 10 février 2017. La commune d'Hénin-Beaumont a refusé de suivre cet avis et a demandé une contre-expertise. Par un second avis du 13 octobre 2017, la commission de réforme a confirmé son premier avis. Par une décision du 8 décembre 2017, suivie d'un arrêté du 18 décembre 2017, la commune a refusé à nouveau de suivre cet avis et prononcé la non-imputabilité au service de l'affection de M. C.... Par un jugement du 4 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a notamment annulé l'arrêté du 8 décembre 2017 du maire de la commune d'Hénin Beaumont et la décision rejetant le recours gracieux de M. C..., enjoint au maire d'Hénin-Beaumont de reconnaître comme imputable au service la maladie de M. C... constatée le 10 octobre 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont le versement à M. C... A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune d'Hénin Beaumont relève appel de ce jugement.

2. L'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service. (...) ". Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que M. C... présente un syndrome dépressif constaté par un certificat d'arrêt de travail du 30 mai 2016. Dans ces conditions, sa situation doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non par celles énoncées au II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, dès lors que sa situation juridique était constituée avant cette date.

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des différents éléments médicaux produits que M. C... présente un syndrome dépressif réactionnel à une situation professionnelle difficile ainsi qu'un psychiatre le relève dans son compte rendu du 10 janvier 2017 et que cette symptomatologie a commencé en mai 2016 au décours d'une mutation professionnelle et d'un vécu de harcèlement. Le psychiatre en conclut qu'il apparaît une relation de cause à effet entre la pathologie présentée par M. C... et ses conditions d'exercice professionnel. Il n'est relevé à aucun moment une quelconque antériorité d'état dépressif de l'intéressé. La commission de réforme, le 10 février 2017, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de l'affection constatée le 10 octobre 2016 avec arrêt de travail depuis le 30 mai 2016 pour maladie professionnelle " hors tableau " : syndrome dépressif. Le 13 octobre 2017, la commission de réforme a émis un nouvel avis favorable confirmant celui du 10 février 2017.

5. La commune d'Hénin-Beaumont soutient que M C... est toutefois par son fait personnel à l'origine de sa pathologie dépressive et que son comportement a été la cause déterminante de la dégradation des conditions d'exercice professionnel. Elle produit à cet effet plusieurs constats d'huissier en date des 10 mars 2016, 11 mars 2016, 10 mai 2016, 11 juillet 2016, et 22 juillet 2016 faisant apparaître que l'intéressé tenait sur sa page Facebook librement accessible des propos, à l'encontre de la municipalité ou certains membres de celle-ci, injurieux, diffamatoires, à caractère homophobe, des menaces de mort, qui étaient incompatibles avec le devoir de réserve auquel est tenu tout agent public. Elle relève que M. C... a fait l'objet d'une condamnation pénale par un jugement du tribunal correctionnel de Béthune en date du 24 octobre 2017. Toutefois ces faits, répréhensibles et réprimés, prennent place dans un contexte conflictuel, généré par la suppression de la pointeuse et l'installation de caméras de surveillance à l'hôtel de ville ayant créé un climat de tension entre la municipalité et M. C... en sa qualité de représentant syndical et exacerbé par des publications sur le site internet " La Voie d'Hénin ", il est vrai sans lien direct avec la municipalité, d'attaques personnelles concernant M. C... à raison de son appartenance syndicale. En l'espèce, il n'apparaît pas qu'un fait personnel de l'agent ou une circonstance particulière conduirait à détacher la survenance de la maladie du service. L'arrêt de travail et les soins portés à M. C... à compter du 30 mai 2016 doivent donc être regardés comme présentant un lien direct et certain avec le service. Dès lors, la commune d'Hénin-Beaumont n'est pas fondée à soutenir que M. C... a commis un fait personnel de nature à détacher la maladie du service.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Hénin-Beaumont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a notamment annulé la décision du 8 décembre 2017 du maire de la commune d'Hénin Beaumont et la décision rejetant le recours gracieux de M. C..., refusant de reconnaître imputable au service sa maladie. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Hénin-Beaumont est rejetée.

Article 2 : La commune d'Hénin-Beaumont versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hénin-Beaumont et à M. B... C....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

2

N°21DA00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00210
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : THERY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-24;21da00210 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award