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17/03/2022 | FRANCE | N°21DA02769

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 mars 2022, 21DA02769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de la Somme a fixé le pays d'éloignement à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 février 1997 le condamnant à une peine d'interdiction définitive du territoire français.

Par un jugement n° 2106647 du 30 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête, enregistrée le 2 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Julie Gommeaux, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de la Somme a fixé le pays d'éloignement à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 février 1997 le condamnant à une peine d'interdiction définitive du territoire français.

Par un jugement n° 2106647 du 30 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Julie Gommeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre provisoirement au séjour dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant angolais, a été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 février 1997, confirmant le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 5 avril 2016, à une peine d'emprisonnement de trente mois et à une interdiction définitive du territoire français. Par un arrêté du 12 juillet 2021, la préfète de la Somme a fixé le pays d'éloignement en exécution de cette interdiction définitive du territoire français. M. B... relève appel du jugement du 30 août 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 641-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La peine d'interdiction du territoire français susceptible d'être prononcée contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit est régie par les dispositions des articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de

l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

3. La décision fixant le pays de renvoi d'un étranger frappée d'une peine d'interdiction du territoire français présente le caractère d'une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et est soumise notamment aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants de ce code selon lesquelles l'administration doit mettre à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales en ayant la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait été mis à même de présenter des observations écrites avant que n'intervienne l'arrêté du 12 juillet 2021 en litige, qui lui a été notifié le même jour. Si la préfète de la Somme produit en appel un document intitulé " notice de renseignement ", dont il ressort que M. B... a été auditionné et notamment avisé qu'il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français assortie ou non d'un arrêté de placement en rétention, cette audition a été menée le 15 juillet 2021 soit postérieurement à l'arrêté en litige. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie que constitue la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. L'arrêté du 12 juillet 2021 doit dès lors être annulé pour ce motif.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte :

6. L'annulation de l'arrêté en litige implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gommeaux, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gommeaux de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 30 août 2021 et l'arrêté du 12 juillet 2021 de la préfète de la Somme sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gommeaux une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Julie Gommeaux.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Somme.

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N°21DA02769

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02769
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-17;21da02769 ?
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